Le franc CFA se déprécie face au dollar dans le sillage de l’euro, voici les pays les plus et les moins impactés

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Le 11/07/2022 à 13h35, mis à jour le 11/07/2022 à 13h38

Lié par une parité fixe à l’euro, le franc CFA, la monnaie de 14 pays d’Afrique de l’ouest et centrale, s’est fortement déprécié face au dollar dans le sillage de l’appréciation du billet vert face à l’euro. Une situation qui a des répercussions divergentes sur les pays de la région.

L’euro, monnaie unique européenne, se rapproche pour la première fois depuis 2002 de la parité avec le dollar américain, 1 euro s’échangeant contre moins de 1,01 dollar ce matin du lundi 11 juillet.

Le franc CFA, monnaie commune des 8 pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) est liée à l’euro par une parité fixe (1 euro pour 655,957 francs CFA). Il évolue ainsi à la hausse ou à la baisse vis-à-vis du dollar américain corollairement à l’euro. Une situation qui s’explique par la plus grande robustesse de l’économie américaine, par rapport notamment aux chocs liés à la guerre Russie-Ukraine qui a beaucoup plus fragilisé les économies européennes à cause de la dépendance des importations de gaz et de pétrole russes.

Conséquence: le franc CFA ne cesse de se déprécier vis-à-vis du dollar depuis le début de l’année et plus particulièrement depuis le déclenchement de la crise Russie-Ukraine, à cause de la perte de valeur de l’euro par rapport au billet vert. Entre le 31 décembre 2021 et le 11 juillet 2022, le taux de change du franc CFA vis-à-vis du dollar est passé de 579,50 FCFA pour 1 dollar à 645,95 FCFA pour le même dollar, soit une dépréciation de 11,46%. Il s'agit du niveau le plus bas de la monnaie ouest-africaine vis-à-vis du dollar depuis plus de 20 ans.

Sur un an, le franc CFA s'est déprécié de 13,2%, conséquence des situations économiques et des politiques monétaires américaines et européennes, dans lesquelles les 14 pays des régions CFA ne sont que de simples spectateurs subissant néanmoins les conséquences, positives ou négatives.

A ce titre, l’appréciation du dollar américain face au franc CFA a des impacts divergents selon les pays. D’abord, pour les pays exportateurs de pétrole et de gaz (Gabon, Guinée équatoriale, Tchad, Niger, Cameroun et Congo), cette hausse du billet vert qui intervient dans un contexte de flambée des cours du baril de pétrole est une aubaine. A 104 dollars le baril de Brent de la mer du Nord, un dollar vigoureux constitue une véritable aubaine pour des économies dépendantes des hydrocarbures pour leurs recettes d’exportation et ressources budgétaires.

De même, les pays exportateurs de minerais (l'or notamment) et de produits agricoles (cacao, noix de cajou, coton, banane, arachides…) facturés en dollars tireront également profit de cette appréciation du billet vert qui va rendre leurs produits plus compétitifs sur le marché international. Cela devrait particulièrement bénéficier à la Côte d’Ivoire, grand exportateur de produits agricoles (cacao, café, noix de cajou, banane…), mais aussi, dans une moindre mesure, au Mali, au Burkina Faso et au Bénin, grands producteurs de coton.

Ainsi, globalement, les recettes tirées des exportations converties en monnaie locale vont se gonfler mécaniquement et accroître les ressources budgétaires des pays concernés, sachant que les exportations d’hydrocarbures et de certains produits minéraliers et agricoles représentent l’essentiel des ressources fiscales des pays de la région.

La dépréciation du franc CFA va également rendre la région plus attractive pour les investisseurs et les touristes américains qui bénéficient d’un dollar beaucoup plus fort.

Mais l'appréciation du dollar par rapport au franc CFA n’a pas que des impacts positifs. D’abord, les pays de cette région étant majoritairement, à l’instar du reste du continent, de grands importateurs de produits alimentaires, la flambée des cours des produits agricoles, notamment le blé, le maïs, les oléagineux et les produits laitiers, se traduira inéluctablement par une augmentation significative des factures d’importation sous l’effet combiné de la hausse des cours sur le marché mondial, de l’augmentation des coûts du fret mondial et de l’appréciation du dollar vis-à-vis du franc CFA.

Ces hausses vont également impacter les coûts de production des entreprises africaines. Conséquence: la dépréciation du franc CFA va rendre la facture des importations facturées en dollars beaucoup plus salée et accentuer l’inflation au niveau des deux zones CFA d’Afrique tout en creusant davantage les déficits commerciaux. Et ce sont les pays qui n’ont pas d’hydrocarbures et des produits agricoles à exporter qui seront les plus affectés par cette situation.

En outre, cette dépréciation significative du franc CFA par rapport au dollar se traduira par un renchérissement du coût du service de la dette libellées en dollar pour les pays de la région. Il faudra mobiliser plus de francs CFA pour rembourser la dette. Bref, les balances des opérations courantes des pays de la région seront négativement impactés, exceptés celles des pays exportateurs de pétrole (Congo, Gabon, Guinée équatoriale,...) et/ou de produits agricoles (Côte d'Ivoire).

Enfin, les déplacements vers les Etats-Unis deviendront beaucoup plus coûteux pour les voyageurs africains, qui devront faire face à la flambée des prix des billets d’avion à cause de l’impact du coût du kérosène (facturé en dollar) et à la dépréciation du franc CFA par rapport au dollar qui fait que, comparativement à une année en arrière, les voyageurs africains à destination des Etats-Unis, toutes choses égales par ailleurs, devront désormais disposer de plus de francs CFA pour acquérir une même quantité de dollars.

Notons que l'espoir d'un ralentissement de la dépréciation du franc CFA vis-à-vis du dollar repose sur la décision de la Banque centrale européenne (BCE) de relever ou non son taux directeur pour faire face à l'inflation sans pour autant affecter la croissance de la région. C'est dire que les 14 pays des deux zones CFA sont désarmés face à l'envolée du dollar par raport à leur «monnaie unique».

Par Moussa Diop
Le 11/07/2022 à 13h35, mis à jour le 11/07/2022 à 13h38