Si toutes les grandes puissances s’intéressent au continent africain du fait de ses matières premières, ses ressources naturelles (terres, eaux, etc.), ses déficits structurels à résorber, notamment dans le domaine des infrastructures (routes, chemins de fer, ports, etc.), et la jeunesse de sa population qui constitue un marché exceptionnel, l’intérêt de l’Etat hébreu pour le continent est à chercher ailleurs.
Israël n’a pas la puissance économique des pays développés (Etats-Unis, France, Allemagne, Japon et Chine), ni des nouveaux pays émergents (Brésil, Russie, Turquie, etc.) et donc ne cherche prioritairement ni des débouchés pour ses entreprises et encore moins des matières premières pour sa croissance et son développement.
Il n’empêche que depuis deux ans, Israël a lancé une offensive diplomatique d’envergure sur le continent avec des visites officielles, des accueils de dirigeants et de délégations de haut niveau, des participations à des sommets régionaux et prochainement l’organisation d’un sommet Israël-Afrique, à l’instar de ceux organisés par une poignée de pays: France, Chine, Turquie, Japon et Inde, notamment.
Mais qu’est-ce qui fait courir Israël en Afrique? Si le volet économique ne peut être ignoré -certains géants israéliens des secteurs des télécoms et de la sécurité étant présents en Afrique- il n’est pas fondamental pour Israël. Trois autres facteurs expliquent l’offensive africaine de la diplomatie de Netanyahu.
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D’abord, la diplomatie pour gagner la guerre contre le vote négatif des Africains. Grâce à cette offensive diplomatique, Israël espère s’assurer le soutien des pays africains et peser au niveau des votes dans les institutions internationales (UNESCO, Nations unies, etc.). Des institutions où elle a du mal à s’imposer en grande partie à cause du nombre de voix des pays africains et qui votent globalement contre Israël. Ainsi, en visite au Kenya en 2016, Netanyahu avait souligné que «l’Afrique est un continent composé de 54 Etats. Un éventuel changement de ses orientations et du traitement qu’elle réserve à Israël constitue un changement stratégique pour la place internationale d’Israël».
Il faut dire que l’Afrique, du fait du nombre de ses Etats, représente un certain poids. Avec trois représentant au sein du Conseil de sécurité (Sénégal et Egypte pour 2016-2017) et Ethiopie (2017-2018) actuellement, l’Afrique pèse notamment sur la balance lors des votes du Conseil de sécurité. Ce poids est encore plus clair quand il s’agit d’institutions onusiennes comme l’UNESCO où le nombre de voix a plus d’importance du fait de l’absence de droit de veto des Etats-Unis. Or, les pays africains votent presque unanimement en défaveur d’Israël dans ces institutions.
Le deuxième facteur de cette offensive diplomatique a trait à la volonté d’Israël de réintégrer l’Union africaine en tant que pays observateur. Exclu en 2002, l’Etat hébreu souhaite vaille que vaille retrouver cette place et compte sur le réchauffement de ses relations avec les pays africains pour y parvenir.
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D’ailleurs, lors de sa dernière visite au Kenya en 2016, Netayahu avait déclaré:«ce statut revêt une importance très importante pour nous (…)». A ce niveau, grâce aux tournées du Premier ministre, les lignes commencent à bouger. En juillet 2016, au terme de sa tournée africaine, l’Etat hébreu a reçu le soutien de l’Ethiopie où siège l’Union africaine. «Israël travaille très dur dans plusieurs pays africains. Il n‘y a aucune raison de lui dénier le statut d’observateur», a ainsi déclaré Haile Mariam Dessalegn, Premier ministre d’Ethiopie, qui ajoute, «nous voulons l’engagement d’Israël dans notre système africain. Nous prenons la position de principe d’engager Israël dans notre union».
Et presque tous les pays d’Afrique de l’Est sont aujourd’hui d’accord pour accorder à Israël ce statut d’observateur.
En Afrique de l’Ouest aussi, le Premier ministre israélien a beaucoup insisté sur ce point lors du sommet de la CEDEAO du 4 juin à Monrovia avec un certain succès. Du côté du Sénégal, on soutient que «dans l’esprit de la Déclaration conjointe CEDEAO-Israël issue du sommet de Monrovia, le Sénégal a pris bonne note de l’intention de l’Etat d’Israël de bénéficier du statut d’observateur auprès de l’Union africaine». En langage diplomatique, cela signifie que Dakar ne s’opposera pas à l’obtention de ce statut par Israël. En tant qu’observateur, Israël fera mieux entendre sa voix au sein de l’institution panafricaine à côté de l’Autorité palestinienne, de Cuba, etc.
Le troisième facteur est un enjeu personnel pour le Premier ministre israélien. Après un début de règne ensanglanté et des reculs enregistrés au niveau du processus de paix enclenché avec les Palestiniens à Oslo, Benjamin Netanyahou est accusé, à juste raison, d’avoir contribué à l’isolement diplomatique d’Israël. Ainsi, en établissant des relations diplomatiques avec les Etats africains, Netanyahu revient à la doctrine de Golda Meir, ministre des Affaires étrangères qui s’était résolument tournée vers l’Afrique avant que le conflit avec l’Egypte ne vienne anéantir ses ambitions africaines.
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Aujourd’hui, grâce à cette nouvelle politique africaine, Israël a tissé un réseau diplomatique exceptionnel. A titre d’illustration, en Afrique, hormis le Tchad, le Niger et le Mali, trois pays frontaliers avec l’Afrique du Nord, les autres pays d’Afrique subsaharienne ont noué des relations diplomatiques avec Israël. Et le Mali, en marge de la dernière réunion de la CEDEAO dont Netanyahu était l’invité spécial, et suite à un entretien entre le président malien Ibrahima Boubacar Keita et le Premier ministre israélien, a décidé de revoir sa politique.
Ainsi, Netanyahu, avec le slogan «Israël revient en Afrique, l’Afrique revient en Israël», lancé en février 2016, a-t-il marqué une rupture à la politique africaine d’Israël depuis la guerre des Six jours en 1967. Il peut ainsi se targuer d’avoir contourné l’isolement diplomatique de son pays en Afrique.
En 2016, il s’est rendu dans 4 pays d’Afrique de l’Est –Ouganda, Rwanda, Kenya et Ethiopie-, une première depuis plusieurs décennies, et a co-organisé un mini sommet régional avec les dirigeants est-africains sur la sécurité.
En décembre 2016, Israël a accueilli 7 ministres et de nombreux hauts responsables venus d’une douzaine de pays d’Afrique de l’Ouest lors d’une conférence consacrée à l’agriculture, organisée par la CEDEAO et Mashav, Agence nationale israélienne pour la coopération et le développement international.
En juillet dernier, le président du Conseil de la CEDEAO, Marcel Alain de Souza s’était rendu en Israël, devenant le premier président du conseil de la communauté à s’y rendre, a évoqué avec le Premier ministre et le président israélien les questions de la coopération économique et de la sécurité régionale. Le 4 juin dernier, Netanyahu a été l’invité spécial des 15 pays de la CEDEAO à Monrovia, au Libéria.
Ainsi, après avoir conquis l’Est et l’Ouest (CEDEAO) africains, Netanyahu va certainement s’attaquer à l’Afrique centrale. Un terrain déjà déminé quand on sait que l’Etat hébreu entretient des relations diplomatiques avec certains de ces pays et que la sécurité de deux dirigeants africains de la région, dont la puissance régionale, le Cameroun, est en partie assurée par Israël.
Le couronnement de cette politique africaine doit avoir lieu en octobre 2017 lors de l’organisation du premier sommet Israël-Afrique à Lomé, au Togo. Outre le Premier ministre israélien, 25 leaders de pays africains sont attendus lors de cette manifestation qui sera axée sur la coopération dans les secteurs des hautes technologies, de la sécurité et du développement.
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Enfin, le quatrième facteur est économique, sur la base d'un partenariat gagnant-gagnant. Israël est aussi en quête de nouveaux marchés pour son agriculture, sa haute technologie et son savoir-faire en termes de sécurité. Autant de domaines qui font encore défaut au niveau du continent. En matière l’agriculture, le goutte-à-goutte et l’énergie solaire sont des domaines dans lesquels Israël est très en avance et qui intéressent là encore l'Afrique. D’ailleurs, lors du sommet de la CEDEAO, Netanyahu a annoncé un fonds d’investissement de 1 milliard de dollars dédié aux énergies renouvelables en Afrique.
Reste que malgré les succès diplomatiques importants, Israël a encore du mal à concevoir l’attitude de certains pays africains à l’égard d’Israël du fait que presque tous les pays d’Afrique subsaharienne qui ont des relations diplomatiques avec Israël continuent à voter contre l’Etat hébreu au niveau des institutions internationales. Raison pour laquelle Israël avait gelé ses relations diplomatiques avec le Sénégal du fait que celui-ci avait coprésenté la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies qui vise les implantations israéliennes en Cisjordanie. Benjamin Netanyahu mécontent de cette initiative sénégalaise avait rappelé son ambassadeur en poste à Dakar. Il a fallu une rencontre avec le président Macky Sall en marge du 51e sommet de la CEDEAO pour que les deux pays renouent leurs relations diplomatiques.
C’est dire que le vote favorable au profit d’Israël contre la Palestine n’est pas gagné d’avance. Et pour cause, du point de vue des pays africains, le problème fondamental est lié à l’occupation des territoires palestiniens. Les pays africains, ayant fait face à la colonisation, ont du mal à accepter cet état de fait et continuent globalement à soutenir le peuple palestinien, même ceux qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël.
En outre, si les dirigeants africains ont renoué avec Israël, dans beaucoup de pays, l’opinion publique est loin d’y être favorable.