France-Afrique: que partent donc faire ces chefs d'Etat africains à l'Elysée?

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Le 12/04/2017 à 09h51, mis à jour le 12/04/2017 à 10h13

Revue de presseMalgré la fin du mandat présidentiel de François Hollande, qui quittera l’Elysée dans cinq semaines, une brochette de chefs d’Etat africains se relaie actuellement dans son bureau. Il s’agirait de faire l’inventaire de l’héritage sécuritaire commun au Sahel.

Kiosque le360 Afrique: Après le président nigérien, Mamadou issoufou, les présidents mauritanien, burkinabè et guinéen seront reçus à partir de demain, mercredi, et tout au long de la semaine par le président français sortant. Pourquoi un tel ballet diplomatique, serait-on tenté de se demander, au moment même où François Hollande n’a plus que quelques jours à passer à l’Elysée, sans plus aucun réel pouvoir. Flash-back en guise réponse

Les Africains se souviendront longtemps de François Hollande comme étant le père de Serval, du nom de code de cette opération militaire française qui a sauvé le Mali alors qu’il était juste sur le point de tomber dans son intégralité entre les griffes des bandes terroristes (Aqmi, Mujao, Ansar Eddine…). C'est également lui qui a piloté Sangaris en Centrafrique, laquelle opération a permis d'éviter le chaos le plus total suite aux affrontements entre musulmans de la Seleka et chrétiens anti-Balaka. 

Grâce à la première opération, d’abord franco-africaine puis onusienne (Minusma), lancée le 11 janvier 2013, l’offensive terroriste a été stoppée net en un temps record, mais la traque des bandes armées continue jusqu’à ce jour dans le cadre de l’opération Barkhane, nouveau nom de Serval dont les opérations militaires de grande envergure se sont achevées en août 2014.

C’est donc pour évaluer cet héritage sécuritaire, dans son volet franco-africain, que les principaux pays du front antiterroriste (G5 Sahel, regroupant le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Tchad et le Burkina Faso) que François Hollande a décidé de faire ses adieux à ses pairs africains.

Le 31 mars dernier, il a d’abord reçu le président nigérien, Mahamadou Issoufou, flanqué de ses ministres de la Défense et de l’intérieur, ce qui en dit long sur le menu que les deux chefs d’Etat ont abordé lors de leur déjeuner à l’Elysée. La sécurité du Niger est d’autant plus importante, voire stratégique, pour Paris que la société française Areva y exploite depuis des décennies d’importants gisements d’uranium.

Ce mardi 11 avril, le président guinéen, Alpha Condé, ami de très longue date (plus de trois décennies) de François Hollande a été accueilli par ce dernier. Bien que non directement impliqué dans l’imbroglio sécuritaire sahélien, il n’en demeure pas moins que ce dossier l’intéresse au premier chef, puisqu’il n’est autre que l’actuel président de l’Union africaine.

Demain, mercredi, c’est au tour du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz de débarquer chez un homme qui ne le porte pas particulièrement dans son cœur. Le «général Aziz» a en effet été régulièrement accusé ces derniers temps, par les Maliens et les Français, de s’être, au pire, retourné contre eux, par rebelles touaregs et Aqmi interposés, ou pis, de tremper dans le trafic de drogue qui a cours dans la zone sahélienne.

Surtout que Aziz avait au départ donné des coups de mains antiterroristes à la France. Mais c’était au temps où il était encore en déficit de légitimité suite à ses putschs à répétition contre au moins deux chefs d’Etat démocratiquement élus en Mauritanie.

Enfin, vendredi prochain, c’est au tour du président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, d’enjamber le perron de l’Elysée. Son pays, mis à mal par les jihadistes, qui ont même ensanglanté la Côte d’Ivoire voisine, compte beaucoup dans le dispositif que Paris entend implanter dans la région pour juguler le terrorisme.

Pour le site jeuneafrique.com, «l’enjeu de cette dernière ligne droite africaine pour François Hollande est immense : convaincre les observateurs qu’il laisse derrière lui un Sahel mieux sécurisé, pour les Africains et par les Africains. Il espère pour cela laisser derrière lui une politique sécuritaire sahélienne en ordre de marche et, surtout, davantage pilotée depuis les capitales ouest-africaines».

Pour rappel, Hollande vient d’envoyer son ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, au Sahel. Il a visité successivement la Mauritanie et le Mali, dont il a rencontré les deux présidents. L’étape tchadienne, un pays dont la contribution a été décisive dans la lutte antiterroriste au Sahel et contre Boko Haram, a été zappée par Ayraut et par l’Elysée. En cause, les larges sourires et autres clins d’œil que se sont échangés récemment, à Ndjaména, Idriss Deby Itno et la candidate de l’extrême droite française, Marine Le Pen.

Si l’inventaire sécuritaire franco-africain est justifié, en prévision de sa continuité sous le mandat du prochain locataire de l’Elysée, un autre inventaire s’imposait. Celui de la non-représentation de Hollande pour un second mandat, auquel il avait droit.

Une leçon que ses pairs africains doivent hériter, et assimiler, en tant que bonne leçon de gouvernance et de démocratie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 12/04/2017 à 09h51, mis à jour le 12/04/2017 à 10h13