Alors que le continent africain s’attendait à une reprise économique en 2022, les sécheresses enregistrées durant l’année agricole 2021-2022 et, surtout, la crise russo-ukrainienne sont venues chambouler la situation économique du continent. La flambée des cours des hydrocarbures et le durcissement des conditions de financement, le ralentissement économique mondial, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, l’inflation et les dépréciations de monnaies vis-à-vis du dollar américain sont autant de facteurs qui ont négativement influé sur la croissance des économies africaines, poussant de nombreux pays du continent et les institutions financières à revoir à maintes reprises leurs prévisions de croissance à la baisse.
Dernier en date, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse, dans son dernier rapport publié cette semaine, les taux de croissance projetés pour de nombreux pays du continent . Au niveau de l’Afrique subsaharienne, région qui devrait enregistrer un taux de croissance de 3,6% en 2022, en baisse de 1 point de croissance par rapport à 2021 (4,7%), sur 44 pays étudiés, 33 ont vu leurs prévisions de croissance revues à la baisse.
Lire aussi : Egypte: forte croissance du PIB, inflation élevée et programme massif de privatisation
Toutefois, cette croissance moyenne africaine, qui reste appréciable vu le contexte mondial difficile, cache des divergences énormes, selon les pays. Et de nombreux pays africains semblent même narguer la crise avec des croissances prévisionnelles fortes. En effet, une douzaine d'entre eux vont enregistrer des taux de croissance de 5% et plus. Et ces performances sont d’autant plus remarquables que ces pays sont globalement non producteurs d’hydrocarbures, sinon de très faibles producteurs. Les géants pétroliers Nigéria, Angola et Algérie devraient afficher des taux de croissance de l’ordre de 2,9%, 3,2% et 4,7% en 2022, selon le FMI.
Au top des performances, on trouve les Seychelles, qui devraient afficher un taux de croissance de 10,9% en 2022, après une évolution du PIB de 7,9% en 2021. L’archipel dont la croissance repose essentiellement sur le tourisme bénéficie de la reprise du secteur touristique après deux années de crise sanitaire.
Lire aussi : Croissance: l’Egypte consolide sa position de seconde puissance économique du continent
Viennent ensuite le Niger et l’Egypte avec des taux de croissance de respectivement 6,7% et 6,6%. Si pour le premier, la croissance devrait être portée par le secteur pétrolier avec une production en hausse, le pays va aussi tirer profit d’une bonne pluviométrie durant cet hivernage au niveau du Sahel.
Quant à l’Egypte, elle continue de tirer profit des effets positifs des réformes entreprises au cours de ces dernières années et de la dynamique des secteurs exportateurs, de l’embellie de son secteur des hydrocarbures, de l’amélioration de la production agricole, et de la reprise du secteur touristique après deux années du Covid-19.
Taux de croissance les plus élevés du continent, selon les prévisions du FMI
Pays | Croissance 2022 | Croissance 2023 | Pays | Croissance 2022 | Croissance 2023 |
Seychelles | 10,90% | 5,20% | Rwanda | 6,00% | 6,70% |
Niger | 6,70% | 7,30% | Bénin | 5,70% | 6,20% |
Egypte | 6,60% | 4,40% | Côte d'Ivoire | 5,50% | 6,50% |
Soudan du Sud | 6,50% | 5,60% | Togo | 5,40% | 6,20% |
Maurice | 6,10% | 5,40% | Kenya | 5,30% | 5,10% |
RDC | 6,10% | 6,70% | Gambie | 5,00% | 6,00% |
Source: FMI
Le Soudan du Sud (+6,5%), Maurice (6,1%), la République démocratique du Congo (6,1%) et le Rwanda (6,0%) devront afficher également des taux de croissance élevés en 2022, selon le FMI. Si le Soudan du Sud s’appuie sur son secteur pétrolier et la RDC sur son sous-sol regorgeant de minerais divers (cobalt, lithium, manganèse, graphite…), très sollicités dans cette période de transition énergétiques et du virage vers l’automobile électrique, les croissances de Maurice et du Rwanda sont surtout portées par les services, en plus de l’agriculture pour le pays des milles collines.
Idem pour le Bénin (5,7%), la Côte d’Ivoire (5,5%), le Kenya (5,3%), le Togo (5,4%) et la Gambie (5,0%) dont les économies reposent surtout sur l’agriculture et les services.
Lire aussi : Afrique: voici les pays qui afficheront les plus fortes croissances en 2022 et 2023 selon la BAD
Il est à noter que tous ces pays devraient également enregistrer des taux de croissance supérieurs à 5% en 2023, toujours selon les prévisions du FMI. Toutefois, c’est le Sénégal qui devrait afficher la plus forte croissance avec un PIB en hausse de 8,1%, contre 4,7% en 2022, grâce notamment au démarrage de l’exploitation du gaz du gisement Grand Tortue Ahmeyim et d’autres gisements pétroliers, mais aussi au secteur agricole et aux infrastructures.
Ainsi, de nombreux pays africains devraient afficher de fortes résiliences en 2022 et 2023, selon les données prévisionnelles du FMI. Néanmoins, si la bonne pluviométrie enregistrée dans de nombreuses régions africaines et l’accent mis par l’Etat sur la relance agricole devraient booster ce secteur et la croissance, beaucoup de facteurs d’incertitudes vont continuer à peser sur la croissance économique des pays africains. Les projections du FMI risquent en effet d’évoluer en fonction de nombreuses variables, dont l’aggravation de la crise ukrainienne et son impact sur les cours mondiaux des hydrocarbures et les produits alimentaires importés, l’inflation importée, le ralentissement de la demande mondiale adressée à l’Afrique, etc.
Autant de facteurs sur lesquels les pays africains ne peuvent réellement influer pour en changer le cours. C’est dire que la croissance des économies africaines reste fragile en ces temps d’incertitudes.