Mauritanie: désavoué par les sénateurs, Aziz risque de voir sa majorité imploser

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Le 20/03/2017 à 17h03, mis à jour le 20/03/2017 à 17h57

Le rejet par les sénateurs de la réforme constitutionnelle voulue par le président crée une impasse politique institutionnelle. Entre sénateurs "frondeurs" et loyalistes, c'est désormais la guerre des tranchées.

Le rejet par un Sénat, pourtant favorable au pouvoir, du projet de réformes constitutionnelles à une large majorité vendredi soir, crée «une crise de régime et une dangereuse impasse politique et institutionnelle qui menacent encore plus la paix en Mauritanie», selon le Pr Lô Gourmo, spécialiste de droit constitutionnel.

Exposant la crise dans sa dimension institutionnelle, Gourmo livre une lecture de la Constitution à travers le chapitre VI consacré à la révision constitutionnelle. Pour lui, dans une contribution publiée dans Le Quotidien de Nouakchott, "il en résulte une impossibilité de toute révision constitutionnelle dans le pays en l’état actuel des choses". En effet, outre la crise au sein de la majorité parlementaire entre le chef de l’Exécutif et la moitié du Sénat, il y a aussi la crise des institutions découlant de l’expiration du mandat des sénateurs. 

Pour toute modification de la Constitution, explique le constitutionnaliste, «il faut passer par un accord préalable à la majorité des 2/3 des membres des 2 chambres, que ce soit par la voie du congrès (réunion des 2 chambres et vote à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés) ou par voie de référendum».

Cette lecture de la procédure conduisant aux réformes constitutionnelles renvoie à une véritable impasse dans le contexte actuel de la Mauritanie.

Dans le même temps, les organes de presse contrôlés par le pouvoir ouvrent leurs antennes à des invités triés sur le volet, qui attaquent tous en cœur les sénateurs frondeurs et dénoncent «la traîtrise et la trahison» dont les sages se sont rendus coupables en rejetant le projet d’amendements constitutionnels.

La presse locale rapporte aussi la réaction d'élus menaçant d’aller chercher des cafards dans les placards du pouvoir à travers l’ouverture d’une série d’enquêtes "sur des affaires sensibles" dont la réalisation du nouvel aéroport de Nouakchott, la vente de biens publics (blocs d'immeubles situés au centre de Nouakchott, écoles publiques, etc.), la situation de certaines entreprises publiques sous la menace d’une faillite imminente et la responsabilité des autorités concernant les sources de financement de certaines ONG.

Rappelons que c'est grâce à une fronde d'élus (députés et sénateurs) que le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait justifié le putsch du 6 août 2008, appelé «mouvement de la rectification». Cet épisode a été suivi d’une élection présidentielle organisée le 18 juillet 2009.

Reste à savoir si le vote négatif du vendredi 17 mars, les attaques contre les sénateurs et les menaces de déballage des sages envoient les signaux d’une implosion de la majorité présidentielle.

Rappelons que le projet de réformes constitutionnelles rejeté par les sénateurs porte sur la suppression du sénat, la création de conseils régionaux, le changement des symboles nationaux (drapeau et hymne), la suppression de la Haute cour de justice (HCJ) qui juge le président de la République en cas de haute trahison et la supression du Haut conseil islamique (HCI).

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 20/03/2017 à 17h03, mis à jour le 20/03/2017 à 17h57