Lutte contre le blanchiment d’argent: les 12 pays africains priés d’être plus «clean», par le GAFI

Le siège du Gafi.

Le siège du Gafi. . DR

Le 07/07/2024 à 20h17

Le blanchiment d’argent et les activités terroristes gangrènent toujours l’Afrique malgré les réformes engagées, aux yeux du gendarme de la finance mondiale. Selon les dernières évaluations du Groupe d’action financière, 12 nations africaines figurent sur la liste des juridictions sous surveillance renforcée en raison de faiblesses dans leur lutte contre les flux financiers illicites.

Selon la dernière mise à jour du Groupe d’action financière (GAFI) du 28 juin 2024, 12 pays africains figurent sur la liste grise des juridictions sous surveillance renforcée en raison de déficiences stratégiques dans leurs régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Il s’agit du Burkina Faso, du Cameroun, de la République démocratique du Congo, du Kenya, du Mali, du Mozambique, de la Namibie, du Nigéria, du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Soudan du Sud et de la Tanzanie. Rappelons que ces pays figuraient déjà dans la liste grise publiée le 23 février 2024.

Cette liste, connue sous le nom de « liste grise », recense les pays qui se sont engagés à résoudre rapidement les déficiences identifiées dans des délais convenus, sous la surveillance étroite du censeur des transactions suspectes. Bien que des progrès notables aient été réalisés, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour se conformer pleinement aux normes internationales.

Secteurs à haut risque identifiés et réformes clés mises en œuvre

Les secteurs à haut risque varient selon les pays, mais comprennent en gros les institutions financières, les entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) telles que les casinos, les agents immobiliers et les commerçants de métaux précieux et de pierres précieuses. Dans ces 12 pays épinglés, la supervision basée sur les risques de ces secteurs reste un défi majeur.

Depuis leur engagement politique respectif, ces pays ont pris des mesures pour améliorer leurs cadres juridiques et réglementaires, renforcer la supervision des secteurs financiers et non financiers, accroître la coopération internationale et développer des stratégies nationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT).

Principales avancées relevées

Bien que des statistiques détaillées ne soient pas fournies pour chaque pays, le gendarme de la finance internationale souligne certaines améliorations notables. Cependant, des données précises sur les saisies ou confiscations d’avoirs, les enquêtes ou poursuites et la collecte d’informations sur les bénéficiaires effectifs ne sont pas fournies pour chaque pays.

Ainsi, selon le GAFI, le Burkina Faso a récemment mis en place un système de gestion des demandes d’entraide judiciaire et établi des procédures pour la déclaration transfrontalière d’espèces. Le Cameroun a aligné ses stratégies nationales sur les résultats de son évaluation nationale des risques. La RDC a diffusé les résultats de son évaluation des risques et alloué des ressources supplémentaires aux superviseurs. Le Kenya a modifié sa législation pour se rapprocher des recommandations du GAFI.

Pour sa part, le Mali a mis en place un cadre de surveillance des organisations à but non lucratif (OBNL) à risque d’abus à des fins de financement du terrorisme. Le Mozambique a commencé à collecter des informations sur les bénéficiaires effectifs et a renforcé les capacités des autorités en matière de financement du terrorisme.

Le Nigéria a augmenté la diffusion des renseignements financiers par sa cellule de renseignement financier (CRF) aux autorités répressives. Le Sénégal a démontré une compréhension cohérente des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme au sein des autorités compétentes. Le pays a ainsi renforcé la supervision basée sur les risques des institutions financières et des EPNFD, ce qui a conduit à une hausse des déclarations d’opérations suspectes. Ainsi, lors de sa réunion plénière de juin 2024, le GAFI a estimé que « le Sénégal avait achevé en grande partie son plan d’action et qu’une évaluation sur place était nécessaire, d’une part pour vérifier que la mise en œuvre des réformes de LBC/FT avait commencé et se poursuivait, et d’autre part que l’engagement politique nécessaire restait en place pour soutenir la mise en œuvre à l’avenir ».

L’Afrique du Sud a mis à jour ses outils d’évaluation des risques pour les entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) et renforcé les capacités des autorités compétentes en matière de financement du terrorisme. Ainsi, le pays a enregistré une augmentation substantielle des demandes d’entraide judiciaire sortantes facilitant les enquêtes et les confiscations d’avoirs.

La Tanzanie a finalisé les manuels de supervision basée sur les risques pour les secteurs immobiliers et des métaux précieux et pierres précieuses. Selon le GAFI, le pays a démontré des progrès dans la capacité des autorités répressives à identifier, tracer, saisir et confisquer les produits et instruments du crime.

Autant d’efforts qui visent à renforcer les réglementations, les capacités institutionnelles et opérationnelles pour lutter contre les activités illicites liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

Les failles persistantes et exigences concrètes du GAFI pour les jours à venir

Bien que des progrès législatifs et institutionnels aient été accomplis dans ces 12 pays de la liste grise, le GAFI note que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour une application effective et opérationnelle des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans ces pays. Pour ce qui est du renforcement de la supervision basée sur les risques, bien que des cadres réglementaires aient été mis en place, le GAFI attend de ces pays qu’ils renforcent la supervision des institutions financières et entreprises sur la base d’une évaluation approfondie des risques spécifiques auxquels elles sont exposées.

« Une supervision plus rigoureuse et ciblée, ainsi que des sanctions dissuasives en cas de non-conformité, permettra de mieux détecter et prévenir les activités illicites », recommande l’Institution. L’identification des véritables propriétaires et bénéficiaires derrière les entités juridiques est cruciale pour retracer les flux financiers illicites.

Cependant, l’accès rapide à ces informations précises reste un défi dans ces pays. Dans les jours à venir, le sheriff de la criminalité financière transnationale attend de ces pays, qu’ils assurent un accès rapide aux informations précises sur les bénéficiaires effectifs. D’autres pays africains, dont le Maroc, s’y sont pliés pour sortir de la liste grise du GAFI.

Malgré le renforcement des cadres juridiques, le nombre d’enquêtes approfondies et de poursuites judiciaires effectives dans les affaires de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme reste souvent insuffisant dans ces pays. Selon le GAFI, des efforts supplémentaires sont nécessaires à ce niveau. Concrètement, ils doivent augmenter les enquêtes, poursuites et condamnations en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Ces 12 pays de la liste grise doivent également améliorer la mise en œuvre opérationnelle des sanctions financières ciblées liées au financement du terrorisme et de la non-prolifération des armes, conformément aux résolutions des Nations Unies.

Le GAFI estime que le secteur des organisations à but non lucratif (OBNL) peut être exploité pour le financement du terrorisme. Ainsi, un suivi et un contrôle appropriés des OBNL considérées à risque doivent être davantage renforcés dans ces pays.

Juridictions africaines soumises à une surveillance accrue de 2021 à 2024

Dates de publicationFévr. 2021Juin 2021Oct.2021Mars 2022Juin 2022Oct. 2022Févr.2023Juin 2023Oct. 2023Févr. 2024Juin 2024
Listes grisesBotswana, Burkina Faso, Ghana, Maurice, Maroc, Sénégal, Ouganda, ZimbabweBotswana, Burkina Faso, Ghana, Maurice, Maroc, Sénégal, Ouganda, ZimbabweBurkina Faso, Mali, Maroc, Sénégal, Soudan du Sud, Ouganda, ZimbabweBurkina Faso, Mali, Maroc, Sénégal, Soudan du Sud, OugandaBurkina Faso, Mali, Maroc, Sénégal, Soudan du Sud, OugandaBurkina Faso, République démocratique du Congo, Mali, Maroc, Mozambique, Ouganda, Sénégal, Soudan du Sud, TanzanieBurkina Faso, République démocratique du Congo, Mali, Maroc, Mozambique, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Tanzanie, OugandaBurkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Mali, Mozambique, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Tanzanie, OugandaBurkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Mali, Mozambique, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Tanzanie, OugandaBurkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Kenya, Mali, Mozambique, Namibie, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, TanzanieBurkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Kenya, Mali, Mozambique, Namibie, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Tanzanie
Juridictions qui ne sont plus soumises à une surveillance accrueRASRASBotswana,
Maurice
ZimbabweRASRASRASMarocRASOugandaRAS
Juridictions qui intègrent la liste griseRASRASMali, Soudan du SudRASRASRépublique démocratique du Congo, MozambiqueNigéria, Afrique du SudCamerounRASKenya, NamibieRAS
Par Modeste Kouamé
Le 07/07/2024 à 20h17