Mauritanie: retour en force du débat sur le 3e mandat présidentiel

Le 14/01/2019 à 07h16, mis à jour le 14/01/2019 à 08h08

Des députés de la majorité ont relancé le débat sur un 3e mandat de Mohamed ould Abdel Aziz, à quelques mois de l'élection présidentielle, à travers une initiative visant à anéantir les dispositions protégées de la constitution.

Le débat relatif à «un amendement constitutionnel» en vue de donner une possibilité de 3e mandat au président Mohamed ould Abdel Aziz refait surface en Mauritanie, à moins de 6 mois d’une élection présidentielle dont le timing légal est fixé entre avril et juin 2019.

Décidés à changer les règles du jeu à quelques mois de la fin du mandat du président Mohamed ould Abdel Aziz, des parlementaires de la majorité ont organisé une large concertation au cours de la nuit du vendredi 11 au samedi 12 janvier et convenu de faire une proposition d’amendements touchant à certaines dispositions de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée par voie référendaire le 25 juin 2006.

La démarche ainsi initiée vise à anéantir le passage de l’article 28 de la constitution selon lequel «le président de la République est rééligible une seule fois». A la place, les initiateurs voudraient substituer un autre groupe de mots: «le président de la République peut être réélu».

La nouvelle proposition de loi vise également la modification de la formulation de l’article 99 de la loi fondamentale suivant laquelle «aucune procédure de révision de la constitution ne peut être engagée si elle met en cause l’existence de l’Etat, ou porte atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine des institutions, au caractère pluraliste de la démocratie et au principe de l’alternance démocratique dans l’exercice du pouvoir, et à son corollaire, le principe suivant lequel le mandat du président de la République, est de 5 ans, renouvelable une seule fois, conformément aux articles 26 et 28 de la présente constitution».

Bref, les initiateurs de cette réforme voudraient tout conserver, sauf le principe de l’alternance démocratique au pouvoir.

Pour être discutée, cette proposition doit recueillir le soutien de deux tiers des élus de l'Assemblée nationale. Toutefois, dans le rang des députés de la majorité, une dizaine de députés ont déjà expimé leur hostilité à la démarche, alors que les élus de l’opposition devraient se retrouver dans le cadre d’une réunion d’urgence au cours des prochaines heures.

Réagissant à cette nouvelle tentative, le banquier et opposant en exil, Mohamed ould Bouamatou, lance un appel «à la résistance au coup d’Etat contre la constitution», à travers un document rendu public samedi soir.

Il dénonce une nouvelle stratégie «de la dictature faisant recours cette fois à une prétendue initiative parlementaire animée par une poignée de parvenus ayant trempé dans les crimes économiques du régime».

Il s’adresse à toutes les forces vives de la nation, dont il cite «les partis politiques, organisations de la société civiles, syndicats, jeunes écœurés et révoltés par l’injustice et l’arbitraire», pour une large mobilisation en vue de faire échec «à une tentative du dictateur de rester au pouvoir». 

Dans son nouvel appel, le banquier et opposant jette également un coup d’œil critique sur le rétroviseur «d’une gestion désastreuse du régime au cours des 10 dernières années, qui s’est soldée par un échec retentissant sur tous les plans. Les richesses minières et halieutiques ont été bradées au profit d’une poignée d’intermédiaires et de prête-noms, qui accumulent des fortunes immenses au moment ou la majorité des Mauritaniens vit dans l’extrême pauvreté, sans accès au service minimum de santé et d’éducation. Les marchés de l’Etat sont captés par les mêmes réseaux de prédation. Des centaines de milliers de jeunes, victimes de chômage, sont privés d’avenir et d’espoir. La dette extérieure cumulée atteint les 100% du PIB. Les entreprises publiques sont liquidées à la sauvette».

Le document revient par ailleurs sur «la profanation des symboles de la nation» à travers le changement de drapeau et de l’hymne national.

Enfin, rappelons que l’article 28 de la constitution mauritanienne de juillet 1991, amendée par voie référendaire le 25 juin 2006, affirme que «le président de la République est rééligible une seule fois». L’article 29 ajoute: «avant de rentrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes: je jure par Allah l’unique, de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je jure par Allah l’unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 14/01/2019 à 07h16, mis à jour le 14/01/2019 à 08h08