Mauritanie: l'enrôlement, principal enjeu de la fête d'indépendance à Kaédi

Manifestation de la diaspora mauritanienne à Paris contre l'enrôlement discriminatoire.

Manifestation de la diaspora mauritanienne à Paris contre l'enrôlement discriminatoire. . DR

Le 07/11/2017 à 17h31, mis à jour le 07/11/2017 à 17h36

Kaédi, dans la vallée du fleuve Sénégal, se prépare à accueillir les festivités du 57ème anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie. Un anniversaire sous haute tension en raison du mécontentement des populations de la région au sujet de l'enrôlement.

Après Nouadhibou en 2015 et Atar en 2017, les autorités mauritaniennes ont choisi Kaédi, sur les berges du fleuve Sénégal, pour abriter les festivités marquant la célébration du 57ème anniversaire de l’indépendance nationale, le 28 novembre prochain.

Toutefois, les autorités craignent des débordements en raison de l'épineux problème de l'enrôlement des populations mauritaniennes, notamment dans cette vallée du sud. 

Lancée en 2011, cette opération vise à établir un état civil sécurisé grâce à la biométrie. Mais elle est au centre d’une vive controverse de la part de la frange négro-africaine, composante non arabe de la Mauritanie, qui l'accuse d'être discriminatoire. Une tendance animée par un mouvement tel que "Touche pas à ma nationalité" (TPMN), qui dénonce «un génocide biologique».

Du reste, des manifestations violentes contre cette opération jugé exclusionniste ont été enregistrées à Kaédi et Maghama il y a quelques années. Celles-ci s'étaient soldées par la mort d’un jeune du nom de Lamine Mangana en 2011.

Les populations de la vallée du fleuve, majoritairement négro-africaines, reprochent à l’agence chargée de l’état civil de conduire des opérations dont les règles n’ont jamais été définies par une loi «qui varie d’un chef de centre à un autre».

Les voix critiquant le processus d’enrôlement sont particulièrement audibles au sein de la diaspora, qui ne cesse d'organiser des manifestations pour dénoncer les méthodes exclusionnistes de l’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés (ANRPTS). 

Ce mécontentement risque de rendre les populations de la région peu enthousiastes à l’idée d’accueillir la grande fête nationale dans leur terroir.

Pire, selon diverses sources, des menaces de sabotage auraient été brandies par une partie de la diaspora.

Face à cette situation, les autorités ont pris les devants. Interpellé, le président mauritanien avait donné des instructions fermes visant à accélérer le processus de mise à disposition des pièces d'état civil pour tous les Mauritaniens. Depuis, des changements notables ont été constatés. 

Toutefois, certains problèmes persistent. Le premier ministre, Yahya Ould Hademine, accompagné d’une délégation, s’est donc rendu à Kaédi, dans la capitale du Gorgol.

Une première mission suivie d’une visite du ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Ahmed Ould Abdallah, pour tenter de résoudre les difficultés rencontrées par plusieurs milliers de personnes pour se faire enrôler.

Une situation à laquelle le pouvoir au plus haut niveau a décidé de faire face. Ainsi, une commission chargée des questions liées à l’enrôlement a été mise sur pied. Elle est placée sous la présidence de Thiam Diombar, un fils de la région du fleuve, conseiller du président Mohamed Ould Abdel Aziz et ancien ministre des Finances et composée de Sidi Amin Ould Ahmed Challah, conseiller du premier Ministre et d'un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Les membres de cette commission se rendront mercredi sur le terrain, en commençant par la région de Kaédi avant de mettre le cap sur les régions de Selibaby et Kiffa.

La Mauritanie est peuplée de 3,53 millions d’habitants selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) effectué en avril 2013. Au mois de janvier 2013, les chiffres officiels fournis par l'ANRPTS faisaient état de 1.966.668 Mauritaniens enrôlés.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 07/11/2017 à 17h31, mis à jour le 07/11/2017 à 17h36