Tunisie: les nouvelles pilules amères prescrites par le FMI

Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), et Beji Caï Essebsi, président de la Tunisie.

Le 16/04/2018 à 14h05, mis à jour le 16/04/2018 à 14h59

Les experts du Fonds monétaire international (FMI) qui ont séjourné du 4 au 11 avril courant en Tunisie viennent d’émettre une série de recommandations. La cure proposée est douloureuse pour les Tunisiens. Toutefois, le gouvernement tunisien ne semble guère avoir le choix.

Face à la crise et au déficit budgétaire que connaît la Tunisie, le Fonds monétaire international (FMI) revient à la charge avec une série de mesures draconiennes et douloureuses qu’il juge nécessaire pour relancer l’activité économique. Le gouvernement tunisien qui se retrouve entre le marteau des donateurs et des créanciers étrangers, dont le FMI, et l’enclume des citoyens et notamment des syndicats, semble ne pas véritablement disposer d'une grande marge de manœuvre.

En effet, l’équipe du FMI qui a séjourné du 4 au 11 avril 2018, dans le cadre du programme de réformes économiques de la Tunisie soutenu par le mécanisme élargi de crédit du Fonds, a émis une série de recommandations qui ne seront pas faciles à appliquer et qui sont loin de faire l’unanimité.

D’abord, face au niveau du déficit budgétaire, les experts du FMI jugent qu’il est nécessaire de réduire les subventions énergétiques en augmentant les prix domestiques de l’énergie et en les indexant sur les cours mondiaux du pétrole. Juste après ces recommandations, les autorités tunisiennes ont procédé à une augmentation des prix des carburants, pour la seconde fois en l’espace de 3 mois, pour faire face à la hausse des cours sur le marché mondial, et atténué le coût de la subvention. 

En effet, à cause de la forte hausse du cours du baril de pétrole sur le marché mondial qui est passé de 50 dollars en octobre 2017 à 71 dollars ce lundi 16 avril 2018, soit une progression de 42%, la facture de la subvention risque de passer de 1,5 milliard de dinars à 3 milliards de dinars au titre de l’exercice budgétaire 2018.

Parallèlement, les experts du FMI mettent en garde contre toute augmentation des salaires à cause de la taille des effectifs pléthoriques de la fonction publique.

En outre, et afin d’éviter l’aggravation des déficits du système de sécurité sociale, le FMI recommande aussi «le relèvement de l’âge de la retraite et des réformes paramétriques supplémentaires». A ce titre, le gouvernement tunisien semble là encore avaler la pilule. Un projet de loi pour le relèvement de l’âge du départ à la retraite de 60 à 62 ans sera soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Seulement, sur ce point, le débat est loin d’être gagné d’avance. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ne souhaite pas donner son aval sur la question.

Enfin, l’équipe du FMI juge qu’en ce qui concerne la situation extérieure du pays, un taux de change plus flexible aidera à reconstituer les réserves en devises du pays et d’encourager les exportations. En clair, malgré la forte dépréciation du dinar, le FMI juge que le dinar tunisien est toujours surévalué et qu’il faut corriger cette situation, autrement dit laisser le dinar tunisien se déprécier davantage ou procéder à une dévaluation de la monnaie.

Seulement, ce point ne fait pas non plus l’unanimité. En effet, la forte dépréciation du dinar au cours de ces dernières années n’a pas vraiment amélioré la compétitivité de l’économie tunisienne et encore moins réduit le déficit commercial. Au contraire, ce dernier ne cesse de se creuser alors que la dette extérieure du pays explose. En plus, cette nouvelle dépréciation souhaitée du dinar induira automatiquement une inflation (le taux d'inflation tourne autour de 7% actuellement) qui amoindrira encore plus le pouvoir d’achat de la population minée par un taux de chômage élevé.

Par Moussa Diop
Le 16/04/2018 à 14h05, mis à jour le 16/04/2018 à 14h59