Imaginez un vol contraint d’interrompre sa descente vers un aéroport après avoir essuyé de terribles secousses. Des masques à oxygène tombés dans la cabine, répandant un sentiment de panique parmi les passagers. De la vaisselle brisée, des bagages tombés des soutes, et quelques blessés légers à déplorer après ces violentes turbulences inattendues. C’est pour alerter les compagnies aériennes sur les phénomènes météorologiques en jeu que la plateforme spécialisée dans le suivi des turbulences en aviation, Turbli, publie chaque année ses classements.
Selon le dernier classement publié, ce sont cinq routes domestiques et régionales en Afrique qui occupent le haut du podium en termes de turbulences moyennes rencontrées en 2024 à l’échelle du continent.
Pour Turbli, les turbulences sont mesurées par le taux de dissipation tourbillonnaire (EDR) qui représente la vitesse à laquelle les structures turbulentes se dissipent et convertissent leur énergie en chaleur. Une EDR de 0 à 20 correspond à des turbulences légères, de 20 à 40 modérées, de 40 à 60 fortes, de 60 à 80 sévères et au-delà de 80 extrêmes.
En tête arrive la liaison Durban-Johannesburg en Afrique du Sud avec un taux de dissipation tourbillonnaire moyen de 15,064. Cette route de 478 km survolant les montagnes escarpées du Drakensberg est particulièrement exposées aux violentes turbulences orographiques générées par ces reliefs.
La deuxième place revient à la route reliant Cape Town à Durban, toujours en Afrique du Sud, avec un taux de dissipation tourbillonnaire (EDR) de 14,962. Cette liaison de 1278 km longe les côtes ventées et montagneuses du pays, propices aux fortes turbulences.
Vient ensuite l’itinéraire Addis-Abeba-Antananarivo (14,736 d’EDR) qui, malgré ses 3216 km, passe régulièrement dans la zone de mousson du sud-ouest de l’océan indien, réputée pour sa forte activité convective. À la quatrième place figure Johannesburg-Maseru au Lesotho (14,712 d’EDR) qui, bien que très court (374 km), traverse également la barrière montagneuse des Drakensberg. Enfin, la route Abidjan-Nairobi (14,693 d’EDR) sur 4.600 km clôture ce top 5 africain, sans doute pénalisée par les orages de la zone de convergence intertropicale.
Ce qui change par rapport à 2023
Par rapport à 2023, la plateforme note des changements significatifs dans le top 5 des routes les plus turbulentes. Seules les routes Cape Town-Durban et Durban-Johannesburg y figuraient déjà. La nouvelle méthodologie de classement améliorée en 2024 pourrait expliquer en partie ces différences.
Le classement de Turbli est basé sur les prévisions de turbulence issues des modèles météorologiques. La méthodologie a été améliorée en 2024 par rapport aux années précédentes. Désormais, Turbli analyse 10.000 routes mondiales en utilisant des trajectoires de vol réelles plutôt que des routes orthodromiques. Les turbulences sont aussi évaluées durant les phases de montée et descente, et non plus seulement en croisière.
Plusieurs facteurs contribuent à rendre certaines routes aériennes africaines plus turbulentes que d’autres. La géographie et la présence de reliefs montagneux jouent un rôle majeur en favorisant les turbulences orographiques. La région du Cap en Afrique du Sud, avec ses vents violents et ses contrastes thermiques marqués, est particulièrement exposée. Les conditions météorologiques comme les courants-jets et les systèmes orageux sont aussi des facteurs déterminants.
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La distance ne semble pas avoir d’impact direct sur le niveau de turbulence des routes classées. On trouve en effet dans le top 5 aussi bien des vols court-courriers comme Durban-Johannesburg (478 km) que long-courriers comme Addis-Abeba-Antananarivo (3216 km).
Les 5 aéroports africains aux abords les plus turbulents en 2024
Au-delà des routes aériennes, l’environnement immédiat autour des pistes constitue un facteur déterminant pour les conditions de turbulence au décollage et à l’atterrissage. Ainsi, le dernier classement publié par Turbli pour l’année 2024 met en lumière les 5 aéroports d’Afrique aux abords les plus agités.
En tête arrive l’aéroport de Maseru au Lesotho avec un indice EDR moyen de 15,462. Niché à 1554 m d’altitude dans une vallée entourée de hautes montagnes, il est très exposé aux phénomènes de cisaillement de vent en basses couches et aux puissantes turbulences orographiques.
Vient ensuite l’aéroport de Durban en Afrique du Sud (14,331 d’EDR). Situé à seulement 8 km de la côte, son trafic subit fréquemment la houle turbulente générée par la rencontre des brises de mer et des perturbations terrestres.
La 3e place revient au Cap avec 14,26 d’EDR. Les vents violents venant de l’océan Atlantique associés aux effets de sillage de la Montagne de la Table rendent les atterrissages particulièrement mouvementés. Windhoek en Namibie (13,808 d’EDR) occupe le 4e rang.
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La présence de hautes dunes à l’ouest et de massifs montagneux à l’est canalise des couloirs venteux très turbulents vers l’aéroport. Enfin, l’immense plateforme aéroportuaire de Johannesburg (13,763 d’EDR) clôt ce top 5 malgré sa situation plutôt bien dégagée. Sa proximité avec les reliefs des monts Drakensberg reste sans doute en cause.
Pour Turbli, la turbulence autour d’un aéroport correspond à celle rencontrée pendant l’approche et la descente, entre 10.000 et 20.000 pieds d’altitude environ. Il ne s’agit donc pas des turbulences de vent de travers sur les pistes. Par rapport à 2023, Maseru fait son entrée à la 1ère place, délogeant Windhoek. Durban, Le Cap et Johannesburg étaient déjà bien classés l’année précédente. Ainsi, une nette corrélation est observée entre les aéroports les plus turbulents et les routes comportant ces mêmes aéroports.
Dans l’ensemble, ce classement dresse un état des lieux précieux des principaux hotspots de turbulence en Afrique. Il permet d’alerter les compagnies aériennes et de stimuler des études plus poussées sur les phénomènes météorologiques en jeu. Une meilleure prévisibilité des turbulences devrait en découler, au bénéfice de la sécurité et du confort des vols.
Les 5 routes aériennes les plus turbulentes
Routes | Distance (km) | Turbulence moyenne (en EDR) | Rang |
---|---|---|---|
Durban (DUR) - Johannesburg (JNB) | 478 | 15.064 | 1er |
Cape Town (CPT) - Durban (DUR) | 1.278 | 14.962 | 2ème |
Addis Ababa (ADD) - Antananarivo (TNR) | 3.216 | 14.736 | 3ème |
Johannesburg (JNB) - Maseru (MSU) | 374 | 14.712 | 4ème |
Abidjan (ABJ) - Nairobi (NBO) | 4.600 | 14.693 | 5ème |
Source : Turbli.