Gabon: les étrangers victimes de xénophobie?

Libreville, Gabon

Le 06/11/2023 à 08h05

L’arrivée des militaires au pouvoir marquée par l’annonce du Comité pour la transition et la restauration des institutions de favoriser la nationalisation de certains secteurs économiques, dont celui du commerce, avait débouché, en septembre dernier, sur quelques heurts entre commerçants nationaux et expatriés.

«Non le Gabonais n’est pas xénophobe» ! se défend, Fortuné Edou. Pour l’activiste bien connu des internautes, la campagne supposée de haine du Gabonais contre l’étranger serait plutôt l’expression d’un éveil citoyen pour la défense de la souveraineté du pays. Un message aux accents de rhétorique patriotique qui selon les observateurs tranche avec la montée des dérives verbales de citoyens anonymes sur les réseaux sociaux. Avant la présidentielle du 30 Août dernier, toutes ou presque leurs sorties ciblaient l’étranger «prévaricateur» des richesses du pays et qui bénéficiait du soutien des hauts cadres de l’administration publique et privée.

Résident du quartier Akébé Poteau dans le 3ème arrondissement de Libreville, lieu de notre rencontre, Fortuné, soutient que ce secteur de la ville est l’un des plus cosmopolites de la capitale gabonaise. On y trouve, Maliens, Sénégalais, Béninois et Camerounais. Ils vivraient tous en parfaite harmonie avec les Gabonais. À la seule condition de «respecter le Gabonais et les lois du pays» tient-il à préciser.

Trois à quatre kilomètres séparent le quartier Akébé-poteau du grand marché de Libreville, le marché Mont-Bouët. C’est le grand pôle d’attraction et d’échanges commerciaux au quotidien, avec environ 10.000 commerçants majoritairement issus de l’Afrique de l’Ouest.

Ce marché est fréquemment le théâtre de querelles pour les meilleures places entre opérateurs gabonais et ceux dits étrangers. Des faits souvent anodins mais qui ont souvent donné lieu à des échauffourées, heureusement sans drames humains.

Arrivé au Gabon en 2016, Moor, couturier d’origine sénégalaise, regrette ces rapports parfois tendus avec les autochtones. «Tous les droits que le Gabon nous impose, on les respecte. Nous ne sommes pas ennemis des Gabonais.» dit-il.

L’arrivée des militaires au pouvoir marquée par l’annonce du Comité pour la transition et la restauration des institutions de favoriser la nationalisation de certains secteurs d’activités dont celui du commerce avait débouché en septembre dernier sur quelques heurts entre commerçants nationaux et expatriés.

Une bataille de clans sur le site de Mont-Bouët très vite récupérée et amplifiée par d’influenceurs africains. Ils présentaient les gabonais de xénophobes «Nous entendons cette rumeur selon laquelle les gabonais se plaignent qu’on ravit leurs places. Mais les plaignants oublient que dans le commerce, on ne peut prendre la place de quelqu’un.» affirme Hamidou saré, commerçant d’origine malienne.

Pour Martial, autre commerçant d’origine camerounaise, la xénophobie dont on taxe le Gabonais est le fait d’un petit groupe à ne pas confondre avec la masse des Gabonais à l’hospitalité légendaire. «Je suis Camerounais. Je vis avec les Gabonais à la maison et au marché sans problème. Tout ce qui se dit fait partie des réalités africaines et ce n’est pas forcément vrai» martèle, le vendeur de friperie à Mont-Bouët. Un avis qui rejoint celui des autorités gabonaises déterminées malgré tout à faire échec à tout projet un îlot coupé du reste du monde.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 06/11/2023 à 08h05