Addis-Abeba accueille les 5 et 6 février 2022 le 35e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement africains. Pour cette rencontre, le Premier ministre éthiopien, dont le pays fait face à une rébellion du Tigré, a fait énormément pression pour que ce sommet ait lieu en présentiel, et non en vidéoconférence, en dépit de la crise sanitaire du Covid-19. L'objectif: rassurer sur la normalisation de la situation en Ethiopie, pays qui accueille sur son sol le siège de l’organisation panafricaine.
Et à partir du samedi 5 février, c’est le président sénégalais Macky Sall qui prendra la présidence de l’Union africaine et ce, pour une année. Ce sera la 4e fois dans l’histoire qu’un président sénégalais assure la présidence de l’organisation panafricaine, après Léopold Sedar Senior en 1980 et Abdou Diouf à deux reprises en 1985 et 1992.
Et les attentes de cette présidence sénégalaise sont nombreuses tant les enjeux et problèmes à régler ne manquent pas au niveau du continent. Une chose est sûre, après un mandat en demi-teinte de son prédécesseur, le Congolais Félix Tshisekedi, celui de Macky Sall est très attendu par de nombreux pays.
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Le président sénégalais devra répondre à un programme très chargé. Après un baptême de feu avec le statut d’observateur d’Israël, le premier jour de sa présidence, il devra gérer de nombreux dossiers dont certains figurent dans l’ordre du jour du sommet: retour inquiétant des coups d’Etat en Afrique, sommet crucial Union africaine-Union européenne visant à refonder les relations entre les deux continents à la lumière des nouveaux enjeux géostratégiques, différends entre l’Egypte et l’Ethiopie sur le barrage du Nil, guerre en Ethiopie, Covid-19 et ses conséquences sur les économies africaines…
Statut d’observateur de l’Etat d’Israël à l’ordre du jour
D’emblée, le président sénégalais doit gérer rapidement ce qui a été élevé par la junte algérienne au rang d’enjeu. Le statut d’observateur d’Israël auprès de l’Union africaine (UA) est en effet inscrit à l’ordre du jour de ce sommet des chefs d’Etat de l’organisation.
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Ce statut a été accordé en juillet 2021 par le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avant qu’il ne soit dénoncé par quelques pays, conformément à une réalité qui parle d’elle-même: la majorité des Etats africains (46) ont des relations diplomatiques avec Israël.
Pour rappel, Israël disposait du statut d’observateur au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qu’il cherche aujourd’hui à récupérer. Il en avait été dépossédé en 2002, au moment de la création de l’Union africaine.
Cette récupération du statut d’observateur est soutenue par une majorité écrasante de pays membres de l’UA. Toutefois, certains y sont farouchement opposés, en particulier l’Algérie qui a rallié à ses slogans l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. Ces pays et d’autres soutiens avaient réussi à repousser les demandes précédentes d’Israël de 2013 et 2016.
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Toutefois, la donne a changé au cours de ces dernières années. Israël compte de nombreux amis au niveau du continent grâce à l’offensive politique menée par l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a redonné à Israël sa place d’antan en Afrique.
Pour les autorités israéliennes, le refus du statut d’observateur est une «anomalie» sachant qu’Israël entretient des relations avec 46 pays africains et dispose d'ambassades dans de nombreux importants pays du continent: Nigéria, Egypte, Angola, Sénégal, Ethiopie, Rwanda, RD Congo…
Face à la polémique qu’a suscité sa décision d’octroyer le statut d’observateur à Israël, le président de la Commission africaine a préféré que le problème soit réglé lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA. Un consensus ne pouvant se dégager, une lourde bataille procédurale a démarré au sein de l’Union africaine. Pour beaucoup, la question risque d’être réglée par un vote à majorité simple. Et dans ce cas, il est fort probable qu’Israël retrouve sa place parmi les 90 partenaires extérieurs accrédités auprès de l’Union africaine et mette fin à 20 ans d’absence.
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Quelle que soit la décision prise lors de ce sommet, l’Union africaine sera divisée comme elle ne l’a jamais été depuis des décennies.
Rappelons que les Etats non-africains accrédités peuvent assister à certaines conférences, accéder à des documents non-confidentiels de l’Union africaine et présenter des déclarations lors de réunion les concernant.
Sommet UE-UA: un sommet pour refondre les relations entre les deux continents
L’un des enjeux de la présidence de Macky Sall sera également la préparation du 6e sommet Union européenne-Union africaine prévu les 17 et 18 février à Bruxelles dans le cadre de la présidence française de l’UE. Le président français, Emmanuel Macron, souhaite «refondre en profondeur» la relation «un peu fatiguée» et a appelé à «refondre un New deal, économique et financier avec l’Afrique».
A travers ce sommet, l’UE souhaite demeurer à tous égards, le premier partenaire de l’Afrique sur le plan économique, commercial, mais aussi en matière de sécurité, d’aide publique au développement et humanitaire. Les échanges entre les deux partie ont augmenté de 20% entre 2016 et 2020 pour atteindre 225 milliards d’euros. Toutefois, au niveau bilatéral, la Chine demeure le premier partenaire avec des échanges qui se sont établis à 167,8 milliards de dollars de janvier à novembre 2020.
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Ce sommet intervient dans un contexte dans lequel le continent est courtisé de toutes parts et réclame des bases plus équitables dans ses relations avec l’Union européenne. Et à ce titre, les dirigeants africains exigent de nouveaux accords commerciaux qui permettront d’accompagner le développement de l’Afrique à la base, à travers la structuration de ses chaînes de valeur et le renforcement de ses ressources humaines pour répondre aux besoins d’une jeunesse qui croît de façon exponentielle.
Ainsi, pour mieux préparer ce sommet Union Africaine-Union européenne, en présentiel, trois chefs d’Etat -le Congolais Félix Tshisekedi, alors encore président de l’UA, le Sénégalais Macky Sall qui prend ses fonctions à partir de ce samedi et le Rwandais Paul Kagame- et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, on été reçus le 19 décembre 2021 à Bruxelles par Charles Michel, président du Conseil européen.
Ce sommet devrait définir les priorités clés des relations UE-UA pour les années à venir et pourrait fournir des orientations stratégiques et politique pour les relations entre les deux continents. L’UE compte apporter son soutien aux défis du continent dans divers domaines: développement social et humain, santé, éducation, transition verte, accès à l’énergie durable, transformation numérique et création d’emplois.
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Et à ce titre, l’aide au développement sera utilisée pour attirer les investissements du secteur privé afin de générer des fonds pour soutenir les initiatives dans les infrastructures et les technologies vertes.
Pour de nombreux observateurs, c’est le sommet de la dernière chance pour que l’Europe puisse refonder ses relations avec un continent qui semble de plus en plus orienter vers d’autres partenaires dont la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde... au détriment des anciennes puissances coloniales.
Gérer les coups d’Etat et des transitions militaires
Ce 33e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine intervient après une série de coup d’Etat sur le continent: Mali, Guinée, Soudan, Burkina Faso, Guinée-Bissau… Dans un discours aux ministres des Affaires étrangères réunis le mercredi 2 février, le président de la commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a condamné «la résurgence inquiétante des coups d’Etat militaires qui, non seulement, ne renvoient pas une image positive de notre continent, mais sont des sources d’instabilité socio-politique, préjudiciable à tous les efforts de développement».
Les observateurs pensent que les dirigeants du continent devraient se pencher sur les facteurs qui mènent aux coups d’Etat dont les révisions constitutionnelles qui poussent certains dirigeants à se maintenir au pouvoir, le terrorisme qui fragilise de nombreux Etats…
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Ces coups d’Etat et les transitions militaires seront l’autre défi à relever par le président sénégalais Macky Sall durant son mandat et ce, d’autant plus que ces putschs touchent particulièrement l’Afrique de l’Ouest.
Sur ce point, le président sénégalais a déjà donné le ton en décembre dernier, lors d’une entretien accordé aux médias français RFI et France 24 en soulignant que «nous ne pouvons pas accepter que dans cette partie de l’Afrique, des militaires prennent le pouvoir par les armes. Nous sommes en démocratie et le pouvoir se conquiert par les élections». Il avait expliqué que ces transitions militaires devraient prendre fin et céder leur place à des régimes issus d’élections libres et transparentes.
La situation au Mali étant un peu singulière à cause de l’instabilité politique que traverse le pays depuis plus d’une décennie, la junte au pouvoir a souhaité un délai de transition long de 5 ans afin de pouvoir mettre les bases d’une refondation de l’Etat malien. Ce que les autres pays de la CEDEAO ont catégoriquement refusé, cette organisation ouest-africaine ayant appliqué un embargo à l’égard de ce pays enclavé.
La tension entre la junte dirigeant le Mali et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) montre clairement que la tâche du futur président de l’Union africaine ne sera pas facile.
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A noter que l’UA préconise pour le Mali une transition d’une durée maximale de 16 mois.
Selon diverses sources, le président sénégalais compte rapidement prendre le dossier malien en main et s’impliquer davantage dans le retour du Mali dans les instances communautaires de la région et le dégel de la crise politique et économique.
GERD: l’Egypte souhaite une implication du président Macky Sall concernant son différend avec l’Ethiopie
Le dossier du Grand Barrage de la renaissance éthiopienne (GERD), à l’origine d’un différend entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie, devrait connaître une plus grande implication du nouveau président de l’Union africaine. En effet, bien avant sa prise de fonction, l’Egypte avait déjà souhaité son intervention. D’ailleurs, quelques jours avant sa prise de fonction, le président sénégalais était en visite officielle en Egypte sur invitation du raïs égyptien, Abdel Fettah Al-Sissi. Lors de cette rencontre, l'épineux dossier du barrage sur le Nil a certainement occupé une grande place, en plus de la signature de plusieurs accords bilatéraux entre les deux pays et la promesse du président égyptien de soutenir Macky Sall dans sa mission à la tête de l’Union africaine.
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En effet, depuis plusieurs mois, la diplomatie égyptienne fait des appels du pied à l’endroit du Sénégal, espérant que Dakar s’impliquera davantage dans ce différend régional. Ainsi, en avril 2021, le président égyptien avait-il envoyé son ministre des Affaires étrangères, Mustafa Madbouli, à Dakar, pour demander au président sénégalais de s’impliquer davantage dans le dossier du barrage sur le Nil.
L’Egypte craint que le grand barrage éthiopien, en construction depuis 2011, ne réduise le débit du plus grand fleuve d’Afrique et lui porte préjudice. Le Caire souhaite donc parvenir à un «accord de remplissage et d’exploitation juridiquement contraignant qui établit un équilibre entre l’obtention par l’Ethiopie du maximum davantage possibles dans le domaine de la production d’électricité et le développement durable, en échange de l’absence de préjudice pour les pays en aval (Egypte et Soudan).
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En septembre 2021, le Conseil de sécurité de l’ONU a exhorté les 3 pays concernés par le différend -Ethiopie, Soudan et Egypte- à reprendre les négociations, sous l’égide de l’Union africaine, pour l’adoption d’un accord mutuellement acceptable. Le président congolais, Félix Tshisekedi, n’a pas réussi à faire avancer les discussions entre les parties prenantes et parallèlement l’Ethiopie a continué le remplissage du réservoir du barrage pour entamer la production d’électricité avec un risque de faire baisser le débit du fleuve duquel l’Egypte tire 97% de ses besoins en eau.
Covid-19: accès aux vaccins
En marge du sommet de l’Union africaine, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, fera un point sur la réponse africaine à la pandémie du Covid-19, deux ans après la détection du premier cas du coronavirus sur le continent. Si l’Afrique est l’un des continents les moins affectés par la pandémie, avec un total de 11 millions de cas officiellement enregistrés et 240.300 décès, l’Afrique est aussi la zone ayant le moins vacciné sa population. En effet, seulement 11% des Africains ont été totalement vaccinés contre le Covid-19, grâce notamment au programme Covax. On est ainsi très loin de l’objectif de vacciner 70% de la population africaine à fin 2021. En cause, la concentration des vaccins anti-Covid-19 dans les pays développés.
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Une situation qui a poussé les pays africains à se décider à se prendre en charge. Ainsi, de nombreux pays du continent se sont lancés dans des processus de fabrications des vaccins anti-Covid-19 et d’autres vaccins en Afrique. C’est le cas de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, de l’Algérie, du Maroc, du Sénégal et du Rwanda.
Le Maroc a lancé la construction de ce qui devrait être l’une des plus grandes unités de production au monde de vaccins anti-Covid-19 et autres vaccins. Idem pour le Sénégal qui a également démarré une unité de production de vaccins anti-Covid-19 et autres vaccins. Quant à l’Afrique du Sud, elle produit déjà des vaccins anti-Covid-19 et une biotech Afrigen Biologics and Vaccines basée au Cap, soutenue par l’OMS et l’initiative Covax, vient d’annoncer avoir produit le premier vaccin à ARN messager en Afrique. Des tests de ce vaccin sud-africain débuter en mars prochain sur les animaux avant d’être étendus aux humains en novembre 2022.
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En clair, l’Afrique qui ne produisait que 1% des ses besoins en vaccins compte désormais se prendre en main en matière de production de vaccins contre le Covid-19 et diverses autres maladies et virus afin d’éviter la marginalisation du continent, comme ce fut le cas avec cette pandémie.
Conséquences économiques de la pandémie du Covid-19: dette et DTS
La pandémie du Covid-19 a fragilisé davantage les économies africaines. Pour Macky Sall, les efforts internes des pays africains ne suffiront pas pour amortir l’impact de la crise et relancer la croissance de l’économie africaine.
Ainsi, le président sénégalais n’a cessé de militer sur deux volets fondamentaux: l’annulation de la dette pour les pays les plus pauvres et la réallocation des DTS en faveur de l’Afrique.
Bien que la dette africaine, estimée à 365 milliards de dollars, en début 2021, ne représente que 2% de la dette mondiale, elle est devenue difficilement soutenable pour de nombreux pays africains, notamment les plus pauvres. Et ce, d’autant qu'ils doivent faire face à des besoins de financement colossaux pour amortir l’impact de la crise et relancer leur croissance économique.
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Le FMI estime, qu'à cause de la crise, le besoin de financement additionnel du continent d’ici 2025 sera de 285 millards de dollars.
A ce titre, le président sénégalais continuera dans sa logique d'annulation des dettes et mettra à profit tout son poids en tant président de l’Union africaine pour convaincre de la nécessité à ce que les pays développés apportent un soutien plus conséquent aux pays les plus pauvres du continent qui se sont endettés davantage à cause des effets du Covid-19 sur leurs économies.
D'ailleurs, face aux importants besoins de financement des économies africaines, Macky Sall avait déjà plaidé, lors du sommet de Paris tenu le 18 mai dernier, pour le financement des économies africaines, pour une «initiative de suspension du service de la dette» et d’une nouvelle redistribution des DTS (Droits de tirages spéciaux).
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Concernant l’allocation de nouveaux DTS par le FMI, à hauteur de 650 milliards de dollars, dont seulement 33 milliards ont été affectés à l’Afrique, le chef de l’Etat sénégalais a demandé aux pays développés de réallouer leurs quotas sous formes de dons, de prêts concessionnels et semi-concessionnels à longue maturité afin de soutenir la résilience des économies africaines. Lors du sommet de Paris, il a été question de réallouer au moins 100 milliards de dollars de DTS au profit de l’Afrique. Si cette proposition est soutenue par la France et certains pays européens, les Etats-Unis, principal bénéficiaire, ne semblent pas disposés à accepter cette proposition.
En tant que président de l’Union africaine, Macky Sall portera davantage la voix de l’Afrique sur ces deux volets qui sont essentiels pour la relance post-Covid-19 des économies africaines durement impactées par la pandémie.
En résumé, les attentes sont nombreuses et l'agenda du président Macky Sall sera très chargé cette année.