La garde à vue prolongée pour Vincent Bolloré pour des soupçons de corruption

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Le 25/04/2018 à 15h40

La garde à vue de l'homme d'affaires Vincent Bolloré a été prolongée mercredi matin à Nanterre dans l'enquête sur des soupçons de corruption entourant l'obtention par son groupe de concessions portuaires en Afrique de l'Ouest.

Le milliardaire de 66 ans, encore aux commandes du groupe Bolloré mais qui a récemment cédé les rênes de Vivendi à son fils Yannick, est entendu depuis mardi matin dans les locaux de la police anticorruption où sa garde à vue a été prolongée, a appris l'AFP de source judiciaire.

Deux cadres du groupe sont également entendus à Nanterre depuis mardi matin: le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe Dorent, et le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix.

En outre, Francis Perez, président du groupe Pefaco, société spécialisée dans l'hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, est également gardé à vue depuis mardi, selon une source judiciaire.

C'est notamment en enquêtant sur ce dernier, qui entretient des relations étroites avec Jean-Philippe Dorent, que la justice a resserré ses investigations sur les activités africaines de Vincent Bolloré.

Les juges d'instruction Serge Tournaire et Aude Buresi tentent de déterminer si le groupe Bolloré a utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas pour obtenir la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée.

Selon Le Monde, les magistrats soupçonnent Havas d'avoir sous-facturé ses services afin que le groupe Bolloré décroche ces deux contrats via sa filiale Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.

Une perquisition avait été menée en avril 2016 à la tour Bolloré de Puteaux, près de Paris, siège notamment de cette filiale.

Dans un communiqué transmis mardi, le groupe Bolloré a "formellement" démenti avoir commis des irrégularités en Afrique, où il gère 16 terminaux portuaires.

L'enquête, également nourrie par les plaintes d'un ancien associé franco-espagnol de Bolloré, Jacques Dupuydauby, s'intéresse aux campagnes présidentielles victorieuses menées en 2010 par Alpha Condé en Guinée, et par Faure Gnassingbé au Togo, tous deux alors conseillés par Havas.

SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l'élection de M. Condé fin 2010, et remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 de M. Gnassingbé.

"Sans autre forme de procès"

"Les concessions obtenues au Togo l'ont été en 2001, bien avant l'entrée du groupe dans Havas, et en Guinée, en 2011, à la suite de la défaillance du n°1 (le groupe étant arrivé en seconde position lors de cet appel d'offres), défaillance constatée avant l'élection du président", fait valoir le groupe Bolloré, dans son communiqué.

"Dès son arrivée au pouvoir, Alpha Condé a pris une décision qui a surpris plus d'un. La gestion du port sera immédiatement confiée à son ami Vincent Bolloré, sans autre forme de procès", a, de son côté, déclaré à l'AFP Cellou Dalein Diallo, chef de l'opposition guinéenne et candidat malheureux au second tour face à Alpha Condé en 2010 (puis au premier tour en 2015).

"Bolloré remplissait toutes les conditions d'appel d'offres. C'est un ami, je privilégie les amis. Et alors ?", avait expliqué Alpha Condé au journal Le Monde en 2016.

A chaque fois, la désignation de SDV a donné lieu à une bataille judiciaire entre le groupe Bolloré et les anciens gestionnaires des ports.

Concernant le port de Lomé, Jacques Dupuydauby accuse la présidence togolaise d'avoir été corrompue par le groupe français. Ses deux plaintes, une d'avril 2012 pour "extorsions de fonds" et l'autre d'avril 2013 pour "trafic d'influence" et "corruption", sont également instruites par le juge Tournaire qui l'a entendu à deux reprises, selon son avocate Me Sarah Mauger Poliak.

Dans son bras de fer judiciaire avec l'industriel breton, Dupuydauby, qui réside en France, a cependant été condamné en Espagne à 3 ans et neuf mois de prison pour "détournement d'actifs" du groupe Bolloré. La cour d'appel de Paris doit examiner à nouveau le 16 mai la demande d'extradition de Madrid.

S'agissant de Conakry, Bolloré avait perdu sa bataille devant le tribunal de Nanterre face à Necotrans, l'ancien concessionnaire, et a été condamné en 2013 à lui verser plus de 2 millions d'euros. Placé en redressement judiciaire en juin 2017, Necotrans a été racheté peu après par Bolloré.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 25/04/2018 à 15h40