«Comparé à Trump, n’importe quel dictateur africain apparaîtrait comme le plus grand démocrate du monde». Cette phrase prononcée par un intellectuel africain de renom, lors des «Ateliers de la pensée» organisée à Dakar et Saint-Louis, fin octobre, résume bien l’idée que les intellectuels africains se font du désormais futur locataire de la Maison Blanche.
Une autre grande figure de la pensée africaine, dont nous tairons aussi le nom, avait estimé, lors de la même rencontre, que Donald Trump incarne la quintessence de la «crise de la masculinité». Une crise d’autant plus profonde qu’elle se manifeste par un discours jugé «violent et sexiste».
«Les supporters de Trump, des hommes blancs, en grande partie, disent et assument que la démocratie nous a mené un Noir à la Maison Blanche, elle risque de nous amener une femme. Et qu’il fallait tout faire pour empêcher que cela arrive», ajoutait ce penseur qui connaît très bien les Etats-Unis pour avoir enseigné, pendant plusieurs années, dans l’une des universités les plus prestigieuses du pays.
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La victoire de Donald Trump vue par la presse africaine
La revanche des «petits Blancs» qui n’ont jamais digéré l’élection d’Obama
Hier, au lendemain de la victoire du milliardaire républicain, l’historien sénégalais Mamadou Diouf, qui dirige le département d’études africaines à l’Université Columbia à New York, a livré son analyse sur les ondes de RFI. «Durant sa campagne, Donald Trump a utilisé la fibre populiste et les réactions les plus racistes des Américains. Il a en effet mobilisé ce qu’on appelle les «petits Blancs» qui n’ont jamais digéré l’élection de Barack Obama et qui ne pensent pas, et n’ont jamais pensé, qu’après un président Noir, ils vont avoir une présidente».
Mamadou Diouf, qui ne «s’attendait pas» à la victoire de Trump, comme beaucoup de personnes d’ailleurs, regrette la défaite d’Hillary Clinton parce que «cela allait être une élection historique et qu’elle aurait été un très bon président».
Toutefois, avec le système politique perfectionné des Etats-Unis, où le président n’est pas le seul acteur à décider des choses les plus importantes, l’universitaire ne s’inquiète pas outre mesure des conséquences de l’élection du milliardaire républicain en matière de politique étrangère. «Trump va nécessairement négocier avec une majorité républicaine (au Sénat et à la Chambre des représentants) qui a été très réticente à sa candidature», dit-il.
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Autrement dit, Trump, qui a gagné grâce à une campagne anti-establishment, va se retrouver face à cet establishment qui défendra ses intérêts et il sera «obligé» de s’adapter.
Welcome le nouveau Trump?
Mamadou Diouf se dit convaincu que d’ici un ou deux ans, on va retrouver un Trump reformaté par le système et finalement très différent du candidat populiste.
Surtout que certaines des promesses du candidat Trump sont non seulement «irréalisables», mais était destinées pour la «consommation» des électeurs républicains durant les primaires.
Par exemple, l’idée de bannir les migrants musulmans des Etats-Unis, une de ses promesses ayant fait couler beaucoup d’encre, va être «difficile» à réaliser pour, au moins, deux raisons. «D’abord, recenser et expulser 12 millions de personnes va être une entreprise difficile sinon impossible. Ensuite, il y a aussi une tradition américaine très ancrée, portée à la fois par les hommes politiques et par les hommes d’affaires, celle d’un pays ouvert», poursuit Mamadou Diouf.
Il pense qu’on va vers une renégociation d’un «deal», une solution entre les Républicains et les Démocrates au Congrès pour, probablement, proposer un deal aux clandestins et ce deal va permettre d’exclure une bonne partie d’entre eux, mais pas tous, et certains, qui ont des enfants de nationalité américaine, seront régularisés.
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Pour les demandeurs de visa, le système va simplement devenir «plus performant», si l’administration Trump recrute beaucoup plus d’officiers d’immigration, il va rester dans le sillage de la politique l’administration Obama, estime Mamadou Diouf, selon qui, on oublie souvent qu’Obama a expulsé plus de clandestins qu’aucun autre président américain. «Trump parle, mais je ne pense pas qu’il va ajouter grand-chose, à part son mur (qu’il compte construire entre le Mexique et les Etats-Unis) et s’il le construit, les Mexicains ne vont pas supporter le coût comme il le dit».
Quelle politique africaine pour le président Trump?
Concernant l’Afrique, l’historien sénégalais prédit une relation «normale». Selon lui, «ce sont les Africains qui avaient développés un faux imaginaire consistant à dire que puisqu’Obama avait un père Kenyan, il sera un président africain». Or, explique t-il, «Obama a été, est, et restera jusqu’à la fin de son mandat un président américain».