Mauritanie: l’ex-président Ould Abdel Aziz refuse de déférer à la convocation de la Commission d’enquête parlementaire

Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président de la République Islamique de Mauritanie.

Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président de la République Islamique de Mauritanie. . DR

Le 08/07/2020 à 15h08, mis à jour le 09/07/2020 à 16h31

L'ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz doit être entendu par la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur sa gouvernance durant la décennie 2008-2019 ce jeudi 9 juillet. Face à son refus de décharger l'acte de convocation, les députés se préparent à la mise en place d'une Haute Cour de Justice.

Répondra, répondra pas? Cette interrogation circule de bouche en bouche en Mauritanie et hors des frontières du pays, depuis l’annonce de la convocation de l’ancien président, Mohamed Ould Abdel Aziz (2008-2019) par une Commission d’enquête parlementaire (CEP), pour ce jeudi 9 juillet 2020.

L’ancien homme fort de la Mauritanie devait être auditionné sur plusieurs affaires qui, durant sa gouvernance et la décennie écoulée, avaient alimenté les débats et défrayé la chronique. 

Il s’agit notamment de l’attribution de marchés dans le domaine de l’énergie (solaire), la gestion de la fondation de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), d'un contrat de pêche avec la société chinoise Poly Hong Dong Fisheries, la gestion du foncier à Nouakchott, la concession du port de Nouakchott et la liquidation de certaines entreprises publiques.

Après l’audition de plusieurs membres de son gouvernement et d'hommes d’affaires considérés comme des proches, «Mohamed Ould Abdel Aziz a été plusieurs fois directement cité par rapport à des faits et actes de nature à porter atteinte à la Constitution», selon une source bien informée auprès de l’enquête parlementaire.

Mais l’ancien chef de l’Etat, qui se trouve actuellement dans une propriété à Benichaab (région de l’Inchiri à 250 kilomètres au nord de Nouakchott) a refusé de signer l’acte lui indiquant qu'il devait se présenter devant les députés. Un signal fort de son refus de comparaître, et donc de collaborer avec la commission d’enquête.

Ainsi, l’éclairage attendu ne viendra pas pour le moment, sauf si l'ex-président décide de dribbler tout le monde à la dernière minute.

Commentant ce nouvel épisode dans les rapports entre le pouvoir de Nouakchott et l’ancien chef de l’Etat, un opposant, spécialiste du droit, relève le caractère d’un acteur politique «qui a toujours méprisé les hommes et les institutions».

Toutefois, le professeur Lô Gourmo s’empresse d’ajouter: «aucune disposition constitutionnelle n’oblige l’ancien chef de l’Etat à accepter son audition par la Commission d’enquête parlementaire. Mais son refus peut être lourd de conséquences, puisque c’est le rapport de cette commission qui pourrait déclencher la procédure susceptible de déboucher sur la mise en accusation par l’Assemblée nationale» dans la perspective d’un éventuel déferrement devant cette juridiction spéciale pour «haute trahison (violation de la Constitution et des lois)».

Parallèlement aux investigations de la Commission d’enquête parlementaire, les députés se préparent au vote d’une loi organique créant une Haute Cour de Justice (HCJ).

Seulement, «dans un pays dont la législation pénale n’a jamais défini l’infraction de haute trahison, les avocats de Mohamed Ould Abdel Aziz ne devraient pas manquer d’arguments pour le défendre, notamment sur la question de savoir si les crimes économiques sont assimilables à de la haute trahison, ce qui dans l’esprit du droit français, source d’inspiration de la Constitution mauritanienne, renvoie à l’idée de collision avec une puissance étrangère contre les intérêts du pays», tempère un autre spécialiste du droit ayant requis l’anonymat.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 08/07/2020 à 15h08, mis à jour le 09/07/2020 à 16h31