C'est à peine croyable, mais la scène se passe bel et bien à Tunis. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on voit des dizaines de personnes se bagarrer autour d'un bac rempli de sachets de sucre en vrac conditionné de manière sommaire. On a du mal à réaliser que ces habitants de la capitale de ce pays qui avait des prétentions légitimes d'émergence se battent pour cette denrée de première nécessité.
Souhail Khmira, le correspondant de BBC Africa à Tunis, s'indigne dans un tweet: «Une scène dans un supermarché à Tunis montrant des personnes se battant pour du sucre. C'est horrible de regarder une pareille scène». Et de clore son post avec le hashtag #LaTunisieMériteMieux (#TunisiaDeservesBetter).
Lire aussi : Tunisie: pénurie de sucre, plusieurs industries à l’arrêt
Visiblement, Khmira n'est pas le seul à avoir été choqué par cette scène et par la pauvreté rampante en Tunisie depuis l'avènement du président Kaïs Saïed. Dans la nuit de dimanche à lundi, selon plusieurs sources corroborées par des vidéos, des centaines de manifestants sont sortis dans les rues pour dénoncer les conditions de vie de plus en plus difficiles. Ils protestaient contre la pauvreté et l'inflation galopante, mais aussi et surtout les pénuries de denrées de première nécessité.
L'agence Reuters rapporte, de son côté, que dans le quartier défavorisé de Douar Hicher, certains manifestants brandissaient des miches de pain et d’autres brûlaient des pneus. Des slogans comme «Emplois, liberté et dignité nationale», «Nous ne supportons plus les folles hausses des prix» et «Où est le sucre?» retentissaient dans les rues.
Toujours selon la même source, dans la banlieue de Mornag, au sud-est de Tunis, certaines routes ont été bloquées par des manifestants. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants et certains contestataires ont scandé des slogans hostiles à la police et jeté des pierres.
Lire aussi : Tunisie: une masse salariale colossale qui handicape tout développement économique
La Tunisie est en proie à une sévère crise économique avec un déficit budgétaire abyssal et un taux d'inflation de plus de 9%. De plus, l'insuffisance des réserves de change fait que le pays n'a plus les moyens d'importer en quantité suffisante les denrées de première nécessité, d'où de graves pénuries. Et quand les produits importés sont disponibles, ils sont hors de portée de la bourse du Tunisien moyen, d'où la colère sourde qui risque de faire basculer le pays dans une nouvelle révolution du jasmin.
En outre, sur le plan politique, beaucoup dénoncent la dictature rampante dont le président Kaïs Saïed est l'instigateur. Actuellement, il a réussi à concentrer l'ensemble des pouvoirs entre ses mains, notamment avec le gel des travaux du Parlement, la gouvernance par décret et la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature qu'il a qualifié de partial.
Du coup, c'est lui le président, c'est encore lui le Parlement et c'est également lui la justice. Un véritable coup d'Etat, selon les partis politiques, qui réclament en vain le retour à l'ordre constitutionnel.