Durant la période 2020-2026, le classement des pays africains en fonction de la richesse produite annuellement va radicalement changer. Au niveau du top 5 du continent, si le Nigéria va consolider sa position de première puissance économique africaine, d’importants bouleversements sont projetés par le FMI pour les autres pays dans le top 5 continental.
Outre l’Egypte qui prend la place de l'Afrique du Sud juste derrière le Nigéria, le Maroc aussi devrait progresser et passer devant l’Algérie en 2025, se positionnant au 4e rang des puissances économiques du continent, selon les dernières données du Fonds monétaire international basées sur le critère du PIB à prix courants, exprimé en dollars.
Encore faut-il le rappeler, le PIB est la richesse produite dans un pays sur une période donnée. C’est la somme des valeurs ajoutées de tous les agents économiques d’un pays (Etat, entreprises, associations, ….), à laquelle est ajoutée la TVA et les droits de douane puis sont soustraites les subventions à l’importation.
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Dans le cas du classement du FMI, le PIB est exprimé à prix courants (valeur nominale), c’est-à-dire qu’est mesurée la valeur marchande de tous les biens et services en utilisant le prix courant du marché. Le montant est après converti en dollar américain pour permettre des comparaisons entre pays.
Il ressort de ce classement qu’en 2020, les PIB à prix courants exprimés en dollars de l’Algérie et du Maroc sont respectivement à 144,29 et 113,55 milliards de dollars, soit un gap de 30,74 milliards de dollars en faveur de l’Algérie.
Comment le rattrapage est-il alors possible en un laps de temps aussi court, soit à peine 5 ans?
Il faut voir l’historique récent du PIB des deux pays de 2016 à 2020 pour comprendre que les projections du FMI peuvent se révéler justes dans les 5 années à venir.
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Rappelons qu’en 2016, l’Algérie affichait un PIB de 160,03 milliards de dollars, contre 103,31 milliards de dollars pour le Maroc, soit un différentiel de 56,72 milliards de dollars. En clair, l’Algérie, grâce aux hydrocarbures, faisait plus d’une fois et demi le PIB du Maroc. Toutefois, selon les données du FMI, en 2020, si les deux économies ont été durement touchées par les effets de la pandémie qui les a plongées en récession, l’Algérie a vu son PIB à prix courants exprimé en dollars se contracter de 15% chutant de 171 milliards en 2019 à 144,3 milliards de dollars en 2020, contre un repli de 5,14% pour le Maroc dont le PIB est passé de 119,70 milliards de dollars en 2019 à 113,55 milliards de dollars en 2020.
Outre les facteurs structurels qui agissent sur l'évolution du PIB des deux pays, la forte baisse de la production algérienne s’explique aussi par l’effet de change. En effet, en 2020, le dinar algérien s’est déprécié de 11% vis-à-vis du dollar américain, alors que le dirham marocain s’est légèrement apprécié de 0,07% vis-à-vis du billet vert. Et en dix ans, c'est-à-dire sur la période de 2011 à 2020, la valeur du dinar a pratiquement été divisée par deux face aux devises internationales. Il fallait 70 dinars pour un dollar, il en faut désormais 134.
Tout laisse penser que cette dépréciation va se poursuivre durant les années à venir sous l’effet combiné de plusieurs facteurs dont l’épuisement des réserves de change, le ralentissement économique et les politiques monétaires adoptées par les autorités algériennes dans le but d’atténuer le déficit budgétaire via le gonflement artificiel des recettes fiscales tirées des hydrocarbures.
En tout état de cause, en l’espace de 5 ans, de 2016 à 2020, le gap entre les PIB des deux pays a baissé de moitié n'étant que 30 milliards de dollars en 2020, contre près de 57 milliards en 20216. En clair, le rattrapage est possible si on se base sur l’historique de ces 5 dernières années.
Et pour la période 2021-2026, selon les données du FMI, le PIB algérien devrait passer de 151,46 à 153,80 milliards de dollars. Autrement dit, sur cette période, la richesse produite par l’économie algérienne ne devrait croître que de 2,4 milliards de dollars. L’institution international prévoit donc une quasi-stagnation de la création de richesses en Algérie sur les 5 ans à venir.
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A l’opposé, le PIB marocain devrait passer de 124 à près de 162 milliards de dollars sur la même période, soit une augmentation de près de 38 milliards de dollars.
Ainsi, à partir de 2025, le PIB du Maroc devrait dépasser celui de l’Algérie en s’établissant respectivement à 154 et 152 milliards de dollars.
Outre l’effet de change vis-à-vis du dollar, la croissance économique à long terme de l’Algérie continue de s’essouffler dans le sillage du recul des hydrocarbures. Il faut dire que le modèle de croissance tiré par le secteur public avec uniquement les hydrocarbures comme locomotive ne suffit plus à assurer la croissance pour l'Algérie. Compte tenu du niveau actuel du tarissement des revenus des hydrocarbures qui sont tombés à 20 milliards de dollars en 2020, l’Etat n’est plus à même de maintenir certaines dépenses. Et si la manne des hydrocarbures a permis à l’Etat d’apurer sa dette extérieure, d’investir dans les infrastructures et de mettre en œuvre des politiques de transferts sociaux, elle n’a pas permis d’insuffler une véritable dynamique économique. Du coup, l’économie algérienne est en panne.
Contribuant à hauteur de 20% du PIB du pays, environ 50% de recettes budgétaires et plus de 95% des recettes d’exportation, les hydrocarbures sont la source de cette situation. L’Algérie devra évoluer vers un modèle économique plus diversifié pour renouer avec une croissance pérenne.
Par ailleurs, la forte baisse des investissements publics du fait du tarissement des réserves de change du pays risquent d’amplifier la crise économique que traverse ce pays d'Afrique du Nord durant les prochaines années et porter un préjudice au chantier stratégique de diversification économique du pays.
En outre, l'Algérie fait face à une instabilité politique, depuis plus de deux ans, avec le mouvement populaire de contestation du Hirak qui a un impact négatif sur l’investissement avec de nombreux projets gelés du fait que plusieurs textes législatifs peinent à voir le jour. "Il est anormal qu’en une année, pas un seul dossier d’investissement industriel n’a été étudié", a déploré Sami Agli, le président du CAPC (ex-FCE), le patronat algérien. Il faut dire que les opérateurs attendent toujours le nouveau Code de l’investissement et les textes d’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Seulement, le gouvernement semble avoir d’autres priorités actuellement, surtout depuis la reprise du Hirak.
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Le seul espoir des dirigeants du pays repose sur la remontée des cours du baril de pétrole. Malheureusement, selon les experts, celui-ci ne devrait pas aller au delà des 70 dollars et la flambée de l’or noir n’est plus envisagée depuis que les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial du pétrole.
En conséquence, ayant dilapidé ses importantes ressources financières, l'Algérie a besoin, pour le retour de la croissance, d'investissements productifs. N’étant pas endettée, elle peut d'adresser aux marchés financiers et aux partenaires internationaux pour faire face à ses besoins de financement au lieu de geler ses investissements au risque d’hypothéquer ses perspectives de croissance. Le pays a besoin d’une politique macro-économique contracyclique axée sur des mesures de relance plutôt que de stabilisation.
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Quant au Maroc, si l’économie a été durement affectée par la pandémie, avec une régression des exportations due à la perturbation des chaines de valeur mondiales et la chute du secteur du tourisme, l’un des leviers de l’économie marocaine, elle a montré beaucoup de résilience du fait particulièrement de sa forte diversification. L’économie du Royaume est mieux préparée pour l’après Covid-19 grâce à cette diversification et à un meilleur pilotage de l’économie du pays. De nouvelles orientations sont déjà en cours, ce modèle à l’origine de la dynamique constatée au cours de ces deux dernières décennies commençant à s’essouffler, en dépit des résultats des nouveaux métiers mondiaux du Maroc (automobile, aéronautique, offshoring, agro-industrie,…). A ce titre, il faut souligner le boom du secteur automobile qui est devenu une des locomotives de l’économie marocaine en s’adjugeant la place de premier secteur exportateur devant les phosphates en 2019 avec 77,13 milliards de dirhams, soit 27% des exportations marocaines.
Les réformes introduites au niveau de l’agriculture avec le Plan Maroc Vert ont également permis d’atténuer les effets des sécheresses tout en améliorant de manière significative la production agricole et agro-industrielle.
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Et face à l’essoufflement du modèle économique en vigueur, les nouvelles réformes en cours de préparation, le plan de relance industrielle 2021-2023 (substitutions aux importations) et la mise en place d’un nouveau modèle économique devraient dynamiser le potentiel de croissance économique du Royaume sur le moyen et le long terme. Les chantiers ont d'ores et déjà été lancés, bien avant la pandémie du Covid-19 et devraient s’enrichir des leçons tirées de cette crise sanitaire
En conséquence, la croissance du PIB réel du Maroc devrait se maintenir à un niveau légèrement supérieur à sa tendance pré-pandémie grâce à ses secteurs locomotives: agriculture et agro-industrie, phosphates, automobile, aéronautique, offshoring,…, et aux effets des fruits des réformes engagées par les autorités, tout en s’appuyant sur les leviers qui constituent les socles du développement économique du pays: stabilité politique, proximité géographique avec l’Union européenne, économie ouverte sur l’international, une meilleure politique monétaire, une diversification économique, …