La finance verte, une alternative aux besoins colossaux des économies africaines

La finance verte pour soutenir les besoins de financement du continent.

Le 30/05/2023 à 08h38

La finance verte pourrait constituer une des alternatives sérieuses de financement du développement du continent. Rien que pour la transition énergétique, les besoins sont estimés à 2.800 milliards de dollars d’ici 2030. Toutefois, et malgré l’existence d’instruments et de produits financiers adaptés, la finance soucieuse de la préservation de l’environnement ne décolle pas. A peine 1% du montant des obligations vertes mondiales ont été émises en Afrique. La situation pourrait évoluer rapidement, notamment grâce aux initiatives prises et encouragées par la Banque africaine de développement (BAD).

L’Afrique fait face à des besoins de financement colossaux pour assurer son développement. Rien qu’au niveau des infrastructures, le besoin annuel est estimé actuellement à 108 milliards de dollars. Sachant que 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité, on comprend le besoin soit aussi colossal dans cet unique domaine. Et rien que pour lutter contre le dérèglement climatique, le continent doit mobilier entre 1.300 et 1.600 milliards de dollars sur la période 2020-2030.

Seulement, face à ces besoins, les capacités de mobilisation classiques de ressources financières par les pays africains semblent avoir atteint leurs limites. Les ressources budgétaires sont insuffisantes, les investissements directs étrangers globalement négligeables et orientés vers les activités extractives (pétrole, gaz, mines…),les financements privés extérieurs se raréfient à cause de la montée des risques et au surendettement de nombreux pays du continent, alors que ceux du Fonds monétaire international (FMI) sont adossés à des conditions difficiles à exécuter dans le contexte actuel.

Ainsi, beaucoup pensent que la finance verte pourrait constituer une importante source complémentaire de financement au profit des pays africains qui peinent à mobiliser des financements nécessaires pour accélérer leur transition énergétique nécessaire à leur développement.

La situation est-elle que la Banque africaine de développement (BAD) a consacré la thématique de sa 58e Assemblée annelle, tenue du 22 au 26 mai à Charm el-Cheikh, en Egypte, à la question avec pour thème: «Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance vert en Afrique». L’ensemble des pays du continent tablent désormais sur cette finance verte pour accroitre leurs sources de financements et surtout réussir leur transition énergétique.

Par finance verte, on entend les activités et opérations financières œuvrant en faveur de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est dire que, contrairement à la finance classique, cette catégorie de finances intègre la dimension environnementale, en plus de la recherche de la rentabilité économique. La finance verte repose sur plusieurs instruments et mécanismes, tels que les obligations vertes émises par une entité publique ou privée (entreprises, Etat…), les fonds verts ou environnementaux, les marchés des droits à polluer qui reposent sur l’échange de quotas d’émissions de dioxyde de carbone entre acteurs économiques plus ou moins polluants, les échanges dette-nature ou dette-climat…

Seulement, si certains pays commencent à tirer profit de cette finance verte, force est de souligner que celle-ci est encore faible au niveau du continent. En effet, en 2020, seulement 1% des 300 milliards de dollars d’obligations vertes émises chaque année sont attribuées à des projets réalisés sur le continent. Pendant la décennie 2012-2021 en Afrique , les trois pays qui ont émis le plus d’obligations sont l’Afrique du Sud (2,82 milliards de dollars), l’Egypte (850 millions de dollars) et le Maroc (356 millions de dollars).

C’est dire que les levées sur le marché des obligations vertes sur cette période sont très négligeables comparativement aux besoins des pays de l’un des continents les plus touchés par le changement climatique. A titre d’exemple, les autorités ougandaises ont estimé les besoins de financement vert de leur pays à 28,1 milliards de dollars d’ici 2030. Ce montant devrait, d’une part, aider ce pays enclavé d’Afrique de l’Est à financer son adaptation aux effets du changement climatique à travers la construction d’infrastructures vertes et, d’autre part, renforcer les mesures d’atténuation de 25% des émissions de gaz à effet de serre.


Ainsi, l’architecture de la finance climatique actuelle est dominée par les bailleurs de fonds, notamment les banques multilatérales et les banques publiques de développement. Or, celles-ci ne peuvent répondre à elles seuls efficacement aux besoins de financement des pays africains. A titre d’illustration, pour un besoin évalué à 250 milliards de dollars en 2020, le continent n’a réussi à en mobiliser que 30.

Afin de faciliter le financement vert, la BAD a lancé l’initiative des Banques vertes africaines présentée lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27) qui s’est tenue du 6 au 18 novembre 2022 en Egypte. Cette initiative est soutenue par l’African Green Finance Facility Fund (AG3F) qui va fournir aux banques vertes africaines une assistance technique pour la création et la capitalisation de facilités vertes et co-investir dans des projets verts.

Les banques vertes africaines seront dotées d’un fonds fiduciaire de 1,5 milliard de dollars. Elles devront faciliter l’accès aux financements internationaux qui devront passer de 3% actuellement à 10% par an d’ici 2030. Celles-ci bénéficieront également du soutien de la société européenne de gestion d’actifs Amundi en matière de formation des équipes et va aussi mobiliser ses véhicules d’investissement dédiés au développement durable pour soutenir la capitalisation des facilités vertes et participer au développement de l’investissement vert à travers le continent.

Grâce à cette initiative et à d’autres, la finance verte pourrait connaître son essor au niveau du continent. A ce titre, il faut souligner que la Caisse des dépôts et consignations du Bénin (CDC Bénin) et la Banque nationale d’investissement en Côte d’Ivoire (BNI) sont les premières institutions publiques africaines à bénéficier des premières facilités de financement vert de la Banque verte africaine.

A ce titre, il faut souligner que d’autres acteurs financiers se sont engagés dans le financement de la transition énergétique en Afrique. Ainsi, en marge des Assemblée générales de la BAD, l’Africa Finance Corporation (AFC) et la Banque Japonaise pour la Coopération Internationale (JBIC) ont signé un partenariat pour le financement des infrastructures de production d’énergies propres, y compris l’hydrogène vert et ses dérives, notamment l’ammoniac vert.

Toutefois, pour faire de la finance verte une source de financement de la transition énergétique et de développement, il faut aussi que le privé, dans toutes ses composantes -banques, institutions financières, entreprises…- s’impliquent davantage, que les Etats adaptent leurs règlementations à cette finance durable...

Par Moussa Diop
Le 30/05/2023 à 08h38