Abdoul Salam Bello: «L’Afrique souhaite que la Banque mondiale augmente ses financements et mette en place un mode opératoire plus efficace»

Abdoul Salam Bello, administrateur du groupe Afrique II à la Banque mondiale.

Le 25/10/2023 à 13h00

VidéoHausse des prêts, sécurité alimentaire, financement des énergies vertes, réduction des taux d’intérêt... dans cet entretien, Abdoul Salam Bello, administrateur du groupe Afrique II à la Banque mondiale, revient sur les priorités annoncées par le président de l’institution financière internationale Ajay Banga, particulièrement pour le continent, lors des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à Marrakech.

L’Afrique fait face actuellement à de nombreux défis tels que l’adaptation aux changements climatiques, l’accès à l’énergie et la sécurité alimentaire. Comment la Banque mondiale pourrait aider les pays du continent à résister à ces chocs?

Lors des Assemblées annuelles de Marrakech, le président Ajay Banga a annoncé le processus de lancement de la nouvelle réforme du groupe de la Banque mondiale qu’on appelle «Evolution». Déjà, dans le cadre des discussions avec lui et d’autres collègues du conseil d’administration, nous avons réfléchi sur les réformes à mettre en œuvre pour rendre plus efficace la Banque mondiale au cours des cinquante prochaines années.

Les pays africains souhaitent que la Banque augmente ses financements et qu’elle mette en place un mode opératoire plus efficace à travers la simplification des procédures. Nous avons également échangé sur les principales priorités pour nos pays, comme évoqué par M. Banga dans son discours officiel, notamment l’adaptation aux changements climatiques, la gestion des pandémies à l’instar du Covid-19, ainsi que les questions de fragilités telles que les crises politiques. D’où la nécessité pour l’institution financière d’ajuster ses instruments pour répondre à cette nouvelle réalité, dans le cadre de l’agenda des biens publics mondiaux.

La question de la sécurité alimentaire, tout aussi primordiale, a été également évoquée. Il est scandaleux d’évoquer la sécurité alimentaire en Afrique au 21ème siècle, surtout dans un continent qui dispose d’énormes potentialités en termes de compétences et de ressources.

L’accès à l’énergie est aussi une problématique majeure en Afrique, si l’on sait que 600 millions d’Africains en sont privés. L’on ne peut industrialiser le continent ni transformer nos économies si nous n’avons pas accès à une énergie abordable et inclusive pour réduire le fossé entre les citadins et les habitants des zones rurales.

Justement, comment l’institution financière compte-t-elle soutenir les pays africains pour leur permettre de mieux exploiter les énergies vertes?

Le Groupe Afrique a demandé à Ajay Banga de réfléchir à une stratégie de financement de l’énergie en Afrique. Nous poursuivrons les échanges dans ce sens et effectuerons le suivi nécessaire. L’Afrique dispose d’un énorme potentiel déjà sur l’énergie solaire, hydroélectrique, l’hydrogène.

Il est important de soutenir rapidement les pays dans leurs politiques énergétiques et d’inciter le secteur privé à octroyer plus de financements, comme le fait la Société financière internationale (IFC) à travers l’initiative «Scaling Solar» pour permettre aux Etats africains de créer le cadre règlementaire, institutionnel voire incitatif, pour mobiliser notamment le secteur privé, les producteurs d’énergie indépendants.

Il faut faire vite. Nous avons une population jeune qui représentera 40% de la jeunesse mondiale en 2030. D’où la nécessité de développer le secteur énergétique et miser sur l’industrialisation, tout en favorisant l’emploi, notamment pour les femmes, de façon pérenne.

Octroyer des financements c’est bien, réduire leur coût serait encore mieux. Quelles solutions préconisez-vous pour alléger les taux d’intérêt élevés des prêts octroyés à l’Afrique par la Banque mondiale?

La question de la dette est un problème de fond. Il y a différents degrés d’approche et angles de lecture. D’abord, beaucoup de nos pays sont endettés parce qu’ils n’arrivent pas à mobiliser suffisamment de ressources concessionnelles. Au sein de la Banque mondiale, l’IDA (Association internationale de développement) aide les pays en développement à disposer de ces ressources.

La Banque prévoit une reconstitution de cet instrument de 93 milliards de dollars l’année prochaine, et nous avons fait un plaidoyer pour au moins tripler ce montant. Il est important aussi pour nos pays de mieux organiser leurs marchés de capitaux et mieux collaborer avec les agences de notation qui doivent rassurer les investisseurs sur leur solvabilité.


Par Elimane Sembène et Khalil Essalak
Le 25/10/2023 à 13h00