Comme il fallait s’y attendre, le prix de la baguette est partout en hausse. Les autorités ont globalement fini par accepter les hausses des prix sollicitées par les boulangers qui font face à des hausses du prix de la farine consécutive à la flambée du cours du blé sur le marché mondial.
Le cours de la céréale la plus consommée dans le monde est ainsi passé de 240 dollars la tonne en janvier 20220 à 270 dollars/tonne en janvier 2021 avant d’atteindre 350 dollars/tonne en janvier 2022, bien avant le déclenchement de la crise ukrainienne. A cause de cette crise, le prix de la tonne de blé a franchi largement la barre des 400 dollars avant d’enregistrer un recul à 398 dollars ce mercredi 6 avril sur Euronext. Il faut dire que la Russie et l’Ukraine pèsent à elles seules 30% des échanges mondiaux de blé.
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Du coup, et en tenant compte de la hausse du frêt maritime à cause de l’augmentation du coût du fuel, le prix du blé importé rendu dans les ports africains a explosé, entrainant du coup celui de la farine nécessaire pour produire du pain, poussant les boulangers à répercuter cette hausse sur le consommateur pour ne pas rogner sur leurs marges. Et les gouvernements des pays africains, hormis ceux de l’Afrique du Nord, ont globalement accepté ces hausses, à défaut, les boulangers ont fait subir à la baguette une cure d'amaigrissement pour atténuer son copût de revient.
Au Sénégal, avant même la crise ukrainienne, le prix de la baguette avait augmenté, en mi-décembre 2021, passant en décembre 2021 de 150 FCFA (0,23 euro) à 175 FCFA (0,27 euro) la baguette, soit une hausse de 16,67%. La ministre du Commerce et des Petites et moyennes entreprises, Aminata Assome Diatta, a annoncé la nouvelle de 25 francs CFA (FCFA), avec «effet immédiat». Cette décision a été justifiée par la hausse des cours mondiaux du blé et la nécessité de «sauvegarder des emplois» dans le secteur de la boulangerie.
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En plus, si le prix de la baguette a augmenté, son poids aussi devrait, théoriquement, devrait légèrement augmenté pour passer de 190 à 200 grammes.
Seulement, cette hausse est intervenue en décembre dernier, bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui a entrainé une flambée sans précédent du cours du blé et donc de la farine nécessaire pour produire le pain. Du coup, les boulangers souhaitent une nouvelle révision à la hausse du prix de la baguette. A défaut, certains notent une cure d’amaigrissement de la baguette. Une réduction du poids qui tend à atténuer le coût de la baguette pour le boulanger qui est mal perçu par le consommateur.
Au Cameroun également, le prix de la baguette de pain a augmenté de 25 FCFA passant de 125 FCFA à 150 FCFA, soit une hausse de 20%. Là aussi l’explication est simple. Le prix du sac de farine a fortement augmenté passant en quelques semaines de 19.000 FCFA à 24.000 FCFA, soit une hausse de plus de 26,3%. Une situation qui résulte de la hausse du cours du blé au niveau du marché mondial. Ainsi, alors que la tonne de la céréale livrée au niveau du port de Douala valait 250 euros en moyenne au cours des 5 dernières années, elle est montée à 470 euros à mi-mars, soit une hausse de 88%.
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Même constat en Côte d’Ivoire. Après avoir longtemps avancé que les prix des produits de base vont rester stable, grâce aux subventions, les autorités ont fini par lâcher du lest face à la demande persistante des boulangers. La semaine dernière, le gouvernement ivoirien a annoncé un réaménagement du prix de la baguette de pain. Ainsi, les prix des baguettes de 193 grammes et 232 grammes sont fixés à respectivement 150 francs CFA (FCFA) et 200 FCFA.
Ces hausses sont acceptées par les autorités qui avancent la nécessité de préserver le secteur de la boulangerie qui fait face à la hausse du coût de la farine. Ainsi, en Côte d’Ivoire, Le sac de 50 kg de farine est passé de 11.500 FCFA dans les années 2000 à 22.000 FCFA au début de cette année avant de monter à hauteur de 30.000 FCFA actuellement. Une situation impossible à tenir pour les boulangers sans le soutien des autorités sous forme de subventions et une révision du prix de la baguette.
Au Gabon aussi, en février dernier, le prix de la baguette de pain de 170 ou 190 grammes avait augmenté passant de 110 FCRA à 125 FCFA, soit une hausse 13,63%. Une hausse justifiée par l’augmentation du prix du sac de farine qui est passé en février de 16.000 FCFA à 19.000 FCFA. Toutefois, face à la nouvelle flambée des cours du blé, les autorités maintiennent le prix de la baguette stable.
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En RD Congo voisin, le prix du prix est resté à l’identique. Toutefois, le grammage du pain (poids) a beaucoup diminué. Une baisse justifiée l’envolée du cours du blé sur le marché international dans le sillage de la crise ukrainienne qui a entrainé la hausse du prix de la farine.
En plus des augmentations acceptées par de nombreux gouvernements de pays africains, d’autres mesures sont prises afin d’atténuer le coût de la farine. Ainsi, en Côte d’Ivoire, les autorités ont décidé d’exonérer de droit de douane sur l’importation de blé pour réduire le prix de revient du blé importé. De même, elles ont adopté une fiscalité adaptée et des financements pour soutenir le secteur de la boulangerie.
Par ailleurs, face à la persistance du cours élevé du blé, dans certains pays, l’introduction de farines locales à base de tubercules (manioc notamment) et de céréales locales (sorgho, millet,…) dans la production du pain est encouragée afin de réduire la part de la farine de blé importée et donc maintenir autant que possible le coût de la baguette à un niveau acceptable pour le consommateur. La production de pain à base de céréales et tubercules locales est déjà expérimentée avec succès dans certains pays africains, dont le Cameroun. Et la hausse exceptionnelle du cours du blé devrait pousser à la multiplication d’expérience dans ce domaine.
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A noter qu’au niveau des pays d’Afrique du Nord, les prix de la baguette de pain ordinaire sont restés fixes. Le pain n’ayant pas au Maghreb la même valeur sociale qu’en Afrique subsaharienne. Ainsi, toute hausse, minime soit-elle, du prix du pain déclencherait des émeutes dans cette région. Du coup, les gouvernements s’efforcent d’éviter, surtout dans la conjoncture sociale difficile actuelle, marquée par l’inflation et des pertes de pouvoir d’achat, les tensions sociales. Du coup, ce sont les budgets de l’Etat qui sont sollicités à outrance afin d’atténuer l’impact de ces hausses en augmentant sensiblement la facture de la subvention du blé et de la farine.
N'empêche, des pénuries sont constatées dans certains pays comme la Tunisie. Dans d’autres, notamment en Algérie, certains boulangers n’hésitent pas à produire davantage du pain non subventionné vendu beaucoup plus cher, au détriment du pain ordinaire subventionné dont le prix est règlementé, pour améliorer leurs bénéfices.