Le président français a regagné Paris après son premier périple africain qui l’a mené au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Une tournée marquée par des changements notables au regard de ce que fut la politique africaine de la France jusqu’à présent, notamment dans la forme.
D’abord, il faut relever que contrairement à ses prédécesseurs, le président français n'a pas choisi Dakar comme première destination, même si Macky Sall et Alassane Ouattara ont fait la course pour être reçus en premier par le président fraîchement élu.
Cette fois, c’est à Ouagadougou que s'est déroulée la première visite de Macron en Afrique subsaharienne et qu'a été prononcé son discours très attendu sur l’Afrique.
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Le choix n’est pas anodin, le Burkina Faso, le «Pays des hommes intègres», a fait son «Printemps africain» en chassant Blaise Compaoré après 37 ans de pouvoir. Concernant le discours, et au-delà de la polémique plutôt franco-française sur la blague adressée au président burkinabè, il a été globalement salué de façon positive.
Macron est revenu sur les périls qui menacent le continent: les migrations de centaines de milliers de jeunes Africains, l’extrémisme religieux et son corollaire le terrorisme, la démographie galopante ou l’analphabétisme. Face aux étudiants, il a aussi fait des promesses, dont la déclassification de tous les documents liés à l’assassinat de Thomas Sankara, une icône pour la jeunesse africaine.
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Autre nouveauté, en rupture avec la Françafrique et ses réseaux, Macron s’est déplacé sans les grands patrons du CAC 40, les grosses entreprises françaises qui font la pluie et le beau temps en Afrique -Total, Vinci, Areva, Bouygues- et les puissants groupes familiaux comme Bolloré, accusés d'influer trop fortement sur les politiques de nombreux dirigeants africains. Au contraire, il s’est fait accompagner par des dirigeants de startups.
Sur ce point, la rupture semble amorcée. «Je ne suis pas d’une génération qui vient dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire. Il n’y a plus de politique africaine de la France», a tenu à souligner Macron devant quelque 800 étudiants à Ouagadougou.
Reste qu’il n’est pas le premier président français à l’affirmer haut et fort (Sarkozy et Hollande aussi l’avaient annoncé), même s’il est le premier à ne pas prononcer le mot «Françafrique».
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Troisième nouveauté majeure: la France ne souhaite plus se contenter de ses relations avec les pays francophones. Elle diversifie ses partenaires.
D'où le fait que le Ghana, un pays anglophone qui représente l’une des économies les plus dynamiques du continent et l'une des démocraties les plus solides, ait été inscrit dans le périple du président français en Afrique. À l’instar de la Chine, de l’Inde et de la Turquie qui n’ont pas de relations historiques (colonisation) et culturelles (francophonie) avec les pays africains, la France affiche sa volonté de faire face à la concurrence des nouveaux venus sur ce qu’elle a toujours considéré comme son pré carré africain.
Le président français a certainement compris qu’en dehors du Sahel, la France a beaucoup perdu de son influence. Du coup, avec l’étape ghanéenne, il a tenté son «approche continentale de l’Afrique» dans le but de compenser la baisse du poids de la France par rapport aux autres puissances, dont la Chine, devenue le premier partenaire économique du continent, mais aussi la Turquie et le Maroc, de plus en plus présents en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
Cette visite de quelques heures est une manière de tendre la main à l’Afrique anglophone très courtisée par la puissante Chine. En 2015, le Ghana a été la 7e destination des investissements français en Afrique subsaharienne.
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Autre fait nouveau: c'est la première fois qu'un président français est accueilli par des manifestations hostiles en Afrique subsaharienne. L’Afrique a évolué, il faut désormais prendre en considération sa jeunesse et sa société civile qui souhaitent autant que possible une évolution des relations entre la France et le continent africain, qui demeurent largement basées sur des relations qu'entretiennent les dirigeants français avec les chefs d’État des anciennes colonies.
Reste que malgré la touche Macron, il y a des réalités qui ont la peau dure. C’est le cas notamment de la Françafrique, dont les racines profondes ont certes évolué, mais continuent de marquer les relations franco-africaines. Ces réseaux politico-affairistes, s'ils ont perdu une partie de leur superbe, résistent à l’usure. Et il en sera ainsi tant que l’Afrique ne sera pas à même de prendre son indépendance militaire, mais aussi et surtout financière, en rompant avec le franc CFA.
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Macron a beau indiquer que pour «le franc CFA, la France n’est pas le maître, elle en est le garant» ou que «personne n’oblige un quelconque État à en être membre», le fait que la France demeure le garant du franc CFA, et donc d’une partie de la souveraineté des 14 pays africains de cette zone, donne à penser que la Françafrique newlook a encore de beaux jours devant elle.
Outre l'aspect monétaire, les pays de la région restent dépendants du soutien financier de l'Hexagone, malgré l’influence grandissante de la Chine en Afrique. En atteste le financement total du projet du métro d’Abidjan par la France pour un montant de 1,4 milliard d’euros, avec à la clé la mise à l’écart des entreprises coréennes qui avaient pourtant gagné certaines tranches du projet et qui ont été priées de céder la place aux entreprises françaises. Les relations entre la France et le continent évoluent certes, mais, de part et d’autre, certains ont intérêt à ce que celles-ci perdurent sous une forme ou une autre…