Mauritanie: la fête d'indépendance relance le débat sur le passif humanitaire

Diallo Mamadou Bathia, le ministre de la Défense.

Diallo Mamadou Bathia, le ministre de la Défense.. DR

Le 07/12/2017 à 18h57

La célébration du 57e anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie le 28 novembre dernier, dans la ville de Kaédi, relance le débat sur le passif humanitaire dans le pays.

La célébration du 57e anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie à Kaédi, dans la vallée du fleuve, relance le débat sur l’épineuse question du "passif humanitaire", mots pudiques désignant les exécutions extrajudiciaires de plusieurs centaines de militaires négro-africains en Mauritanie entre 1990 et 1991.

Commentant la valeur symbolique de l’organisation de cet événement dans la grande ville du Sud, le ministre mauritanien de la Défense, Diallo Mamadou Bath, déclarait il y a quelques jours que «l’Etat est dans une logique de résolution de la problématique du passif humanitaire pour mettre le pays sur la voie d’une véritable réconciliation nationale».

Une déclaration saluée par le PMRC Arc en ciel, un parti de la mouvance nationaliste noire se réclamant de l’opposition dite modérée, dans une déclaration publiée jeudi.

Un document dans lequel les camarades de Ba Alassane Soma, président du parti, expriment «leur satisfaction au sujet de l’approche adoptée par le gouvernement pour le parachèvement du règlement du passif humanitaire».

Ce parti «exhorte le gouvernement à la mise en place de tous les mécanismes adéquats pour une solution consensuelle et légitime à ce dossier dans l’esprit compris de l’aboutissement à une véritable réconciliation nationale».

Réseaux sociaux à fond dans ce débat

Sur les réseaux sociaux, le débat anime à nouveau les discussions. Le Pr Lô Gourmo, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), un parti d'opposition, rejette la démarche des autorités. Ce haut responsable estime en effet que «réduire la question des crimes de masse contre les militaires négro-africains en 1990 à une question de sous à verser aux ayants droit, c’est rendre leur blessure encore plus purulente et leur douleur plus vive. C’est les mépriser et mépriser tous ceux qui, au sein de notre peuple, toutes races et ethnies confondues, luttent avec détermination pour que soit dite enfin, toute la vérité, avant tout autre démarche de l’Etat».

Au contraire, Diallo Kadiatou Malick, ex-députée de l’UFP, perçoit «quelque chose de positif dans la réaction du pouvoir, qui semble avoir compris que ce dossier n’est pas clos, contrairement à une annonce faite il y a un an par le président Mohamed Ould Abdel Aziz à Nouadhibou. Il essayera comme la dernière fois de jouer sur la vulnérabilité des ayants droit. Mais cette fois, l’expérience passée devrait servir de leçon».

Quant à Sid’Ahmed Ould Meiloud, il admet que «le Professeur Lô Gourmo a raison. Mais les veuves doivent accepter tout geste venant d’un pouvoir dont les mains ne sont pas trop souillées par les tueries de novembre 1990, en continuant à réclamer le reste, c’est-à-dire la reconnaissance, et une demande de pardon, car c’est à ce moment que ces indemnisations auront un sens».

Ces crimes à caractère ethnique ont été commis par le régime du président Maouya Ould Sid’Ahmed Taya (1984/2005). Toutes les plaintes et réclamations des proches des victimes auprès de la justice mauritanienne sont restées sans suite.

A l’arrivée au pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz, certains ayants droit ont perçu des enveloppes dans le cadre d’une vaste opération nationale visant à indemniser tous les militaires chassés de l’armée à partir de 1981. Une démarche non exclusive aux crimes des années 1990.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 07/12/2017 à 18h57