La fonction publique tunisienne emploie plus de 650 000 personnes, soit 5% de la population du pays. Un ratio énorme pour un petit pays de 12 millions d’habitants. A titre de comparaison, le Maroc et ses 36 millions d’habitants, soit trois fois la population de la Tunisie, compte seulement 568 149 fonctionnaires!
Conséquence, une masse salariale qui n'a cessé de croître, notamment face à la crise sanitaire du Covid-19 qui a vu de nouveaux recrutements nécessaires au niveau du secteur de la santé. Selon un communiqué du Fonds monétaire international (FMI), dont les experts viennent d’achever les consultations de 2021, elle s’est établie à 17,6% du Produit intérieur brut (PIB) du pays, soit l’une des plus élevées du monde, contre 10,6% en 2011. Elle pèse 77,5% des dépenses de fonctionnement de l’Etat.
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Un état de fait qui contribue très fortement au déficit budgétaire (11,5% du PIB en 2020, une première depuis 40 ans) et qui réduit conséquemment les marges de manœuvre du gouvernement en matière d’investissement public dont le pays a pourtant grandement besoin pour relancer une économie exsangue depuis une décennie.
Mais comment la Tunisie en est-elle arrivée à ce niveau? A l’origine de cette situation, les recrutements mal étudiés au lendemain de la révolution. Les entreprises publiques et les administrations ont été obligées de recruter des chômeurs afin d’atténuer les tensions sociales post-révolution. Le nombre de fonctionnaires a alors augmenté de 19,5% entre 2011 et 2012. Ainsi, selon l’Institut national de la statistique (INS), le nombre de fonctionnaires est passé de 435 487 en 2010 à 642 918 en 2017, soit une augmentation de 47%.
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Ces recrutements sont à l’origine des effectifs pléthoriques dans les administrations, comme dans les entreprises publiques. Le cas de Tunisair, obligée de recruter 1.000 personnes juste pour contribuer à la réduction du nombre de personnes sans emplois alors qu’elle était déjà en sureffectif, illustre les effets de cette politique.
La masse salariale est considérée comme un fardeau pour ces entreprises dont certaines sont déficitaires.
Face à cette situation, les autorités ont été sommées de dégraisser le mammouth qu’est devenue la fonction publique tunisienne. Toutefois, les nombreux gouvernements, qui se sont succédé, n’ont pas réussi à enclencher le processus. Le pays restant en crise économique depuis une décennie et le secteur privé n’offrant pas de véritable alternative en matière de création d’emplois. Réduire les effectifs est une mesure impopulaire qu’aucun gouvernement ne souhaite prendre. Et les partis politiques ne la soutiendraient pas par crainte de perdre des sympathisants.
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Même le FMI avait été compréhensif face aux gouvernements successifs, la question étant sensible. Avec un taux de chômage qui dépasse les 17% actuellement, une telle mesure pourrait aggraver la situation et rendre les tensions sociales plus explosives.
Seulement, cette fois-ci, après plusieurs reports, le FMI compte vraiment faire avaler à la Tunisie la pilule de réduction de la masse salariale, en contrepartie de nouveaux financements sans lesquels le gouvernement aura du mal à boucler son budget.
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Outre la réduction des effectifs via des départs volontaires, l’institution prône les privatisations d’entreprises publiques en crise. Une solution qui pourrait contribuer au développement du secteur privé et réduire les effectifs pléthoriques de la fonction publique tout en contribuant à l’amélioration de la situation des entreprises et donc de l’économie du pays.
Dans tous les cas, avec des syndicats qui ne souhaitent pas perdre leurs avantages, il faudra s’attendre à des tensions sociales au moment de la mise en exécution des directives du FMI.