Retard énergétique, innovations, emplois... L’Afrique parviendra-t-elle à surmonter ces défis grâce à ce nouveau levier tripartite ? Le temps nous le dira. Inauguré en juillet dernier à Addis-Abeba par l’ONUDI, la Chine et l’Éthiopie, le premier Centre d’excellence Chine-Afrique-ONUDI marque une étape décisive dans les efforts visant à relancer l’industrialisation durable du continent africain. Cette initiative pionnière illustre la priorité accordée par les partenaires impliqués au développement socio-économique inclusif et résilient en Afrique.
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Selon Gerd Müller, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) «ce Centre d’excellence symbolise une nouvelle ère de coopération et d’innovation». En effet, ce programme phare tripartite ambitieux s’inscrit en droite ligne avec des cadres stratégiques clés, tels que l’Agenda 2063 de l’Union africaine, le Plan décennal éthiopien et les Objectifs de développement durable des Nations Unies. Comme le souligne Albert Muchanga, Commissaire de l’UA, «les pays africains travaillent ensemble sur la plateforme de la Zone de libre-échange continentale pour harmoniser leurs politiques industrielles et créer des pôles de production spécialisés. Cela leur permettra de tirer parti d’un processus d’industrialisation dynamique, inclusif et durable à l’échelle du continent.»
L’évaluation de l’ONUDI révèle que les pays les moins avancés (PMA), en particulier africains, accusent un retard significatif dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) liés à l’accès à l’énergie, l’efficacité des ressources, l’industrialisation et l’innovation. «Ces écarts sont particulièrement aigus dans les PMA africains, où l’industrialisation a progressé beaucoup plus lentement que dans les PMA d’Asie-Pacifique», souligne le dernier rapport sur le développement industriel 2024 que vient de publier l’ONUDI.
Le Centre d'excellence vise à s'aligner sur des cadres stratégiques tels que l'Agenda 2063.. DR
Priorité aux pays les moins avancés
Avec un écart projeté de 91% d’ici 2030 dans l’innovation, 83% dans la croissance économique et 67% dans l’énergie propre, l’Afrique doit urgemment prioriser ces domaines. « Les choix d’aujourd’hui détermineront la trajectoire de la région pour atteindre les ODD », alerte l’ONUDI.
Malgré d’énormes défis, l’Afrique recèle d’immenses opportunités, notamment dans la transition énergétique. Le rapport souligne le potentiel du continent à « faire un bond en avant vers les technologies vertes et la mobilité électrique », contribuant significativement à ses objectifs d’industrialisation durable.
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«Avec ses abondantes ressources renouvelables, l’Afrique a la possibilité de rattraper son retard dans l’adoption d’énergies propres», analyse Gerd Müller. Un axe prioritaire pour le nouveau Centre, visant à accompagner les PMA dans cette transition cruciale.
Au-delà de l’énergie verte, le développement d’infrastructures robustes (transport, TIC, réseaux énergétiques) et la promotion de clusters industriels, notamment autour des minéraux rares et des activités à forte intensité de main-d’œuvre, sont essentiels.
«Investir dans ces domaines assurera la participation de l’Afrique à l’économie mondiale et stimulera la montée en gamme industrielle», insiste l’ONUDI. Le renforcement de l’intégration commerciale régionale, via la Zone de libre-échange continentale, est également clé.
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Si les initiatives stratégiques se multiplient, le chemin reste long pour combler les écarts criants des PMA africains. Avec son expertise pluridisciplinaire, le Centre d’excellence vise à apporter « une réponse globale et durable » à ces défis complexes. L’avenir industriel du continent en dépend.
Un large éventail d’interventions prioritaires
Le Centre d’excellence se concentrera sur des domaines essentiels pour combler les lacunes en matière de développement durable en Afrique, notamment l’adoption des énergies propres, l’accélération de la croissance économique, la création d’emplois décents, le développement industriel et l’innovation.
Signe de son engagement, l’ONUDI a déjà signé avec la Chine deux projets majeurs en Éthiopie visant à moderniser les systèmes agricoles mécanisés et la chaîne de valeur nationale de l’élevage.
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Cette approche globale s’avère cruciale au regard de l’évaluation des progrès africains vers les ODD 7, 8 et 9 réalisée par l’ONUDI. Celle-ci révèle en effet des retards significatifs en matière d’énergies propres, de croissance économique, d’emploi, d’industrie et d’innovation, qui entravent les avancées du continent.
Des disparités notables existent aussi entre les sous-régions africaines, certaines comme l’Afrique centrale accusant un sérieux retard dans la plupart des dimensions évaluées, souligne le dernier rapport sur le développement industriel 2024 que vient de publier l’ONUDI.
Un catalyseur pour la transition énergétique verte
L’une des priorités majeures du Centre sera de soutenir la transition vers les énergies renouvelables en Afrique. Avec ses immenses ressources naturelles, le continent a un potentiel considérable pour effectuer un virage vert dans son industrialisation.
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Comme le souligne le rapport de l’ONUDI, combler l’écart de 67% avec l’objectif 2030 sur les énergies propres sera essentiel pour saisir les opportunités émergentes autour de la transition énergétique mondiale. A cet égard, le partenariat nouvellement signé avec l’Université Tsinghua sur la recherche en hydrogène vert s’annonce prometteur.
«Ce centre amènera des technologies et une expertise de pointe à faible émission de carbone à l’Afrique», a déclaré Gerd Müller, insistant sur le rôle moteur qu’il peut jouer pour accélérer l’adoption de pratiques industrielles propres et résilientes sur le continent.
Un tremplin pour l’industrialisation et l’innovation
Au-delà de la transition énergétique, le Centre d’excellence vise à stimuler le développement industriel et l’innovation en Afrique, deux autres défis de taille selon les projections de l’ONUDI. D’ici 2030, l’Afrique pourrait accuser un retard de 63% sur les cibles industrielles et de 91% sur celles liées à l’innovation, entravant sérieusement sa compétitivité économique globale.
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Pour contrer cette tendance, le Centre cherchera à dynamiser les écosystèmes d’innovation locaux en investissant dans la R&D, en formant aux technologies de pointe et en favorisant l’entrepreneuriat. Il soutiendra également le renforcement des capacités de production manufacturière via des pôles industriels spécialisés, par exemple autour des minéraux stratégiques.
«Ce Centre d’excellence comble le fossé entre le monde universitaire et l’industrie, favorisant l’innovation et le renforcement des capacités», affirme Gerd Müller, mettant en avant les synergies recherchées.
Un levier pour l’emploi et l’intégration économique
Parallèlement, cette initiative tripartite abordera la problématique criante du sous-emploi et du chômage des jeunes en Afrique. En soutenant un développement économique durable et inclusif, le Centre contribuera à créer des emplois décents et à faciliter la transition vers le secteur formel, conformément à l’ODD 8 qui ambitionne de «promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.»
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Enfin, en promouvant l’harmonisation des politiques industrielles nationales et le développement de chaînes de valeur régionales, le Centre d’excellence catalysera l’intégration économique africaine, priorité de l’Agenda 2063. Une démarche indispensable pour permettre au continent de profiter pleinement des bénéfices d’un marché continental unifié et compétitif.