Pourquoi Alger a échoué à bloquer le retour du Maroc à l'Union africaine

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Le 31/01/2017 à 20h15, mis à jour le 31/01/2017 à 20h17

La presse algérienne est sonnée par le retour du Maroc à l’UA. Alger ne s’attendait pas à un retour aussi rapide et peine à trouver ses mots. Voici quelques clefs pour comprendre pourquoi Alger a échoué et comment Mohammed VI a construit le leadership du Maroc au sein du continent.

Au lendemain du retour du Maroc à l’UA, une certaine presse algérienne, toujours prompte à saluer les «victoires diplomatiques» du voisin de l’Est, peine à trouver des arguments. Elle titube et cherche désespérément une ligne de conduite. Elle fait profil bas. Il faut reconnaître qu’il y a de quoi.

Alors qu’Alger a férocement usé de lobbying pour retarder la réintégration du Maroc à l’UA, en prenant la tête d’un groupe de pays qui ont demandé «un avis juridique» sur l’admission dans l’UA d’un pays qui «occupe des territoires d’un autre Etat membre» et qu’elle a tout mis en place pour envenimer la salle par un débat houleux, le retour du royaume est passé comme une lettre à la poste grâce au soutien majoritaire de 39 pays.

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Robert Mugabe et Jacob Zuma qui exprimaient des réserves de circonstances pour faire plaisir à Alger ont été rappelés à l’ordre par quatre chefs d’Etat. Le Sénégalais Macky Sall, le Gabonais Ali Bongo, l’Equato-guinéen Obiang Nguema et le Congolais Sassou-Nguesso ont pris la parole pour leur faire comprendre que l’heure était à une attitude sérieuse, constructive et donc moins stérile.

Il faut mesurer un peu la nature des résistances opposées au Maroc pour comprendre le désarroi d’Alger. L’UA est présentée par Alger comme son fief, sa forteresse impénétrable, l’organisme où elle décide ce qu’elle veut. Elle s’est répartie la tâche avec l’Afrique du Sud, aimant comparer ces deux pays au rôle décisif et moteur dévolu à l’Allemagne et à la France à l’intérieur de l’Union européenne.

Cette supposée influence décisive de l’Algérie sur les instances de l’UA a créé ce mardi un immense sentiment de frustration dans la presse du Polisario. Chose inédite: les sites séparatistes critiquent Alger. Ils lui reprochent de ne pas avoir réussi à contrer l’offensive marocaine et de ne pas «avoir payé pour acheter des voix». «Où est passé l’argent de notre allié stratégique?», pleurniche un site séparatiste. Acheter… Le mot est dur, mais il permet au moins de se rendre à l’évidence du mode opératoire, longtemps pratiqué par Alger. Ce que n’ont pas encore compris les séparatistes, c’est que le temps des mallettes est révolu et c’est avec de nouvelles armes que le souverain a conquis le continent. En voici quelques-unes pour mieux comprendre le coup de force réussi par le roi du Maroc à l’UA.

La vision africaine de Mohammed VI, une constante de sa politique

Depuis son accession au trône en 1999, Mohammed VI a multiplié les déplacements en Afrique subsaharienne. Le roi a dénombré dans son discours, ce matin au siège de l’UA, 46 visites, effectuées dans 25 pays africains. A l'occasion de chacune de ces visites, le roi arrivait avec des projets structurants qui concrétisent sa vision de l’enracinement continental du Maroc et une coopération résolument Sud-Sud. Mohammed VI a d’emblée commencé son règne avec des gestes à forte charge symbolique. Lors du sommet Afrique-Europe en 2000, le Maroc a annulé l’ensemble des dettes des PMA (pays les moins avancés) africains et supprimé les barrières tarifaires en provenance de ces pays.

17 ans plus tard, le Maroc, pays sans pétrole ni gaz, est le deuxième investisseur dans le continent. Cela ne s’improvise pas mais se construit, patiemment avec conviction, détermination et pragmatisme. Un Maroc généreux est un Maroc qui partage. «Mon pays partage ce qu’il a», lance Mohammed VI à l’adresse de ses pairs. C’est ce sens du partage qui a conféré au Maroc et à son roi un leadership continental.

La vision africaine du roi Mohammed VI repose sur l’économie comme levier de développement. Au Maroc, nous nous sommes habitués aux déplacements des hommes d’affaires et chefs des grands champions nationaux qui accompagnent le roi dans chacun de ses voyages au sein du continent. Mais cette délégation d’hommes d’affaires n’était pas une chose allant de soi et elle signifie la primauté accordée à l’investissement et à la chose économique dans la vision africaine du roi. Investir dans un projet, c’est y croire. Mohammed VI a toujours cru dans l’Afrique.

Il est dans ce sens très proche de son grand-père Mohammed V qui a rassemblé en janvier 1961 à Casablanca les leaders africains Gamal Abdel Nasser (Egypte), Ahmed Sékou Touré (Guinée), Modibo Keïta (Mali) et Kwame Nkrumah (Ghana). Cette réunion a constitué le premier pas décisif dans la construction de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’UA. En ce temps-là, l’Algérie était un département français et Nelson Mandela se trouvait au Maroc pour récolter les armes et les financements qui l’aideraient à soustraire l’Afrique du Sud au régime de l’Apartheid.

Mohammed VI, commandeur des croyants en Afrique

L’islam modéré, promu par Mohammed VI, a considérablement contribué à l’essor africain du royaume. La Tidjania est la confrérie soufie la plus répandue en Afrique subsaharienne. Le mausolée de son fondateur, Ahmed Tidjani, se trouve à Fès et constitue le lieu de pèlerinage le plus prisé des musulmans en Afrique subsaharienne après la Mecque. La capitale spirituelle du royaume a facilité l’établissement de réseaux et de cercles d’influence entre le Maroc et un grand nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest. Cette influence a trouvé un socle naturel dans l’islam modéré, promu par Mohammed VI, commandeur des croyants.

Conscient du rôle de la formation des imams dans la lutte contre le radicalisme et les extrémismes, le roi a inauguré en 2015 l’Institut Mohammed VI de formation des imams prédicateurs et des prédicatrices. Cet institut, capable d’accueillir 1200 étudiants, forme des imams prédicateurs et des prédicatrices dans les domaines de l’Imamat et de l’orientation religieuse. Il forme des imams en provenance de pays comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Guinée Conakry ou encore de pays européens. Il promeut un islam qui enseigne dans le texte les préceptes d’une religion aux antipodes des lectures tendancieuses et décontextualisées des radicaux.

Le Maroc a des ressources inépuisables dans ce qu’on appelle le “soft power“. Et parmi ces ressources, on compte le panache religieux dans toute l’Afrique de l’Ouest

L’approche humaine

Terre de transit en direction de l’Europe, le Maroc se transforme souvent pour ceux qui rêvent d’une vie meilleure au nord de la Méditerranée en terre d’accueil. Le roi Mohammed VI a donné ses instructions pour la régularisation de sans papiers subsahariens. 25.000 personnes ont été régularisées en 2014 et une deuxième vague de régularisations a été annoncée en 2016.

Indépendamment des chiffres, c’est l’approche humaine et humaniste qui touche le plus. Le Maroc, pays qui compte de nombreux émigrés en Europe, ne peut être insensible au sort des migrants africains. Avant le lancement de la régularisation de la deuxième phase d’intégration de migrants, Mohammed VI avait précisé dans un discours prononcé le 20 août 2016 que «le Maroc compte parmi les premiers pays du Sud à avoir adopté une politique solidaire authentique pour accueillir les migrants subsahariens, selon une approche humaine intégrée, qui protège leurs droits et préserve leur dignité».

Cette approche a été très appréciée dans les pays africains. Elle rompt avec la brutalité de l’Algérie qui a lancé une chasse aux noirs et les propos honteux du conseiller de Bouteflika, Farouk Ksentini, qui a déclaré que «les migrants subsahariens sont responsables de la propagation du sida dans le pays». Ces déclarations et les rafles de Subsahariens en Algérie, expulsés dans des conditions innommables, ont montré le mépris des autorités algériennes pour les Africains.

«La brutalité d’Alger a choqué de nombreux pays africains, et en dépit d’alertes envoyées par le commissaire algérien depuis Addis-Abeba, la défense d’Alger n’a pas convaincu et cette chasse aux noirs laissera des traces durables», confie à Le360 une source dans la diplomatie marocaine.

Pour en finir avec cet argument de frontières héritées du colonialisme

Dans l’espoir de réduire la portée du retour du Maroc dans l’UA, certains responsables algériens affirment que c’est une victoire, puisqu’en signant l’acte constitutif de l’UA, le Maroc reconnaît les frontières héritées du colonialisme et donc la «RASD». Que dit exactement le fameux article 4 de l’Acte constitutif de l’UA ? Il précise que «L’Union africaine fonctionne conformément au respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance».

Un petit rappel de l’histoire du XXe siècle ne ferait pas de mal à nos amis algériens. Le royaume du Maroc a été colonisé par deux pays: la France au centre et l’Espagne à l’extrême-nord et l’extrême-sud. Le Maroc a retrouvé par étapes son indépendance. D’abord en 1956, recouvrant une grande partie du territoire du Nord et du Centre. Avec les armes, Mohammed V a forcé le général Franco à rendre au Maroc Tarfaya en 1958. Sidi Ifni a retrouvé le giron national en 1969 et le Sahara atlantique en 1975. Le pays colonisateur, c’est l’Espagne et le pays qui a récupéré ses territoires, le Maroc. Au moment où les territoires du Sahara ont été libérés de l’emprise de l’autorité coloniale, ils ont été rendus au Maroc et non pas à une entité, post créée par Houari Boumediene.

Autre chose: seulement 17 pays africains sur 54 reconnaissent la «RASD». Ce qui est un comble de la part d’un «membre à part entière» qui n’est même pas reconnu par un tiers des pays qui siègent à l’UA. Cette anomalie est l’œuvre d’Alger et il convient que le Maroc la corrige, tout en enracinant davantage sa politique africaine. La vision africaine du roi, qui résiste à l’usure du temps, ainsi que la multiplication des projets Sud-Sud feront tomber la «RASD» comme un fruit pourri de l’arbre de l’UA.

Par Aziz Bada
Le 31/01/2017 à 20h15, mis à jour le 31/01/2017 à 20h17