Les coups d’Etat militaires sont de retour en Afrique, particulièrement en Afrique de l’Ouest et dans la bande sahélo-saharienne. Cette nouvelle décennie s’annonce prolifique en renversements manu militari. En effet, alors que sur la décennie 2000-2009, huit coup d’Etat réussis et 14 échecs ont été enregistrés, entre 2010 et 2019, huit renversements ont abouti et neuf échecs ont été enregistrés. Pour la décennie 2020-2029 qui démarre, on dénombre déjà huit coups d’Etat réussis et presque autant d’échec.
C’est dire que si on est loin des chiffres de la décennie 1960-1969 avec 26 coups d’Etat réussis et 15 échecs, il n’en demeure pas moins que le retour des militaires au-devant de la scène politique africaine inquiète.
Pour en comprendre l’ampleur, il faut souligner que de la Guinée et/ou de la Mauritanie à l’Erythrée, en passant par le pays sahélo-saharien (Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) et le Soudan, ce sont désormais les militaires et/ou d’ex-militaires qui ont troqué le kaki contre le costume de ville ou le boubou saharien qui sont aux manettes de ces pays.
Si certains ont été démocratiquement élus, après leur retour à la vie civile comme c’est le cas en Mauritanie et en Guinée Bissau, tous les autres sont arrivés au pouvoir via des coups d’Etat.
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C’est le cas au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, au Soudan et plus récemment au Niger. Au Tchad, bien que la situation soit un peu différente, le général Mahamat Idriss Déby ayant remplacé son père tué lors de ce qui a été présenté comme un affrontement avec des rebelles marchant vers la capitale Niamey, il est vrai que ce sont les militaires qui dirigent le pays. En clair, de l’Atlantique à la mer Rouge, les Etats sont dirigés par des militaires. Une situation qui illustre le retour des coups d’Etat en Afrique.
Qu’est ce qui explique ces putschs au niveau de cette région du continent? Plusieurs facteurs sont avancés.
D’abord, il y a l’échec du processus démocratique avec des démocraties de façade dans de nombreux pays du continent. Pour preuve de ce manque d’ancrage démocratique, les Constitutions sont rarement respectées, surtout quand elles limitent à deux le nombre de mandats présidentiels. Une fois le second mandant entamé, plusieurs chefs d’Etat n’hésitent pas à initier des réformes constitutionnelles dans le seul but de s’éterniser au pouvoir.
Ce fut le cas en Guinée où Alpha Condé, opposant durant plusieurs décennies, a accédé au pouvoir et a voulu s’y maintenir en optant pour une réforme constitutionnelle qui lui a ouvert la voie à un 3e mandat non sans entrainer le pays dans une crise politique. Il a été déposé par les militaires quelques mois après le début de son 3e mandat.
Et ils sont nombreux les chefs d’Etat de la région à avoir recouru à ce subterfuge pour rester au pouvoir faussant ainsi le jeu démocratique. Tout dernièrement, c’est le président de la Centrafrique, sous parapluie russe, qui vient de procéder à une réforme constitutionnelle lui ouvrant les portes à de nouveaux mandats à la tête du pays.
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Ensuite, il y a la mauvaise gouvernance des dirigeants des pays africains avec des gestions familiales et claniques des deniers publiques. Des situations, combinées aux réformes constitutionnelles, entrainent souvent des crises politiques qui finissent par fragiliser les dirigeants qui deviennent impopulaires, ouvrant les portes du palais présidentiel aux militaires. C’est le cas du Mali, où en août 2020 les militaires ont renversé le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta devenu très impopulaire et faisant face à une opposition déterminée avant que les militaires ne mettent fin à son règne.
Par ailleurs, l’échec des luttes antiterroristes et l’insécurité grandissante dans les pays sahéliens est un argument avancé par tous les putschistes sahéliens. Dans cette région, les groupes djihadistes sont omniprésents depuis le déclenchement de la crise libyenne.
Les crises sécuritaires font croire aux militaires qu’ils sont les seuls à faire face aux djihadistes, jugeant les présidents civils déconnectés de la réalité du terrain. Et les exemples ne manquent pas: le Mali avec Ibrahim Boubakar Keita, le Burkina Faso avec Roch Marc Christian Kaboré puis le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et actuellement au Niger où les militaires justifient leur putsch par l’incapacité du président Mohamed Bazoum à faire face aux djihadistes.
Il faut dire qu’après des décennies de lutte contre les djihadistes, les situations sécuritaires ne semblent pas s’améliorer au niveau dans ces trois pays. Seulement, si l’insécurité est une des justifications avancées par les militaires qui prennent le pouvoir, on note que globalement les nouveaux dirigeants galonnés ont encore du mal à obtenir les résultats escomptés, et ce malgré le renforcement des effectifs et des équipements militaires.
L’autre facteur qui semble encourager les putschs est le contexte géopolitique mondial. Après avoir porté de nombreux militaires au pouvoir avant l’ère de la démocratie et soutenu certains dirigeants africains lors des processus électoraux, la France, ancienne puissance coloniale, voit aujourd’hui d’un mauvais œil le fait que tous les putschistes soient soutenus par la Russie et par quelques activistes «panafricains» plutôt proches du Kremlin.
La Russie profite de la volonté manifeste des nouvelles générations de dirigeants africains qui souhaitent s’émanciper de l’ancienne puissance coloniale, la France, qui a toujours souhaité garder les liens de dépendance vis-à-vis de ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest et centrale, pour garder une présence dans cette région.
Après la Centrafrique, le Mali et le Soudan, la Russie, via les mercenaires de la force Wagner, compte bien ancrer davantage sa présence dans cette région sahélo-saharienne.
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Outre le Burkina Faso où sa présence est de plus en plus manifeste, la Russie verrait d’un bon œil un rapprochement avec la nouvelle junte nigérienne. Et pour cause, en mettant les pieds au Niger, Moscou accroitra sa présence en Afrique de l’Ouest et centrale et surtout contrôlera un pays stratégique pour la France du fait de l’uranium dont ce pays dispose et qui alimente une partie importante des centrales nucléaires français qui fournissent plus de 70% de l’électricité consommée par l’hexagone.
Autant dire que le Niger est stratégique pour la France et on comprend la volonté de Paris d’aider au retour à l’ordre constitutionnel par tous les moyens et ce d’autant que les nouveaux maitres de Niamey ont clairement signifié leur volonté de mettre fin aux accords militaires avec Paris et donc exigé le départ des forces françaises.
Ainsi, suivant l’exemple des dirigeants maliens, la junte nigérienne aussi joue la carte populiste en faisant de l’antagonisme avec la France son cheval de bataille en demandant le départ des forces françaises du pays, comme ce fut le cas au Mali et en cours au Burkina Faso.
C’est cette donne géopolitique qui fait qu’on note une certaine solidarité entre putschistes au niveau de la région ouest-africaine. D’ailleurs, face aux velléités interventionnistes des dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger, le Mali et le Burkina Faso n’ont pas tardé à afficher leur solidarité avec la junte nigérienne allant jusqu’à menacer d’intervenir militairement au Niger et de quitter l’organisation sous-régionale.
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Enfin, ces coups d’Etat s’expliquent, parfois, par l’égo de leurs auteurs. Le coup d’Etat du Niger s’explique essentiellement par le différend entre l’ex-président Mohamed Bazoum et le chef de sa garde présidentielle, le général Abdourahamane Tchiani, qui devait être relevé de ses fonctions et aller à la retraite à la veille de son coup d’Etat.
En clair, les raisons qui mènent aux coups d’Etat sont nombreuses et variées. Le risque de contagion à d’autres pays de la sous-région n’est pas à écarter dans un contexte marqué par des discours anti-français. Les échecs des putschs en Guinée-Bissau et de destabilisation en Sierra Leone montrent clairement que l’ère de putsch est loin d’être finie dans cette région. C’est cette crainte qui a poussé les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à tenter d’imposer des sanctions plus lourdes au Niger et à envisager une intervention militaire pour ramener l’ordre institutionnel dans ce pays sahélien.
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Seulement, cette intervention militaire semble improbable. Non seulement, elle est complexe et difficile à mettre en place, mais aussi et surtout ses conséquences risquent d’être destabilisatrices pour toute la sous-région. En cas d’échec de la Cedeao, il faudra s’attendre à ce que d’autres régimes tombent comme des fruits murs dans les mois à venir. Et ce ne sont pas les sanctions politiques et économiques qui frappent surtout les populations les plus vulnérables qui vont changer la donne et ce d’autant que les dirigeants démocratiquement élus ont du mal à améliorer le quotidien des populations qui les ont portés au pouvoir.