Le 28 novembre, qui marque la date anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie, est devenu une journée symbole au sujet de laquelle les citoyens de la République sont désormais partagés.
Si pour certains cette marque l'indépendance est une source de fierté, pour d'autres, cette date a été souillée à jamais par la pendaison de 28 soldats négro-africains en 1990 pour ... Célébrer cet évènement.
Ainsi, chaque fête d'indépendance est désormais considérée comme une journée de deuil par certains Mauritaniens.
Et les exécutions par pendaison de ces 28 soldats font aujourd'hui partie de ce que les négro-africais de Mauritanie appellent le "passif humanitaire".
Au-delà de ces 28 soldats, les exécutions sommaires sans jugement des membres de cette communauté, accusés d'avoir préparé un putsch, ont concerné plusieurs centaines de militaires issus de la communauté négro africaine, entre septembre 1990 et février 1991.
Une séquence tourmentée de l’histoire récente, qui n'a pas encore été soldée pour les proches des victimes, ainsi que des organisations de défense des droits humains et d’une large partie de l’opinion publique.
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Ces faits ont été enregistrés sous le régime du colonel Maaouya ould Sid’Ahmed Taya (1984-2005). Et les responsables de ces actes continuent à occuper les hauts sphères des institutions politiques et militaires du pays.
Concernant l’aspect officiel et la solennité républicaine de la fête 2018, le président Mohamed ould Abdel Aziz a rappelé «les sacrifices» consentis pour l’indépendance, et la véritable signification du concept, à travers une allocution prononcée depuis la ville de Néma, l’épicentre de l’évènement en cette année 2018.
Revendication toujours actuelle
De son côté, pour marquer la date, le Collectif des Veuves, Orphelins et autres ayants droits des victimes de ces tragiques événements, a organisé une marche vers le bureau de la représentation des Nations Unies à Nouakchott, dans la matinée du mercredi 28 novembre.
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Une initiative stoppée par la police au niveau de la mairie de Tevragh-Zeina. Aissata Diary Sall, Secrétaire générale adjointe du collectif, a expliqué le sens de cette initiative: «notre objectif est de montrer à la face de tous que le combat continue jusqu’à ce que la vérité soit connue et la justice rendue. Nous avions préparé des pancartes sur lesquelles figurent les noms de tous les tortionnaires et de toutes les victimes. Tout cela montre que le 28 novembre est désormais devenu une journée symbole du sang de nos martyrs».
Echos identiques au sein d’une partie de la classe politique
Du côté de la classe politique, notamment de la mouvance nationaliste noire et du courant démocratique de manière plus générale, les préoccupations se situent également au niveau des revendications en vue d’une solution consensuelle et acceptable du passif humanitaire.
Ainsi, l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour la réconciliation (AJD/MR-opposition), un parti dirigé par Sarr Ibrahima
Moctar, a organisé un débat à son siège de la Sebkha (banlieue populaire, au sud-ouest de Nouakchott) en souvenir de la mémoire des victimes des crimes de 1990/1991.
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Pour sa part, l’Union des forces de progrès (UFP-opposition) a publié une déclaration à travers laquelle elle rappelle l’évolution de la symbolique de la fête nationale.
Dans cette déclaration, on peut notamment lire que: «le régime de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya a pendu 28 officiers, sous-officiers et soldats négro africains, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990. Toutes les forces démocratiques ont été profondément affectées par ces horreurs qui souillent notre fête nationale, et n’ont cessé de réclamer que toute la lumière soit faite sur cette tragédie, et que justice soit rendue comme condition de tout pardon de la part des victimes et de leurs ayants cause».
Le texte rappelle «les mesures prises par le régime du président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi pour le retour des réfugiés au Sénégal» accusant «le coup d’Etat» de Mohamed ould Abdel d’avoir interrompu le processus.
S’exprimant jeudi 22 novembre dernier, suite à la présentation devant l’assemblée nationale de la Déclaration de politique générale (DPG) du premier ministre, Ahmed Salem ould Béchir, Mme Kadiata Malick Diallo, députée du même parti est aussi revenue sur ce triste épisode de l’histoire du peuple de Mauritanie.
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Cette élue a attiré l’attention sur le fait «que la fête de l’indépendance qui était célébrée par tous dans la joie et l’allégresse, est devenue aujourd’hui un jour de tristesse pour certains Mauritaniens. Car dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, 28 militaires noirs ont été numérotés de 1 à 28 et pendus par leurs frères d’armes dans la garnison d’Inal (Nord), pour célébrer l’événement».
Pour sa part, Kaw Touré, haut responsable des Forces progressistes pour le changement (FPC), anciennes Forces de libération africaine de Mauritanie (FLAM), qualifie le jour de l’indépendance «d’horrible anniversaire».
Touré entame ses propos par le rappel d’un événement heureux, très récent «il y a quelques jours les Mauritaniens en chœur ont dansé, chanté et fêté ensemble la belle victoire de l’équipe nationale. Nous avons dansé et chanté avec tous nos rythmes, des vagues mélodieuses et sublimes du fleuve aux envolées lyriques des orfèvres des mots des Awlad Chinguitti. Nous avons sauté aux rythmes et aux sons du yakka, du Rippo, du Mbalax, du thierthioura et du Veghou. Le peuple uni dans cette vieille patrie du Tekrour et de l’empire du Ghana, vibrait avec nos jeunes conquérants, dignes héritiers des Almoravides. Cette Mauritanie plurielle, arc-en ciel, métissée et fière, nous l’aimons».
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Ce responsable politique enchaîne par la suite avec «une histoire du pays qui n’est pas aussi belle» que la première qualification de l’équipe nationale «Les Mourabitounes» pour les phases de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN).
Car «il y a eu cette sombre et terrible nuit du 27 au 28 novembre 1990, avec la pendaison de 28 militaires ayant loyalement servi leur patrie, et dont le seul délit était lié à leur appartenance à la communauté négro-africaine, comme du temps de l’apartheid».
Les faits dénoncés par ces partis politiques et ces personnalités ont été l’objet d’une loi d’amnistie adoptée au mois de mai 1993. Un texte dont les proches des victimes, les organisations nationales et internationales de droits humains, et plusieurs partis politiques réclament l’abrogation par «respect au devoir de vérité, de justice et de mémoire, préalable à toute idée de pardon et de réconciliation».
Dans de nombreuses contributions, certaines personnalités ont évoqué l’idée d’une justice transitionnelle à l’image de certains d’Afrique ayant été secoués par de graves crimes à caractère politique dans leur histoire.
Le pouvoir actuel a organisé une prière aux morts à la mémoire de ces disparus, le 25 mars 2009, dans la ville de Kaédi (vallée du fleuve).
Les rescapés et ayants droit du passif humanitaire de 1990/91 ont reçu «une indemnisation» dans le cadre d’une opération générale couvrant tous les militaires chassés de l’armée pour diverses raisons depuis le début des années 1980.
Une démarche qu’un spécialiste du droit considère comme «une tentative de noyer des crimes d’une extrême gravité dans des généralités».