Covid-19. Croissance: un seul pays va éviter la récession en Afrique du Nord, selon la BAD

Siège de la Banque africaine de développement (BAD).

Siège de la Banque africaine de développement (BAD). . DR

Le 20/07/2020 à 17h04, mis à jour le 21/07/2020 à 13h29

Les pays d’Afrique du Nord seront durement affectés par la pandémie de Covid-19. Selon les projections de la Banque africaine de développement (BAD), ils vont perdre entre 5,2 et 6,7 points de pourcentage de croissance en 2020 et un seul évitera la récession. Détails.

La Banque africaine de développement (BAD), à l’instar des institutions de Breton Woods –Fonds monétaire international et Banque Mondiale– a révisé, une fois de plus à la baisse ses projections de croissance pour les pays de l’Afrique du Nord. Sur les 6 pays de la région –Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte–, un seul devrait enregistrer une croissance du PIB positive.

Et selon le scénario pessimiste du «Perspectives économiques en Afrique du Nord 2020: faire face à la pandémie de Covid-19» de la banque panafricaine, le taux de croissance de la région sera désormais négatif de -2,3%, contre une croissance projetée de 4,5% avant le déclenchement de la pandémie.

L’Egypte, l’économie la plus dynamique de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) au cours de ces dernières années, devrait enregistrer une évolution positive de son PIB avec une croissance toutefois molle de 0,8% en 2020. Pour rappel, cette croissance aurait dû se situer autour de 6%, selon les projections d’avant crise.

En dehors de la Libye, dont le PIB devrait chuter de -43,7% plutôt à cause de la grave crise politique que traverse le pays, c’est l’Algérie qui devrait afficher une récession de -5,4% à cause de la pandémie et de ses impacts économiques, dont particulièrement ceux sur le cours du baril de pétrole, puisque les recettes provenant des hydrocarbures représentent autour de 20% du PIB. Le Maroc et la Tunisie, qui ont des économies plus diversifiées, devraient enregistrer respectivement des récessions de respectivement -4,6% et -4,0%.

Outre les récessions, les déficits jumeaux vont s’aggraver.

En plus de la chute de la croissance, la crise du coronavirus va aggraver les déficits budgétaires. En effet, les Etats affectent des ressources importantes à la lutte contre la pandémie et à l’atténuation de son impact sur les entreprises et les ménages. Ils devraient également injecter davantage pour la relance des économies dans un environnement marqué par une chute des recettes fiscales, consécutive au ralentissement économique causé par le confinement.

Ainsi, selon les projections de la BAD, au cas où la pandémie devrait durer jusqu’en décembre, le déficit budgétaire de la région pourrait atteindre 10,9% du PIB de la région en 2020. En dehors du cas libyen (déficit budgétaire de 22,5% du PIB), c’est l’Algérie qui enregistrera le déficit budgétaire rapporté au PIB le plus élevé de la région avec un déficit représentant 17% du PIB.

Ce déficit abyssal s’expliquant, ici aussi, par le fait que les recettes budgétaires de l’Algérie dépendent à hauteur de 60% des ressources tirées des hydrocarbures dont les cours ont chuté, impactant négativement sur les recettes du budget de l’Etat. Une situation de rente qui montre une fois de plus l’urgence de diversifier l’économie algérienne quasi totalement dépendante de la rente pétrolière et de revoir le taux d’imposition qui st relativement faible.

L’Egypte aussi devrait voir son déficit budgétaire se creuser encore plus pour se situer autour de 8,7% du PIB. Le Maroc qui est l’un des meilleurs élèves en matière de rigueur budgétaire au niveau de la région devrait voir son déficit budgétaire s’aggraver à 6,9%, contre 3,6% en 2019.

Parallèlement, les pays devraient voir les déficits de leurs comptes courants s’aggraver en 2020. La baisse de la demande mondiale à cause du confinement et du ralentissement des échanges mondiaux, la chute du cours du baril de pétrole et des matières premières, l’arrêt du tourisme et la chute des investissements directs étrangers vers la région vont aggraver le déficit du compte courant de la région qui devrait tomber à 11,4% du PIB en 2020.

Et c’est l’Algérie qui affichera le déficit du compte courant le plus élevé pouvant représenter 20% de son PIB. Cela s’explique encore essentiellement par la forte dépendance du pays vis-à-vis de la manne pétrolière qui représente 95% des recettes d’exportation du pays. Une rente qui a été particulièrement affectée par la chute des cours du baril de pétrole avec un prix du baril touchant un creux inférieur à 25 dollars en mars dernier, ce qui a impacté négativement sur la balance commerciale du pays.

L’Egypte, le Maroc et la Tunisie seront affectés à cause des effets de la crise sur leurs balances commerciales, mais aussi des effets négatifs au niveau des recettes touristiques et des transferts de leurs diasporas respectives. A titre d’exemple, selon la BAD, et comparativement aux donnés de 2018, «la perte estimative pour la région se situe entre 10,6 milliards de dollars et 21,1 milliards de dollars en recettes touristiques».

Ainsi, le déficit du compte courant sera de -7,1% du PIB pour l’Egypte, -7,8% du PIB du Maroc et -12,2% du PIB de la Tunisie.

Par ailleurs, le coronavirus et ses impacts sur les ressources des pays vont pousser les Etats à s’endetter davantage pour faire face aux dépenses occasionnées par la crise sanitaire et ses effets sur le reste des économies, d’une part, à la baisse de leurs recettes en devises dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale, d’autre part. Tous les pays de la région, à l’exception de l’Algérie, pour des raisons idéologiques, ont recouru et/ou programmé de recourir au financement extérieur pour faire face à l’aggravation de leurs déficits budgétaires ou pour renforcer leur matelas en devises afin d’éviter la dépréciation de leur monnaie et/ou améliorer leurs conditions de financement sur les marchés extérieurs. Du coup, le ratio dette/PIB de la région devrait connaître une nouvelle hausse en 2020.

Conséquence, les risques inflationnistes également ne sont pas à écarter dans certains pays dans le sillage des importantes mesures budgétaires et de relance économique, mais aussi des dépréciations éventuelles des monnaies des pays de la région.

Pour bénéficier de cette reprise, les pays devront «engager des réformes structurelles importantes pour renforcer l’efficience du secteur public, la compétitivité du secteur privé et pour créer des emplois dans une région où le chômage est élevé», souligne la BAD. Le défi pour les Etats de la région est de retrouver une croissance vigoureuse propice à la création d’emplois dans une région où le chômage est élevé.

Pour y arriver, il est essentiel de maintenir la stabilité macroéconomique et les programmes d’assainissement des finances publiques, ainsi que les mesures de diversification économique.

Par Moussa Diop
Le 20/07/2020 à 17h04, mis à jour le 21/07/2020 à 13h29