Un livre de Moussa ould Hormatallah, universitaire mauritanien, dont l’hebdomadaire «Le Calame» publie les bonnes feuilles cette semaine, avertit contre «une stratégie évidente de satellisation» mise en œuvre par l’Algérie, dont les premières cibles seraient ses voisins, la Mauritanie et le Mali, avec la perspective d’une «relance» du conflit du Sahara, et des risques réels de reprise de la guerre.
Cette étude prospective porte le titre Conflit du Sahara: dans le premier cercle de Driss Basri (ancien ministre de l’intérieur du Maroc).
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L’ouvrage évoque d’abord «un hégémonisme algérien» conçu comme «une revanche sur l’adversité, une volonté revendiquée et assumée». Illustration en est faite avec ce discours du défunt président Houari Boumédiene, martelant avec vigueur: "tout ce qui se passe entre le Cap et le Caire doit avoir l’aval de l’Algérie». D’où "l’assignation d’un objectif précis de leadership".
Le poids de l’histoire
Remontant aux origines de cette volonté de domination, l’universitaire mauritanien convoque l’histoire: "par-delà les longues et douloureuses périodes d’occupation turque et française, les velléités hégémoniques de l’Algérie sont, probablement, nées de 2 événements qui ont marqué l’histoire récente de ce pays. Ces événements ont traumatisé les Algériens et forgé dans la douleur, la conscience collective de ce peuple.
Au premier chef, les massacres de Sétif dans le Constantinois algérien en 1945, où les forces françaises ont exécuté de sang froid plus de 45.000 individus, selon les autorités algériennes, à la suite d’une manifestation pacifique pour réclamer l’indépendance du pays. Evidemment, le bilan de ce massacre est sujet à controverse, puisque les autorités françaises de l'époque fixent le nombre de tués à 1 165 (rapport du général Duval). Selon François Cochet, Maurice Faivre, Guy Pervillé et Roger Vétillard, certains historiens évalueraient le nombre des victimes dans une fourchette allant de 3 000 à 8 000 victimes, alors que Jean-Louis Planche ou Gilbert Meynier donnent pour plausibles une fourchette allant de 20 000 à 30 000 morts. Mais toujours est-il que ce massacre est solidement ancré dans la mémoire collective des dirigeants comme du peuple.
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Le deuxième événement marquant est la débâcle de la jeune armée algérienne en 1963, lors de la guerre des sables, qui l’opposa à l’armée marocaine».
Citant un rapport de l’Institut d’Etudes Stratégiques de Stockholm, publié le 18 mars 2013, le livre de Moussa ould Hormatallah met en exergue l’énorme effort consenti pour faire de l’armée Algérienne la deuxième puissance militaire du continent, avec des achats d’équipements évalués à 150 milliards de dollars entre 2000 et 2015. Il s’agit «de moyens matériels et humains qui dépassent largement les besoins de défense de l’Algérie».
Et d'ajouter: «pour l’observateur averti, l’Algérie prépare déjà la guerre. Installer le Polisario au Sahara est, probablement, le point focal dans la stratégie d’Alger».
La parution de cet ouvrage est attendue très prochainement. Moussa ould Hormatallah jette ainsi un énorme pavé dans la mare au moment où l’Organisation des Nations Unies (ONU) invite le Maroc, et ses voisins d’Algérie et de Mauritanie à des négociations impliquant le front Polisario.
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Selon son auteur, cette étude "a été adressée concomitamment aux autorités marocaines par le biais de Mohamed Yassine Mansouri, Directeur général des études et de la documentation (DGED), et au président Mohamed ould Abdel Aziz par l’intermédiaire de Moulaye ould Mohamed Laghdaf, alors premier Ministre", selon son auteur.
Hormatallah signale par ailleurs que «dans l’intérêt bien compris des pays de la sous-région, d’autres études stratégiques ont été adressées par la suite aux autorités marocaines et au chef de l’Etat mauritanien». L’auteur du livre affirme sans ambages que cette projection dans le futur «est basée sur des éléments d’appréciation géopolitiques et géostratégiques précis ou prévisibles».