Union africaine: voici les enjeux du 34e sommet virtuel et les priorités du prochain président

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Le 06/02/2021 à 09h27, mis à jour le 06/02/2021 à 10h32

Le 34e sommet de l’Union africaine démarre ce samedi 6 février. Voici les principaux chantiers que le prochain président de l'UA, Félix Tshisekedi du RD Congo, devra mener, et les enjeux de ce sommet virtuel, Covid-19 oblige, dont les élections du président de la Commission et des commissaires.

La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine se déroule ces 6 et 7 février 2021 sous le thème «Arts, Culture et Patrimoine: des leviers pour construire l’Afrique que nous voulons».

Contrairement aux précédentes conférences, qui se tenaient au siège de l’organisation panafricaine, à Addis-Abeba, en Ethiopie, celle-ci aura pour la première fois lieu de manière virtuelle, à cause de la pandémie du Covid-19, et va se focaliser sur un fait inhabituel: la culture. 

La conférence doit démarrer sur une intervention du président sortant, le Sud-africain Cyril Ramaphosa. Plusieurs sujets seront abordés lors de cette conférence, et tout particulièrement la pandémie du Covid-19, ainsi que la vaccination des populations africaines, mais aussi, et entre autres, l’accélération du processus d’intégration africaine.

La rencontre des chefs d’Etat sera aussi, et surtout, marquée par les élections du Président de la Commission de l’Union africaine, et des commissaires des différentes commissions de l’organisation panafricaine.

Un nouveau président: Félix Tshisekedi, chef de l’Etat de la République démocratique du Congo

Ce sommet sera marqué par la désignation du nouveau président de l’Union africaine. Comme prévu, c’est le président de la RD Congo, Félix Tshisekedi, qui succèdera au Sud-africain Cyril Ramaphosa à la tête de l’organisation panafricaine et ce, pour une année.

D’emblée, Tshisekidi a annoncé la couleur des enjeux prioritaires de sa présidence. «Je souhaite que soit finalisé au cours de mon mandat à la tête de l’Union africaine l’accord entre cette dernière et l’Union européenne, et que progresse le processus d’intégration régionale africaine dans le cadre de la Zlecaf (Zone de libre échange continentale africaine)», a-t-il récemment déclaré, lors de la présentation de ses vœux au corps diplomatique.

En plus de ce nouveau président, cette conférence va aussi désigner le successeur du président Félix Tshisekedi à la tête de l’Union africaine pour l'exercice 2022, qui devrait logiquement revenir à un représentant de l’Afrique de l’Est, selon la règle de rotation par région à la tête de l’organisation.

Les élections du Président de la Commission de l’Union africaine et des commissaires des commissions

Ce 34e sommet de l’Union africaine sera aussi marqué par l’élection du Président de la Commission de l’Union africaine, de son vice-président et des présidents des commissions.

Concernant le président de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, le président sortant, est l’unique candidat à sa propre succession.

Toutefois, les jeux ne sont pas totalement faits. En effet, même s’il est le candidat unique à prétendre à ce poste, sa reconduction nécessitera l’aval des deux-tiers des présidents africains.

S’il bénéficie du soutien des dirigeants francophones du continent, le Tchadien est loin de faire l’unanimité auprès des anglophones, notamment ceux d’Afrique australe. En conséquence, s’il n’obtient pas le quorum nécessaire, l’Union africaine ouvrira la voie à d’autres candidats à ce poste.

Dans ce cas de figure, Moussa Faki Mahamat et son équipe assureront les affaires courantes jusqu’au prochain sommet électif, en juin-juillet prochain.

En plus du poste du Président de la Commission, les dirigeants des différentes commissions (Politiques et Paix et sécurité, Infrastructures et énergie, Affaires sociales, Commerce et industrie, Economie rurale et agriculture, Ressources humaines, sciences et Technologie, et Affaires économiques) de l’Union africaine seront élus lors de cette conférence.

Pour chaque portefeuille, le vote se fait par une série de tours de scrutin et à la majorité des deux tiers.

Parmi les postes les plus convoités figure celui de la Commission Paix et sécurité, conçu comme une sorte de Conseil de sécurité africain, que l’Algérie monopolise depuis 12 ans. Cet organe, responsable de la prévention, de la gestion et de la résolution des conflits, réunit 15 Etats-membres élus de l’Union africaine. L’algérien Smail Chergui, réélu en janvier 2017, devra donc céder son poste.

Toutefois, les élections par vidéo-conférence ne sont pas du gout de tous les chefs d’Etat. Plusieurs pays ont fait part de leurs inquiétudes quant à la tenue de ces scrutins à distance.

La pandémie du Covid-19 et l’acquisition des vaccins

La conférence des chefs d’Etat sera l’occasion de discuter de l’évolution de la pandémie du Covid-19, dont la seconde vague touche durement le continent et de la stratégie continentale commune de lutte contre la pandémie. L’Afrique, qui a été relativement épargnée par la première vague, est fortement affectée par la seconde, et compte actuellement 3,63 millions de personnes infectées et plus 94.000 décès.

En réalité, les infections et les décès liés au Covid-19 sont beaucoup plus importants que les données officielles ne laissent apparaître.

Les présidents africains vont donc débattre des conséquences de la pandémie et de la question cruciale de l’approvisionnement en vaccins anti-Covid-19.

A la fin du mois de janvier dernier, le président sortant de l’Union africaine avait critiqué les pays riches, qui s’accaparent les vaccins contre le coronavirus.

Après la réceptions de premiers vaccins par les îles Seychelles, le Maroc, l’île Maurice, l’Afrique du Sud et l’Egypte, les autres pays devraient commencer à recevoir leurs lots au cours de ce mois de février en cours. Quelque 90 millions de doses devront ainsi être réceptionnées par le continent, durant ce mois, grâce au programme Covax. De quoi permettre à de nombreux pays africains d’entamer leurs campagnes de vaccination. C’est dire qu’on s’achemine vers la plus grande campagne de vaccination de masse encore jamais orchestrée en Afrique.

Il faudra en effet pas moins de 1,5 milliards de doses pour vacciner 60% de la population africaine et espérer atteindre une immunité collective. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) table ainsi sur un taux de vaccination de 30% pour le continent africain, en 2021.

La Zlecaf, ou comment accélérer le processus d’intégration africaine

Officiellement lancée le 1er janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) figure parmi les priorités du nouveau président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi. La Zlecaf est un marché qui réunit 54 pays du continent, avec une population d’environ 1,3 milliard d’habitants, pour environ 3.000 milliards de dollars de Produit intérieur brut (PIB). 

Le nouveau président aura la lourde tâche de pousser tous les pays du continent à ratifier l'accord de la Zlecaf sachant que seulement 34 pays l'ont ratifié.

La création de ce marché commun africain, dans lequel 90% des échanges de biens seront exonérés des droits de douane et des obstacles non-tarifaires à visées protectionnistes, vise à stimuler les échanges intra-africains, qui sont actuellement faibles.

Les échanges intra-africains ressortent ainsi à 15% des échanges totaux du continent, contre 70% pour l’Union européenne, par exemple. La mise en œuvre effective de la Zlecaf va donc stimuler le commerce intra-africain, favoriser l’industrialisation et la compétitivité des pays du continent, contribuer à la création d’emplois, libérer les chaînes de valeur régionales, qui faciliteront l’intégration significative du continent dans l’économie mondiale.

La Zlecaf devrait ainsi, selon des projections, faire croître les échanges intra-africains à 52% d’ici 2023, et porter la part des échanges intra-africains de 16% actuellement, à 60% à l’horizon 2034.

Toutefois, pour réaliser ces objectifs d’intégration, il faudra dépasser certains écueils, dont des problèmes logistiques, d’infrastructures de transport, de «règle d’origine». Ensuite, il faudra que le continent se lance dans la transformation de ses matières premières, et donc s’industrialise. Vaste défi.

Par Moussa Diop
Le 06/02/2021 à 09h27, mis à jour le 06/02/2021 à 10h32