CEDEAO: une monnaie unique, mais autre que le franc CFA à partir de 2020

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Le 25/02/2018 à 15h08, mis à jour le 25/02/2018 à 15h12

La monnaie unique de la CEDEAO sera progressivement lancée à partir de 2020. Les présidents de la «Task force» en charge du dossier ont décidé d’accélérer le processus avec la création en 2018 d’une institution monétaire.

Après plus de 37 ans, le projet de la monnaie unique de la CEDEAO semble enfin sur les rails. Lors de la dernière réunion de la «Task force» qui s’est tenue au cours de la semaine à Accra au Ghana, les 4 présidents du groupe –Nigeria, Niger, Côte d’Ivoire et Ghana- ont décidé d’accélérer le processus devant mener à la mise en place d’une devise unique à partir de 2020.

Parmi les principales avancées, on note la création, dès cette année, d’une institution monétaire de la CEDEAO, ce qui constitue un élément fondamental dans le cadre de la mise en place d’une monnaie unique. Celle-ci va «fédérer et rationaliser les multiples institutions existantes» au niveau de la sous-région.

Pour entériner plus rapidement la fin du franc CFA et des monnaies locales, les dirigeants ont également réduit le nombre de critères de convergences à 6 contre 11 auparavant. En effet, avec la mise en place de l’institution monétaire qui sera en charge de toutes les questions monétaires et financières, les pays doivent mettre l’accent sur la discipline budgétaire avec un déficit limité à 3% du PIB, la transparence fiscale, une inflation inférieure ou égale à 5%, etc.

L’institution sera en charge de la politique monétaire (variable de taux de change, taux d’intérêt directeur, etc.) et des réserves extérieures brutes, notamment. Autant de critères nécessaires pour mener une politique monétaire régionale efficace.

Il faut dire que la monnaie unique a un nouveau grand défenseur en la personne du président ghanéen Nana Akufo-Addo pour qui la création de cette monnaie unique régionale permettra «de supprimer les barrières commerciales et monétaires, de réduire les coûts de transaction, de dynamiser l’activité économique et d'accroître le niveau de vie de la population de la région».

Reste que certains pays sont loin de répondre aux six critères de convergence, comme le déficit budgétaire limité à 3% du PIB ou un taux d’inflation inférieur ou égal à 5%. C’est le cas notamment des pays non membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui partagent l’utilisation du franc CFA. Il s’agit du Nigeria (naira), Ghana (cédi), Guinée (franc guinéen), Libéria (dollar libérien), Sierra Leone (leone), Cap-Vert (escudo) et Gambie (dalasi).

Du coup, les chefs d’Etat ont décidé que l’approche serait graduelle. En clair, les Etats qui rempliront les critères de convergence démarreront avec la monnaie unique dès 2020. Les autres sont appelés à suivre à mesure qu’ils rempliront les critères exigés. Selon le ministre ghanéen des Finances, Ken Ofori-Atta, l’essentiel est de trouver à l’horizon 2020 trois à quatre pays remplissant tous les critères pour lancer la monnaie et les autres pourront progressivement les rejoindre par la suite. Pour Bruno Koné, porte-parole du gouvernement de la Côte d’Ivoire, «les chefs d’Etat pensent qu’à une ou deux exceptions près, tous les pays de la communauté pourraient être prêts pour ce passage à la monnaie unique» à la date donnée.

Toutefois, face aux difficultés qu’éprouvent certains pays à respecter les critères de convergences, le Nigeria, première puissance économique de la région et qui pèse environ 70% du PIB de la CEDEAO, reste prudent et semble moins optimiste sur le sujet. Une chose est sûre, la 2e puissance économique du continent africain ne sera pas de la première vague des pays qui rejoindront la monnaie unique de la CEDEAO. Outre l’absence de convergence, le représentant nigérian avance que les pays de la région ne sont pas préparés à l’avènement de la monnaie unique.

Reste que pour nombre d’observateurs, il faut réduire les risques d’un nouveau report qui serait susceptible d’affecter la crédibilité du lancement d’une monnaie unique. Et pour ce faire, il est essentiel de privilégier l’option du «Big-bank en 2020» avec l’adoption de la monnaie unique par tous les pays membres à partir de cette date. Sinon, le problème de convertibilité de la future monnaie risque de se poser. 

Par ailleurs, une chose semble certaine, cette monnaie unique de la CEDEAO ne sera pas le franc CFA qu'utilisent les 8 pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Les propos du gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Godwin Emefiele, qui remplaçait le président Muhammadu Buhari lors de cette rencontre, sont sans équivoque. Il a tout simplement demandé aux pays membres de la zone UEMOA de présenter une feuille de route de «dissociation» du Trésor public français.

Ces déclarations confirment celle du président burkinabè sur l’abandon du franc CFA. Celui-ci avait annoncé que les pays qui répondent aux critères de convergence commenceraient à battre la nouvelle monnaie de la CEDEAO à partir de 2020.

En clair, avec cette sortie, le Nigeria, qui pèse environ 70% du PIB de la CEDEAO et qui est parmi les plus sceptiques quant à la mise en place de la monnaie unique, affiche clairement son opposition à tout lien avec le Trésor français sur cette question. Le président burkinabè avait donné il y a quelques mois un avis semblable, coupant l’herbe sous le pied de certains chefs d’Etat -celui de la Côte d'Ivoire notamment- accusés de vouloir faire du franc CFA la monnaie unique de la région.

Pour accélérer la mise en place de cette monnaie unique, les experts de la région vont continuer à travailler sur le dossier. Les quatre chefs d’Etat en charge de la monnaie unique vont se rencontrer en mai prochain à Niamey, au Niger, avec pour objectif de faire de la CEDEAO -communauté de quinze Etats totalisant plus de 340 millions de consommateurs- une union économique et monétaire.

Par Moussa Diop
Le 25/02/2018 à 15h08, mis à jour le 25/02/2018 à 15h12