Hydrogène, ammoniac, méthanol: comment ces trois pays d’Afrique pourraient être le moteur de la transition énergétique

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Le 13/12/2024 à 09h49

Un rapport conjoint de l’Organisation mondiale du commerce et de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables détaille le potentiel du Maroc, de l’Égypte et du Kenya sur les marchés émergents de l’hydrogène vert, de l’ammoniac et du méthanol renouvelables.

Selon un récent rapport conjoint de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), l’hydrogène renouvelable, l’ammoniac, le méthanol et le e-kérosène joueront un rôle crucial dans la transition énergétique mondiale.

Le rapport souligne le rôle clé que pourraient jouer ces vecteurs énergétiques propres. «Si la majeure partie de la consommation d’énergie peut être couverte par l’électricité renouvelable ou les biocarburants d’ici 2050, l’utilisation de l’hydrogène renouvelable et de ses produits dérivés sera nécessaire dans les secteurs difficiles à maîtriser, notamment dans l’industrie en tant que matières premières (fabrication de produits chimiques, production d’engrais, raffinage, sidérurgie) et dans les transports lourds en tant que carburants électroniques (transport maritime et aviation). Leur utilisation pourrait représenter environ 14% de la consommation finale d’énergie en 2050».

Les différences de conditions climatiques et de circonstances économiques devraient entraîner des variations de coûts pour la production d’hydrogène renouvelable, de matières premières dérivées de l’hydrogène et d’e-carburants dans différentes zones géographiques, poursuit le rapport. De nombreux pays et régions envisagent de jouer un rôle potentiel sur ces marchés émergents. Pour ceux qui ont accès à d’abondantes ressources énergétiques renouvelables, des possibilités d’exportation se présentent.

Ces vecteurs énergétiques propres pourraient ainsi représenter une part substantielle du mix énergétique mondial d’ici 2050, facilitant la décarbonation des secteurs difficiles à électrifier comme l’industrie lourde, l’aviation et le transport maritime.

Ainsi, le rapport dresse un panorama des marchés émergents de ces produits et identifie les opportunités commerciales pour les pays disposant d’abondantes ressources renouvelables, dont plusieurs nations africaines.

Le Maroc, d’importateur à exportateur d’ammoniac vert

Le rapport souligne que le paysage commercial actuel de l’ammoniac semble plus diversifié et moins régionalisé que celui de l’hydrogène, ce qui reflète son importance en tant que produit de base mondial. Les importations mondiales d’ammoniac s’élevaient à 9,0 milliards USD en 2023, soit 38 fois la valeur des échanges d’hydrogène. Trinité-et-Tobago et le Royaume d’Arabie saoudite sont les principaux exportateurs d’ammoniac, tandis que les États-Unis, l’Inde et le Maroc sont les trois principaux marchés d’importation. En effet, le Maroc se classe au 3ème rang en 2023 avec 859,95 millions de dollars d’importations. Alors que le commerce de l’hydrogène gazeux s’effectue principalement par pipelines, l’ammoniac renouvelable transporté par voie maritime pourrait représenter jusqu’à 45% du commerce total de l’hydrogène d’ici à 2050.

Avec son immense potentiel solaire et éolien, le Maroc pourrait ainsi passer d’importateur net d’ammoniac à exportateur d’ammoniac vert, alimentant à la fois son secteur agricole local et les marchés mondiaux. Le rapport souligne d’ailleurs que «des opportunités existent pour les pays disposant d’abondantes énergies renouvelables d’exporter de l’ammoniac renouvelable ou de produire de l’ammoniac renouvelable qui pourrait être utilisé dans leur propre industrie des engrais existante.»

Des efforts sont déjà déployés au niveau mondial pour créer des capacités de production d’ammoniac renouvelable, avec des projets majeurs annoncés dans des pays à différents stades de développement tels que l’Australie, Oman et la Mauritanie.

Les premières usines de production d’ammoniac renouvelable à l’échelle du gigawatt devraient entrer en service dans les années à venir, principalement grâce à l’énergie solaire et éolienne. D’ici 2025, la technologie et l’infrastructure nécessaires à la production d’ammoniac renouvelable à grande échelle devraient être démontrées, ce qui ouvrira de nouvelles perspectives pour cette industrie.

L’Égypte bien placée pour développer une filière de méthanol vert

En ce qui concerne le méthanol, produit clé de l’industrie chimique, l’Égypte apparaît comme un acteur potentiellement important selon les données du rapport. En 2023, l’Égypte s’est classée au 9ème rang mondial des exportateurs de méthanol avec 300,31 millions de dollars, ses principales destinations étant les États-Unis et le reste du monde.

Cependant, le véritable potentiel de l’Égypte réside dans sa capacité à se positionner sur le marché émergent du méthanol vert, produit de façon durable à partir d’hydrogène renouvelable et de CO2 capté. Comme l’indique le rapport, «le méthanol renouvelable offre une option de carburant polyvalente et durable, compatible avec les infrastructures de distribution existantes et capable de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions nocives

Avec d’importants projets d’énergies renouvelables dans le pays, notamment le méga-projet solaire Benban, l’Égypte dispose des atouts nécessaires pour développer une filière nationale de méthanol vert compétitive. Cela lui permettrait de réduire ses importations de méthanol fossile tout en créant de nouvelles opportunités d’exportation vers les marchés mondiaux émergents.

Le Kenya ouvre la voie à une stratégie hydrogène durable

Le troisième pays africain cité dans le rapport est le Kenya. Le pays se démarque par sa feuille de route détaillée pour le développement d’une filière hydrogène vert, comme en témoigne cet extrait : « Après avoir publié sa feuille de route sur l’hydrogène en octobre 2023, l’Autorité kényane de régulation de l’énergie et du pétrole a publié en mai 2024 des lignes directrices sur l’hydrogène vert et ses sous-produits. L’objectif est de fournir un guide étape par étape sur les critères de durabilité pour l’hydrogène vert et ses dérivés au Kenya. »

Le Kenya, qui vise 100% d’électricité renouvelable d’ici 2030, entend d’abord se concentrer sur la production d’ammoniac vert à grande échelle pour réduire sa dépendance aux engrais fossiles importés. Une approche progressive qui, selon le rapport, «permettrait aux producteurs du pays d’intégrer les meilleures pratiques dans le développement futur du secteur et pourrait faire passer le Kenya d’importateur net à exportateur net d’engrais durables

Mais le Kenya envisage aussi d’exporter ses futurs excédents, en créant des zones économiques spéciales dédiées à ces projets verts. Une stratégie « gagnant-gagnant » valorisant les ressources renouvelables locales tout en ouvrant de nouveaux débouchés à l’export.

Ce rapport révèle le fort potentiel de ces trois pays africains pour se positionner sur les marchés mondiaux émergents de l’hydrogène vert, de l’ammoniac vert, du méthanol vert et autres dérivés, grâce à des atouts renouvelables. Le Maroc, l’Égypte et le Kenya semblent particulièrement bien placés, à condition de poursuivre leurs efforts pour développer les infrastructures, les technologies et les cadres réglementaires nécessaires. Une transition énergétique créatrice d’opportunités économiques durables pour le continent.

Par Modeste Kouamé
Le 13/12/2024 à 09h49