Sénégal. 2000 enseignants à recruter: «Insignifiant ! », l’offre recalée du gouvernement

Recrutement d'enseignants, un défi de taille pour l'éducation.

Le 01/02/2025 à 13h40

VidéoPour combler le déficit estimé à 4.527 enseignants, le ministère de l’Éducation nationale a lancé, fin janvier, un appel à candidatures pour en recruter 2.000. Un gap qui soulève bien d’interrogations dans un pays où il n’est pas rare qu’un seul maître d’école jongle entre plusieurs niveaux.

Le constat est de Serigne Souhaibou Badiane, directeur des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale: le pays manque cruellement d’enseignants. Sauf que l’offre de recrutement est inférieur aux besoins réels.

Une décision qui, sur le principe, est bien accueillie par les parents d’élèves et les enseignants, mais qui suscite également des interrogations sur son efficacité réelle face aux besoins du pays. Alioune Diallo, parent d’élève, salue l’initiative mais la juge largement insuffisante. «Le nombre d’enseignants recrutés reste insignifiant. Beaucoup de classes sont prises en charge par un seul maître qui doit jongler entre plusieurs niveaux. Il y a aussi des jeunes diplômés qui aspirent à enseigner mais qui n’en ont pas l’opportunité de la faire», regrette-t-il.

Pour Thierno Diop, professeur de français à la retraite, ce chiffre limité est avant tout lié aux capacités financières de l’État. «Il ne faut pas oublier que le recrutement d’enseignants représente un coût énorme en salaires, formation et suivi. L’État ne peut pas aller au-delà de ses moyens, et sa marge de manœuvre est assez réduite», explique-t-il.

L’annonce du recrutement a entraîné une affluence massive de candidatures, signe d’un engouement certain pour la profession: au 30 janvier, la plateforme Mirador a enregistré 147.845 candidats.

Mais selon Thierno Diop, cela traduit avant tout la difficulté des jeunes à trouver un emploi stable. «Le manque d’opportunités dans d’autres secteurs pousse de nombreux jeunes à se tourner vers l’enseignement, non pas par vocation, mais par nécessité», analyse-t-il.

Le ministère de tutelle précise que pourront postuler à ces postes les Sénégalais détenteurs des diplômes requis pour enseigner dans les écoles élémentaires, collèges ou lycées et d’avoir une forte motivation à contribuer au développement du système éducatif national.

Alioune Diallo, quant à lui, appelle à une sélection rigoureuse des candidats et à un renforcement de leur formation. «Il ne suffit pas d’embaucher pour combler un déficit. Certains postulent uniquement parce qu’ils ont échoué ailleurs. Il faut un tri sélectif et s’assurer que les recrutés ont la fibre pédagogique et la volonté d’exercer ce métier avec sérieux», insiste-t-il.

Si le recrutement de 2000 enseignants est une avancée, il ne résout pas en profondeur la crise du secteur éducatif sénégalais. L’enjeu reste la mise en place d’une politique plus ambitieuse, alliant augmentation des effectifs, amélioration des conditions de travail et formation de qualité pour garantir un enseignement performant.

Par Mamadou Awa Ndiaye (Dakar, correspondance)
Le 01/02/2025 à 13h40