Ceux qui s’attendaient à l’avènement de l’éco UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) le 1er juillet doivent encore patienter. En effet, contrairement à ce qui avait été annoncé, le franc CFA continue d’être la monnaie des pays de cette union, et ce probablement pour un bon moment.
Ainsi, malgré les annonces en grande pompe, rien ou presque n’a changé. Pourtant, le 20 mai dernier, la France avait donné un coup de pouce à la mort du franc CFA, en renonçant au dépôt auprès du Trésor français de la moitié des réserves de change de la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et en se retirant des instances de gouvernance de la banque ouest-africaine.
Avec cet acte, les symboles caractéristiques du contrôle de la monnaie par la France ont été supprimés. C'est déjà un acquis.
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Toutefois, pour le reste, c’est le statu quo. Il faut dire que les pays de l’Uemoa, notamment la Côte d’Ivoire et le Sénégal, ne sont pas pressés à abandonner le franc CFA, synonyme de stabilité monétaire et qui leur offre aussi une convertibilité grâce à la garantie offerte par la France. Ces pays, habitués à des niveaux d’inflations bas, craignent ainsi se retrouver dans des situations similaires à celles d’autres pays de la région.
En clair, la réforme tant souhaitée du franc CFA reste plus que partielle, ne touchant que certains symboles de la françafrique qu’il représente.
Il faut dire que l’échec de ce lancement de l’éco était attendu. D’abord, la décision des pays de l’Uemoa de renommer unilatéralement le franc CFA en éco est loin de faire l’unanimité au sein des pays de la Cédéao.
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«J’ai l’impression que la zone UEMOA souhaite adopter l’éco en remplacement de son franc CFA avant les Etats membres de la CEDEAO. Il est préoccupant que ceux avec qui nous souhaitons entrer dans une union fassent des pas importants sans nous faire confiance pour en discuter», a soutenu le président nigérian Muhammadu Buhari dont le pays pèse autour de 70% du PIB de la CEDEAO, à la veille de la date choisie pour l’entrée en vigueur de l’éco UEMOA avant d’avertir: «Nous devons procéder avec prudence et nous conformer au processus convenu pour atteindre notre objectif collectif tout en nous traitant mutuellement avec le plus grand respect. Sans cela, nos ambitions pour une Union monétaire stratégiques en tant que bloc de la CEDEAO pourraient très bien être gravement compromises».
Si le président Buhari est catégorique, sa position est aussi partagée par certains dirigeants de la ZMAO (Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest, qui inclut Nigeria, Ghana, Gambie, Guinée, Liberia et Sierra Leone). Ainsi, le président guinéen Alpha Condé a lui aussi souligné, lors d’une visio-conférence avec ces dirigeants, qu’«en aucun cas la Guinée ne saurait adhérer à une zone monétaire sans les 15 Etats de la CEDEAO».
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Il faut préciser que l’éco est le nom de la monnaie unique choisie pour des 15 pays de la CEDEAO. En conséquence de quoi, les pays de la ZMAO refusent catégoriquement que les pays de l’UEMOA se l'approprient.
Ensuite, sur le plan réglementaire, les pays de l’UEMOA sont loin de respecter les critères de convergence devant précéder l’entrée en vigueur de l’éco: un déficit inférieur à 3% du PIB, un taux d’endettement de moins de 70%, une inflation sous les 10%… même s’ils en sont globalement plus proches que ceux de la ZMAO.
En effet, des 15 pays de la CEDEAO, seul le Togo avait rempli tous les critères de convergence pour aller vers la monnaie unique en 2019. Or, pour intégrer la monnaie unique, les pays qui veulent intégrer la zone éco doivent respecter les critères de convergences durant trois années successives. Ce qui n’est le cas d’aucun pays de la région actuellement.
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Par ailleurs, on voit très mal un lancement de l’éco avec des billets de banque et des pièces de monnaie au profit uniquement des pays de l’Uemoa, alors que les structures monétaires ne sont pas mises en place. Les pays de l’UEMOA auront-ils le droit de demander l’impression de la monnaie éco dans un pays étranger? Où vont-ils investir lourdement pour imprimer la nouvelle monnaie, alors que des puissances régionales, comme le Nigeria et le Ghana, sont appelées à rejoindre cette monnaie et pèsent plus de 75% du PIB de la région?
Bref, tout indiquait que ce lancement de l’éco n’était pas réalisable le 1er juillet 2020. Même le président Alassane Ouattara avait fini par souligner qu’il était impossible. «Quand l’Europe a décidé de mettre en place l’euro, la décision a été prise, mais il a fallu 3 ans pour que ça se matérialise. On a pris cette décision le 21 décembre 2019, alors pourquoi les gens veulent-ils que l’éco se matérialise dans les mois qui suivent? Cela se fera pas à pas, avec prudence, en tenant compte des intérêts des citoyens de la zone UEMOA et de la CEDEAO».
Enfin, l’urgence actuelle n’est plus au lancement de l’éco, mais à faire face à la pandémie de Covid-19, qui impacte négativement l’évolution des économies de la région, en ralentissant fortement leur croissance. Une conjoncture qui risque de mettre la réforme du franc CFA et l’avenir de l’éco entre parenthèses, pour un temps.
Rappelons que c’est le 21 décembre 2019 les les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara avaient annoncé le remplacement du franc CFA par l’éco. Une chose est sûre, 60 ans après les indépendances, des obstacles restent encore à lever pour se débarrasser d’une monnaie héritée de l’ère coloniale en Afrique de l’Ouest.