Une arnaque qui porte sur un montant cumulé de 70 milliards d'ouguiyas (MRO), soit environ 200 millions de dollars. Telle est résumée l’«affaire Cheikh Ridha», un érudit aux dons «mystiques» pour certains, mais qui n’a pas tardé à révéler son vrai visage, celui d’arnaqueur invétéré.
L’homme, âgé d’environ 45 ans, de père égyptien, est originaire de la localité maraboutique de Beïr Ettoress (130 km au sud-est de Nouakchott). Il a créé de toutes pièces une cité composée d’une trentaine de villas, un grand immeuble et une mosquée, à un endroit appelé «Teyssir», situé à la sortie Nord de Nouakchott, sur la route nationale menant vers Akjoujt et Atar.
Juste en face de l’endroit, les victimes des illusions suscitées par le discours portant sur «les transactions immobilières» du Cheikh, désormais organisées au sein d’un collectif national, ont ouvert un bureau. Ils se retrouvent là pour tenir un sit-in tous les jours entre 17 heures et minuit. Signe que ces personnes ont décidé de sonner la mobilisation pour sensibiliser le gouvernement et tous les segments de la société mauritanienne sur leur drame.
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La nouvelle initiative est une idée de Mme Lekhwir Mint Daff, une institutrice, originaire de la région du Tagant (centre du pays) mère de trois enfants, délestée d’une maison dont elle évalue la valeur à 20 millions de MRO. Elle fait office de vice-présidente du collectif.
La présidence de l’association est dévolue à Sid’Ahmed Abdy, victime de la perte «d’un immense patrimoine immobilier» dont il refuse de donner la valeur chiffrée, estimant que son énorme préjudice est bien plus supportable que celui subi par bien d’autres individus. Il évoque notamment le cas de ces nombreuses mères de familles, le plus souvent malades, appauvries du jour au lendemain.
Le premier responsable de l’association explique les circonstances dans lesquelles celle-ci été fondée il y a quelques semaines et expose ses objectifs. Il s’agit «de faire comprendre à tous nos compatriotes que l’action de Cheikh Ridha a porté préjudice à plusieurs milliers de citoyens. Des pères et mères de familles qui ont tout perdu et se sont retrouvés dans une situation de ruine totale, si ce n'est dans la rue», affirme-t-il.
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Ainsi, poursuit le président, «il s’agit d’un problème de dimension nationale auquel les autorités doivent trouver une solution juste et conforme aux préceptes de notre sainte religion: l’Islam. Cheikh Ridha Mohamed Nagi Said (du nom complet de l’instigateur des opérations immobilières incriminées) a profité de son pouvoir dit «irrésistible» pour exécuter son crime financier.
A chaque fois que l’un des cinq «samsaras» (courtiers), qui sont également ses proches parents, propose, au nom de Cheikh Ridha, une transaction immobilière aux contours nébuleux, avec des clauses léonines, on finit par tomber dans le piège.
Le mode opératoire est un gros prix d’achat, bien au-dessus de la valeur réelle du bien immeuble qu’on veut accaparer. Au vendeur, on remet un modique cash immédiat sous forme d’avance, et le reste à crédit. Là est le premier épisode d’un feuilleton interminable, car le reliquat, c'est-à-dire le plus gros du montant de la transaction n’est jamais versé. Surtout qu’entre-temps, le bien acquis a été vendu à un prix concurrentiel et payé rubis sur l’ongle à une autre personne.
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Parmi les victimes de cet Egypto-mauritanien trouble, à qui on prête des dons «mystiques» bizarres, figurent de nombreuses femmes. Certaines d’entre elles sont présentes au siège de l’association en cette nuit du jeudi 28 février au vendredi 1er mars 2019.
Elles racontent, en chœur, l’histoire poignante de l’une d’entre elles, qui après la perte d’une propriété immobilière, est décédée récemment d’un cancer. Tristesse également de ce sous-officier de la gendarmerie nationale, évoquant le récit de sa mère ayant perdu une propriété. Aujourd’hui, la dame est gravement malade et aspire au remboursement du prix de vente de sa maison en vue de financer les frais des soins médicaux à l’étranger.
Les propriétés immobilières qui ont fait l’objet des opérations de Cheikh Ridha sont situées dans les différentes zones de Nouakchott, avec cependant une prédilection pour les quartiers résidentiels. Un constat qui renvoie à un ciblage bien étudié.
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AZ, une autre victime du sulfureux personnage, cite les noms des courtiers délégués par ce dernier: «Cheikh El Ghadi, Abdallah ould Beddy, Mohamed Mahmoud ould Beddy, Hamma ould Mohamed Nagi…. tous détenteurs d’une procuration permanente les autorisant à agir au nom, en lieu et place de Cheikh Ridha. Les actes pour toutes les transactions étaient établis par les services d’un même "mouwathigh" (notaire traditionnel)».
Au sujet des dernières nouvelles de Cheikh Ridha, il aurait quitté en catimini la cité «Teyssir» sous bonne escorte de la gendarmerie nationale, il y a quelques jours, selon le site d’informations en ligne «Mourassiloune» repris par «Adrar-Info».
Interrogé au sujet de cette révélation, Mohamed Vall, membre du collectif, qui a perdu une villa d’une valeur de 30 millions de MRO, reste prudent et dit ne pas avoir la confirmation d’une telle version.
Dans la gestion de cette affaire par les victimes, il est à noter que la justice mauritanienne a refusé d’accepter la moindre plainte contre Cheikh Ridha, tandis que la police est intervenue à plusieurs reprises pour déloger les «manifestants» qui viennent réclamer leur dû devant le domicile de leur arnaqueur. C’est ce qui fait dire à de nombreux Mauritaniens que cette «protection» signifie clairement que Cheikh Ridha travaillait pour un autre «boss».
La Mauritanie a son Bernard Madoff
A l’écoute de ces différents récits, un précédent vient à l’esprit de nombreux observateurs. Celui de Bernard Madoff, l’homme devenu célèbre en ruinant de nombreux investisseurs à cause du système de Ponzi qu'il avait mis en place et qui n'a pas résisté à la crise financière mondiale de 2008.
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Il semble avoir fait un émule en Mauritanie. Il s’agit bien de Cheikh Ridha «un homme d’affaires» à l’intelligence aigüe, mais tournée vers l’arnaque. Il a soigneusement étudié cet exercice jusqu’à en maîtriser toutes les ficelles, avec la complicité du pouvoir en place en Mauritanie, car ses magouilles n’ont commencé qu’à partir... de 2012.
Une protection qui lui a permis de répéter parfaitement le fameux Schéma de Ponzi. Une technique dont le mode d’exécution est «un montage frauduleux qui consiste à rémunérer les premiers investissements et clients essentiellement par les fonds provenant des nouveaux entrants, tant que l’escroquerie n’est pas découverte».
Mais une fois le pot aux roses étalé sur la place publique, le montage s’écroule comme un château de cartes. «Cela arrive quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir le remboursement des clients».
Charles Ponzi est devenu célèbre après avoir mis en œuvre une opération fondée sur ce principe à Boston (USA) pendant les années 1920. Cheikh Ridha lui a emboité le pas, un siècle plus tard, en république islamique de Mauritanie.