Quand est-ce que la première voiture Fiat du groupe Stellantis sortira-t-elle des chaînes de montage de l’usine automobile Fiat implantée dans la commune de Tafraoui, dans la wilaya d’Oran (420 kilomètres à l’ouest d’Alger) ? Cette question taraude l’esprit des Algériens qui attendent avec impatience les premières voitures «made in Algeria» après moults annonces des ajournement des premières livraisons.
Et pour cause, les déclarations et les reports se sont tant multipliés au cours de ces derniers mois. Ainsi, l’entrée en production de l’usine a été annoncée, une première fois, pour mars 2023. Mais au début de l’année, c’est le wali d’Oran qui a en annoncé le report au mois août de la même année. Lors de cette déclaration, le représentant local de l’Etat a également laissé entendre que la première voiture sortira des chaînes de montage en décembre 2023, soit un décalage de quatre mois entre la livraison de l’unité et le début de son entrée en production.
Finalement, ça ne sera ni mars 2023, ni août 2023, ni début décembre 2023. La première voiture de la marque italienne ne sortira pas des chaînes de montage de l’usine de Tafraoui cette année. Et cette fois-ci, c’est l’ambassadeur d’Algérie en Italie, Abdelkrim Touahri, qui s’exprimait, le 28 mai, lors d’une conférence de presse en marge d’une forum sur l’industrie automobile en Algérien, à Turin, en Italie, qui a annoncé la date effective de l’entrée en production. Selon ce diplomate, cela se fera en mars 2024. Il a souligné que c’est le président algérien Abdelmadjid Tebboune lui-même qui a donné ses instructions pour que le projet puisse démarrer début 2024, soit un retard d’une année par rapport à la première annonce.
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Ces reports à répétition suscitent des interrogations quant à la réalisation de cette unité et surtout de sa pérennité, après les déconvenues connues par d’autres constructeurs automobiles en Algérie.
Pour l’heure, les autorités algériennes et Fiat n’ont pas annoncé les raisons de ces multiples reports.
Si les autorités algériennes sont silencieuses sur l’origine de ces reports, il n’en demeure pas moins que plusieurs facteurs pouvaient l’expliquer.
D’abord, il y a le fait que le projet n’a pas vraiment mûri. Il a été ficelé dans la précipitation dans le sillage du rapprochement entre Rome et Alger en pleine crise énergétique. Une crise qui a coïncidé alors avec le froid qui a caractérisé les relations entre Alger et ses partenaires traditionnels: France et Espagne. Partant, les effets d’annonces ont beaucoup pesé sur ce projet qui devrait être réaliser pour faire oublier le fiasco de la stratégie automobile de l’ancien régime Bouteflika et que les gouvernements successifs de Tebboune peinent à corriger.
Ainsi, beaucoup d’observateurs avertis étaient sceptiques quant au court délai de lancement du projet sachant que le Groupe Stellantis avait signé, fin novembre 2022, le nouveau cahier des charges ainsi qu’une convention avec l’Agence algérienne de promotion de l’investissement. De plus, l’accord-cadre portant sur le lancement du projet de construction automobile en Algérie de la marque Fiat a été signé seulement un mois auparavant, soit en octobre 2022.
Ensuite, implantée sur une aire de 40 hectares à proximité d’une autre de 80 hectares dédiée aux fournisseurs locaux et aux sous-traitants encore à trouver, l’unité accuse un retard du fait d’un environnement industriel défaillant.
En effet, pour lancer une production automobile avec un minimum d’intégration de contenu local, il faut au préalable qu’il y’ait un environnement industriel à même d’accompagner le constructeur. En clair, il faut un écosystème automobile constitué de fournisseurs, de sous-traitants et d’équipementiers autour de l’unité de production.
Or, cet écosystème est actuellement inexistant en Algérie. Ainsi donc, en s’implantant, Fiat doit aussi compter sur l’existence de fournisseurs et sous-traitants locaux pour ne pas reproduire le même schéma que celui des unités de montages initiés par le régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. A cette époque il ne s’agissait que d’importations de kits automobiles pour des montages sans aucune valeur ajoutée locale.
Seulement, pour disposer de cet écosystème, il faut un environnement des affaires favorables à même d’attirer des investisseurs étrangers, une stabilité politique, un environnement industriel favorable et surtout une vision politique.
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A titre d’exemple, l’installation du groupe PSA au Maroc avait entrainé l’implantation d’une soixantaine d’entreprises dont 27 de créations nouvelles autour du constructeur basé à Kénitra. Depuis, l’écosystème PSA s’est densifié avec l’arrivée de nouveaux sous-traitants et équipementiers. Résultat, l’unité qui avait démarré avec un taux d’intégration de 60% affiche, trois années plus tard, un taux de contenu local de 69%. Ce résultat a été rendu possible grâce à une expérience dans le secteur automobile: la première implantation d’une unité de montage automobile au Maroc remonte à 1959 et il s’agit de Fiat.
Autre facteur de réussite, le Maroc s’est engagé dans la sous-traitance en attirant de nombreux acteurs locaux et internationaux durant des décennies. S’en est suivie l’installation du constructeur Renault et certains de ses sous-traitants, grâce à un environnement des affaires favorable, à la stabilité politique et à une vision industrielle adéquate offrant tout ce qu’il faut pour le développement de l’industrie automobile.
En Algérie, les sous-traitants et équipementiers ne se bousculent au portillon à cause d’un environnement des affaires défavorable. En outre, s’implanter pour accompagner un seul constructeur, Fiat en l’occurrence, pour une capacité de production limitée, n’encourage pas les sous-traitants étrangers à s’implanter. Il sera donc difficile au constructeur d’atteindre l’objectif de contenu local qui lui est imposé.
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C’est l’absence d’un environnement industriel adéquat qui fait que l’usine va démarrer avec un taux d’intégration faible. Celui-ci devrait évoluer par la suite pour atteindre 30% à l’horizon 2026 et 40% au-delà de 2026, selon les projections de Fiat. Cette intégration de la production locale devrait inclure, entre autres l’emboutissage des tôles, la fabrication de la carrosserie, la peinture et la fabrication de nombreux composants : sièges, câblages, garnitures plastiques, poste de conduite, batteries, échappement, pare-chocs, pneus, pare-chocs… toutefois, face aux éléments expliqués, il faudra être prudent quant à la réalisation d’un tel objectif en 2026.
Enfin, l’implantation de Fiat en Algérie suscite de nombreuses incompréhensions. Fiat fait partie de Stellantis, un groupe automobile multinational franco-italo-américain créé le 16 janvier 2021 de la fusion des groupes PSA Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler Automobiles. Toutefois, dans ce projet algérien, on ne parle que de Fiat. Certains y voient un problème lié aux relations souvent tendues entre Alger et Paris. Ce qui ne pousse pas à l’optimisme chez certains observateurs algériens.
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Une chose est sure, grâce au projet industriel, Fiat a réussi à démarrer l’importation et la commercialisation des véhicules de sa marque en Algérie en mars dernier, devenant le premier à bénéficier de cette mesure depuis les interdictions d’importations de véhicules neufs par les autorités depuis de nombreuses années.
En conclusion, les véhicules Fiat «made in Algeria» risquent de se faire désirer encore longtemps. Rappelons que selon les projections, l’usine de montage de Fiat devrait produire au départ 60.000 unités lors de sa première année (2023 selon les prévisions initiales) avant d’atteindre, par la suite, sa production de croisière de 90.000 unités par an, avec un taux d’intégration de 30% en 2026 et offrir environ 2.000 emplois à cette date. l’investissement devrait atteindre 200 millions d’euros, en tenant compte des investissements initiés par Fiat et ses fournisseurs locaux et étrangers.