Tunisie: quand le confinement général, au prétexte du Covid-19, cache une autre réalité

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Le 14/01/2021 à 13h09, mis à jour le 15/01/2021 à 16h35

La Tunisie a entamé ce jeudi 14 janvier un confinement général de 4 jours, pour faire face à une explosion de cas de Covid-19. Toutefois, cette décision est loin de faire l’unanimité, et certains voient dans ce timing une décision purement politique visant un autre objectif inavoué. Explications.

Conformément aux recommandations du Conseil de lutte contre le Covid-19, le gouvernement tunisien a pris la décision d’un confinement général sur tout le territoire de 4 jours, depuis le 14 janvier, jusqu'au dimanche 17 janvier 2021, afin de freiner la propagation rapide de l’épidémie au cours de ces dernières semaines en Tunisie. Au cours de ces quatre jours, un couvre-feu sera observé de 16 heures, au lendemain matin, à 6 heures.

Pour le ministre de la Santé, la propagation du virus est due au non-respect du protocole sanitaire par la population. L'annonce de ce confinement général intervient deux jours après une journée record de contaminations: 1.632 nouvelles contaminations enregistrées le 12 janvier, et 72 décès au cours de ce jour-là. 

Et de fait, depuis l’apparition de la pandémie du Covid-19 dans le pays, les autorités sanitaires ont comptabilisé un cumul de 168.568 personnes contaminées, pour 5.415 décès des suites du Covid-19.

Le pays compte aussi 1.805 malades du Covid-19 hospitalisés, dont 364 se trouvent en soins intensifs.

Si la hausse inquiétante des contagions et le débordement des structures sanitaires, qui ont du mal à faire face à la pandémie, justifie la mise en place d’un confinement général, la durée de celui-ci (4 jours de confinement général) laisse perplexe. Il est en effet impossible de freiner la propagation d’un virus en un laps temps aussi court.

Et pour les observateurs, le timing choisi pour le confinement général de la population tunisienne n’est pas fortuit, et s’explique plus pour des raisons politiques que réellement d'ordre sanitaire.

En effet, ce premier jour du confinement général coïncide avec la date d’anniversaire de la chute, en 2011, de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, décédé en 2020. Cette commémoration ce qui a été ensuite appelé la "Révolution du Jasmin" était autant attendue que redoutée par les nouvelles autorités tunisiennes.

Devant l'échec de cette révolution à redonner de l’espoir aux Tunisiens, les autorités, qui sont de plus en plus impopulaires, comme d’ailleurs ceux qui les ont précédées depuis la chute de l’ancien régime, craignent que les cérémonies de commémoration de ce 10e anniversaire de la chute de Ben Ali ne se transforment en revendications populaires incontrôlables, tant le malaise est profond dans la société tunisienne.

C'est donc au prétexte du Covid-19, devenue la hantise de la population depuis l’explosion des cas de contagion, que les autorités ont préféré édicter un confinement total, afin de ne pas courir le risque de manifestations populaires de la part de citoyens déçus et mécontents. Comment, en effet, peut-on confiner totalement une population durant seulement 4 jours, et espérer ainsi venir à bout de la chaîne de contagion: le raisonnement ne tient pas la route, médicalement. 

D’ailleurs, des spécialistes qui luttent contre la pandémie en Tunisie ont qualifié cette décision gouvernementale de "ridicule". Alors que le situation en Tunisie est jugée "proccupante" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et que les hôpitaux en charge des malades du Covid-19 sont débordés, avec un déficit en lits de réanimation, ce n'est pas un confinement de 4 jours qui freinera les contagions. 

D’ailleurs, cette décision a été prise au moment où on parle de plus en plus, à Tunis, de l’imminence d’un remaniement du gouvernement, lequel a été institué voici à peine quelques semaines, après le limogeage du ministre de l'Intérieur et le mécontentement manifesté par plusieurs partis politiques. 

En clair, avec ce confinement de quatre jours, le gouvernement tunisien tente de noyer le mécontentement populaire grandissant, qui tend à faire oublier de nombreuses tares de l’ancien régime dictatorial. Le tout, dans un contexte socio-économique difficile pour les Tunisiens, à cause de la crise multidimensionnelle que traverse le pays. 

Par Karim Zeidane
Le 14/01/2021 à 13h09, mis à jour le 15/01/2021 à 16h35