Face à l’inflation galopante, la Banque centrale de Tunisie (BCT) est déterminée à trouver une solution. Lors de sa réunion tenue le 17 mai 2022, elle a décidé de relever son taux directeur de 75 points de base d’un coup. Celui-ci s’établit désormais à 7%.
La BCT, qui n’a plus touché à son taux directeur depuis janvier 2021, rejoint ainsi de nombreuses banques centrales qui ont opté pour le resserrement de leurs politiques monétaires afin de faire face à la pression inflationniste. Un signe que l’inflation galopante s’inscrit sur un trend dangereux qu’il faut ralentir, si l'on ne veut pas revivre les effets de la hausse des prix de 2017 et 2018. Il faut à tout prix éviter l’inflation à deux chiffres qui menace le pays.
L’une des conséquences de cette hausse est le relèvement des taux des facilités de dépôt et de prêt marginal à 6% et à 8% respectivement. Et parallèlement, la BCT a aussi relevé le taux minimum de rémunération de l’épargne de 100 points de base à 6% pour encourager l’épargne au détriment de la consommation.
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Derrière cette décision, les autorités monétaires souhaitent atténuer l’inflation galopante en poussant davantage la population à l’épargne. Selon la note de la BCT, l’inflation s’est accélérée au cours de ces derniers mois, atteignant 7,5% en avril 2022 en glissement annuel, après 7,2% en mars, soit le plus haut taux d'inflation enregistré en Tunisie depuis 1991 (8,19%). La hausse des prix a ainsi atteint son plus haut niveau depuis fin 2018. Une situation qui s’explique par l’accélération des hausses des prix des produits manufacturés de 9,3% et des produits alimentaires de 8,7% en glissement annuel. La hausse des prix des produits alimentaires a été atténuée par les subventions touchant certains produits de première nécessité.
Cette pression inflationniste devrait se maintenir à un niveau élevé en 2022 et en 2023, selon les projections de la BCT du fait des effets combinées de l’inflation importée et des répercussions des ajustements attendus des prix administrés dans le cadre des réformes du système des subventions. Concernant ce dernier point, il faut souligner que depuis le début de l’année, les prix des carburants ont été réajustés à la hausse à deux reprises. Du coup, l’institution monétaire affiche sa préoccupation et souligne l’importance des politiques économiques pour éviter une dérive inflationniste qui réduirait encore plus le pouvoir d’achat des citoyens en diminuant les salaires en termes réels, de même qu'elle nuirait à la reprise de l’activité économique et accentuerait le déséquilibre extérieur.
Concernant ce dernier point, outre le creusement du déficit courant (-2,7% du PIB) au cours des 4 premiers mois de l’année, en raison de la détérioration du déficit commercial consécutive à la flambée des cours des produits importés (hydrocarbures, céréales, oléagineux, etc.), les réserves en devises du pays se sont établies à 23,65 milliards de dinars tunisiens, n’assurant désormais que 124 jours.
Notons que l'inflation tunisienne est globalement importée. Elle est surtout le résultat de l’envolée quasi généralisée des prix internationaux des produits de base dans le sillage de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui a entrainé des perturbations au niveau des chaines d’approvisionnement mondiales avec comme conséquences la flambée des cours des hydrocarbures, la hausse des coûts du fret maritime et l’envolée des prix des produits agricoles, notamment les céréales (blé, maïs…) et les oléagineux.
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Reste que si l’épargne est encouragée, le niveau élevé du taux directeur suite à son relèvement à 7% peut avoir un impact négatif sur la croissance économique en décourageant l’investissement à cause du renchérissement du coût du loyer qu’il entraine. Les taux directeurs correspondant aux taux auxquels la banque centrale prête des liquidités à court terme aux institutions financières. Leur relèvement se traduit mécaniquement par une hausse des taux des banques centrales. Une situation qui pourrait fortement perturber la reprise économique et donc la croissance. Après tout, celle-ci était déjà très molle en Tunisie et les autorités ont certainement préféré préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Au terme du premier trimestre 2022, le PIB a enregistré une hausse de 2,4% en glissement annuel, grâce notamment au secteur industriel, qui a fortement contribué à la reprise du volume des exportations.
Face à cette situation, la BCT appelle à l’accélération des réformes structurelles indispensables pour remettre l’économie nationale sur les rails d’une croissance durable. Seulement, la mise en place de ces réformes est retardée par l’absence d’un accord entre les autorités tunisiennes et le Fonds monétaire international (FMI). Mais l'institution financières exige des réformes structurelles en contrepartie du déblocage d’un important prêt estimé à 4 milliards de dollars, indispensable pour soulager les finances tunisiennes, mises à rude épreuve par une crise structurelle aggravée au cours de ces dernières années par l’insécurité (attaques terroristes), l’instabilité politique (changements fréquents de gouvernements), la crise sanitaire du Covid-19 et les effets de la guerre Russie-Ukraine.