Macky Sall va se rendre très prochainement en Russie et en Ukraine. C’est le président en exercice de l’Union africaine qui a fait lui-même l’annonce lors de l’ouverture de la 54e Conférence des ministres africains de l’Economie et des finances (CoM2022), lundi dernier au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio.
Ayant reçu le mandat de l'organisation panafricaine, Sall aura deux missions fondamentales. D’abord, une mission de bon office consistant à réitérer l’appel «pressant» de l’Afrique à la «désescalade» dans la crise entre la Russie et l’Ukraine. «Nous appelons à un cessez-le-feu unilatéral, à une solution négociée du conflit pour éviter le pire», a souligné le président sénégalais.
Lire aussi : Crise en Ukraine: fortes hausses du prix de la baguette de pain dans de nombreuses capitales africaines
D'autre part, il s'agira de plaider la cause de l’Afrique auprès des deux protagonistes, notamment la Russie, afin de ne pas entraver les exportations de produits agricoles vers notre continent. «Nous avons reçu mandat de l’Afrique pour demander au président Poutine de créer les conditions pour permettre à l’Ukraine d’exporter ses céréales et fertilisants dont nous avons besoin, mais également qu’on puisse lever certaines sanctions à l’encontre de la Russie pour qu’elle puisse commercer pour nous approvisionner en fertilisants», a souligné Sall, expliquant que l'Afrique est au «milieu d’un conflit dans lequel elle ne peut rien faire». A titre d'exemple, le Sénégal importe 65% de son blé de ces deux pays.
Reste à savoir quelle suite sera donnée à ce mandat. Dans ce conflit, l’Afrique essaye de jouer à l’équilibriste. Le continent est divisé quant à la conduite à adopter vis-à-vis des deux protagonistes, et ce, malgré les pressions des pays occidentaux. Ainsi, lorsque l’Assemblé générale de l’ONU votait le 2 mars dernier une résolution intitulée «Agression contre l’Ukraine», 12 pays africains ont décidé de ne pas prendre part au vote et 17 autres se sont abstenus.
Lire aussi : Crise en Ukraine, sécheresse et inflation: un cocktail explosif pour une crise alimentaire inévitable en Afrique
Parmi ces pays figure le Sénégal, dont la position de neutralité a été largement commentée. Une neutralité qui s'explique, selon certains, par le fait que le président sénégalais assure la présidence de l’UA et opte ainsi pour une position modérée en conformité avec les choix de l’organisation panafricaine. Toutefois, le Sénégal s’était déjà abstenu lors du vote concernant l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Ce qui pourrait compliquer les discussions avec l’Ukraine, même si la position de l’UA a été clarifiée dans une déclaration co-signée par Macky Sall et Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, réclamant le «respect de l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de l’Ukraine», ainsi que «l’instauration d’un cessez-le-feu et l’ouverture sans délai de négociations politiques sous l’égide des Nations Unies». De même, le Sénégal a voté le 4 mars dernier en faveur d’une résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour la création d’une commission d'enquête internationale indépendante suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Lire aussi : Carburant, pain et huile: comment la crise en Ukraine va appauvrir encore plus les ménages africains
Cette position équilibriste pourrait permettre d’obtenir des deux protagonistes quelques arrangements pour faciliter l’approvisionnement relativement correct du continent en céréales (blé et maïs), oléagineux, engrais, etc., et contribuer à atténuer la forte inflation que subit le continent africain depuis le début du conflit Russie-Ukraine. Quant à la médiation, elle ne semble plus être à l’ordre du jour chez les protagonistes...