Mauritanie. Présidentielle: les candidats face au défi du parrainage

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Le 07/04/2019 à 12h15, mis à jour le 07/04/2019 à 13h08

La Mauritanie est entrée de plein-pied dans la course à l'élection présidentielle prévue au mois de juin 2019. Quatre candidatures ont été déjà déclarées dans la perspective de cette échéance capitale. Reste maintenant à passer l'obstacle des parrainages des candidats.

Quatre candidats sont déjà déclarés partants pour la présidentielle de juin prochain. Suivant l’ordre chronologique de leur présentation de candidature, il s’agit de Biram Dah ould Abeid, leader de l’Initiative du mouvement abolitionniste (IRA), sous les couleurs d’une alliance SAWAB (courant nationaliste arabe)+RAG/mouvance antiesclavagiste. Il revient à la charge après un premier essai en 2014.

Mohamed ould Cheikh Ahmed ould Ghazouani, général à la retraite, ancien chef d’état-major général des armées, candidat du président Mohamed ould Abdel Aziz, de la majorité et même, dit-on, de l’armée qui fait et défait le pouvoir d’Etat dans le pays depuis près de 41 ans.

Sidi Mohamed ould Boubacar, candidat indépendant, soutenu par trois partis de l’opposition: le Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD/Tawassoul, mouvance islamiste), HATEM et Al Mostqbal. Il fût Premier ministre à deux reprises, sous le régime de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya (1992/1995) et pendant la transition du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), conduite par feu le colonel Ely ould Mohamed Vall (2005/2007).

Mohamed ould Maouloud, leader de l’Union des forces de progrès (UFP). Il est le candidat d’une alliance dénommée «Coalition des forces démocratiques du changement (CFCD) pour la candidature de Mohamed Maouloud 2019/Changeons d’ère». Celle-ci regroupe l’Union des forces de progrès (UFP), le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Union nationale pour l’alternance démocratique (UNAD).

Parmi la palette de conditions à remplir pour avoir le privilège de figurer dans la liste des personnalités admises à solliciter les suffrages des électeurs mauritaniens figure en bonne place le parrainage des élus au niveau des assemblées locales.

Voici ce qui dit la loi

Un bref état des lieux permet de constater que la Mauritanie compte un peu plus de 200 communes au sein desquelles siègent environ 4 milliers de conseillers municipaux.

L'article 5 de la loi organique relative à l’élection du président de la République indique que «la candidature à la présidence de la République n’est recevable que si elle est parrainée par au moins cent (100) conseillers municipaux dont cinq (5) maires. Ces conseillers municipaux doivent appartenir à la majorité des wilayas (régions). Aucun élu ne peut parrainer plus d’une candidature. Les parrainages sont matérialisés par des actes légalisés. En aucun cas, ils ne peuvent faire l’objet d’un retrait après leur dépôt. Tout candidat à la présidence de la République devra déposer auprès du Trésor public une caution de cinq millions d’ouguiyas (5.000.000 UM). Cette caution ne sera remboursée qu’au profit des candidats ayant au moins recueilli 2% des suffrages exprimés au premier tour du scrutin présidentiel».

Sérénité dans les rangs

Dans la même lancée, l’article 06 de la même loi ajoute: «le nom, la qualité ainsi que les circonscriptions électorales et administratives des élus qui ont parrainé les candidatures à la présidence de la République sont rendus publics par le Conseil constitutionnel le trentième cinquième (35e) jour au moins avant le premier tour du scrutin dans la limité du nombre requis pour la validation des candidatures».

Face à un éventuel obstacle que pourrait constituer le parrainage des élus, le candidat de la majorité, adoubé par l’Union pour la république (UPR), va dérouler sur du velours, grâce au contrôle de la quasi-totalité des élus au niveau des assemblées municipales.

Naturellement, pour les représentants de l’opposition et les indépendants, la réponse à la question n’est pas tout aussi évidente.

Dans cette perspective, Mohamed ould Sid’Ahmed, membre du Comité permanent de l’Union des forces de progrès (UFP), secrétaire national, responsable au niveau de Nouakchott, rassure: «Nous n’avons aucun problème pour disposer du nombre de parrainages exigés par la loi. Notre parti, hors de toute coalition, dispose de 50 à 60 conseillers municipaux... Par ailleurs, nous avons déjà des parrainages hors rangs de l’opposition et nous pensons que tous les candidats à la prochaine élection présidentielle devraient réunir la condition des parrainages. Cela est valable même pour les candidatures qui seraient ultérieurement déclarées, car une telle orientation va dans le sens de la consolidation du système démocratique et dans l’intérêt du pays».

En contraste frappant avec la position du haut responsable de l’UFP, le correspondant de l’hebdomadaire «Le Calame» dans la région d’Aioun (Est), signale «le double jeu de l’UPR dans le parrainage des candidats».

Le site d’informations en ligne du journal rapporte notamment que «depuis quelque temps, on assiste à une vaste campagne de sensibilisation des élus (conseillers municipaux et maires) pilotée par les secrétaires fédéraux de l’UPR pour recueillir les signatures des parrains au profit du candidat Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed ould Ghazouani et autres postulants».

Le terme «autres postulants» désigne au sens du journal «des candidats fantoches. Il s'agit de jokers qui roulent pour le compte du système et auxquels on pourrait faire appel dans certaines circonstances, pour valider le scrutin» présidentiel à venir au où les candidats l'UPR décide de jouer sur la carte des parrainages en vue d'éliminer un candidat qui menacerait l'ex-général Ghazouani.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 07/04/2019 à 12h15, mis à jour le 07/04/2019 à 13h08