Sous les ponts d’Abidjan, se cache une réalité souvent ignorée par les passants pressés, celle des délogés. Ces hommes, femmes et enfants qui ont été chassés de leurs lieux de vie par les opérations de déguerpissement menées par les autorités, se retrouvent aujourd’hui sous les ponts de la métropole ivoirienne, livrés à eux-mêmes dans des conditions précaires et indignes.
Depuis plusieurs mois, les autorités du district autonome d’Abidjan mènent des opérations de déguerpissement dans le cadre de la lutte contre l’insalubrité et l’occupation anarchique des espaces publics, mais surtout de donner une fière allure à la capitale entant que ville-vitrine du pays. Ces opérations, bien que nécessaires pour assainir le paysage, laissent souvent derrière elles des familles entières sans abri, contraintes de trouver refuge sous les ponts, à la merci des intempéries et de l’insécurité.
Les déguerpis
des quartiers Gesco, Banco ou encore Boribana...d'Abidjan.. le360 Afrique/Djidja
«Nous vivons ici sous ce pont depuis que nous avons été débarqués de nos logements. Nous vivons de la charité de personnes de bonnes volonté qui viennent de temps à autres nous donner des aumônes et qui nous font des dons. Nous sommes obligés de subir les intempéries quand il pleut…», décrie O. Amidou, un squatteur du pont.
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Si certains ont pu se trouver une issue, d’autres par contre n’ayant nulle où aller et par faute de moyens financiers, ont élu domicile sous l’un des ponts de la capitale abidjanaise. Ils y passent leurs nuits, à la belle étoile entre ustensiles de cuisine, meubles de fortune, matelas ou vêtements, tous assemblés à même le sol et comme le dit l’adage, «situation oblige», ils vivent d’aumônes de personnes bonnes volontés.
«Les autorités ont promis nous dédommager à hauteur de 250.000 francs, mais jusque là nous n’avons rien perçu. Nos reçus sont dans nos poches partout où nous passons dans l’espoir qu’on nous fasse appel pour récupérer cet argent et louer une petite maison quelque part et nous mettre à l’abri», témoigne Traoré Mariam, également squatteur du lieu.
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La vie quotidienne est un défi constant pour les déguerpis. Les abris de fortune, constitués de morceaux de tissu, de cartons et de plastiques, offrent peu de protection contre la chaleur écrasante du jour et les pluies torrentielles de la nuit. Les conditions d’hygiène sont déplorables, avec un accès limité à l’eau potable et aux installations sanitaires. Dans ces conditions exécrables sous ce pont, une dame y a donné naissance à des jumeaux le jour de la commémoration de la fête de fin du ramadan, l’un d’entre eux est sévèrement atteint d’une tumeur nécessitant une opération chirurgicale s’élevant à 300.000 fcfa, soit un peu plus de 458 euros.
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Face à cette situation alarmante, ces derniers ne peuvent que faire appel aux autorité compétentes pour leur venir en aide. «Plus les gens sont dans la rue, plus l’insécurité augmente», déplore Coulibaly Kassoum, jeune habitant sous le pont.
Lancée à la veille de la CAN 2023, cette opération de déguerpissement qui se poursuit dans plusieurs communes d’Abidjan, vise selon le ministre gouverneur, à donner à la ville son allure de capitale.
Démolition et déguerpissement à Abidjan.. le360 Afrique/Djidja
Ces démolitions menées aux bulldozers ont justement fait de la victoire de la Côte d’Ivoire un lointain souvenir. Après le sacré, le gouvernement a offert à chaque joueur une villa et 50 millions de francs CFA (76 000 euros). Une générosité qui a fait dire à un internaute «On a un pays qui donne des maisons aux footballeurs et qui casse celles des supporters.»