Pétrole et mines: pourquoi subitement autant de litiges avec les multinationales en Afrique

Plateforme pétrolière

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Le 01/11/2016 à 17h34, mis à jour le 03/11/2016 à 10h10

Que ce soit en Algérie, au Nigeria, au Tchad ou au Mali, les multinationales y sont en litiges avec leurs hôtes. Sont-elles subitement devenues fraudeuses ou bien les Etats ont-ils décidé d’être plus regardants? Dans les deux cas, la crise y est pour beaucoup et cela se termine au tribunal.

Jamais on a assisté à un nombre aussi important de litiges et d’accusations contre les firmes multinationales de l’industrie extractive. Rien que depuis le mois de septembre, pas moins de quatre pays riches en matières premières se sont attaqués à ces majors, les accusant de fraudes de diverses formes et pour des montants faramineux.

Pas plus tard que le 9 octobre 2016, l’algérien Sonatrach a obtenu gain de cause dans le différend qui l’opposait à l’espagnol Repsol. Ici c’est pourtant Repsol qui avait intenté une action contre la Sonatrach. L’Espagnol et ses deux partenaires coréens réclamaient 223 millions d’euros à la Sonarach à cause de modalité de partage de production qui leur étaient défavorables. De plus, l’application de la taxe sur les profits exceptionnels leur posait problème. Malheureusement pour eux, le tribunal arbitral a tranché en faveur de la Sonatrach.

C’est surtout le français Total qui sera déçu. Car, lui aussi, avait intenté une action contre la société pétrolière algérienne, pour les mêmes motifs. Il était convaincu d’avoir raison, comme il le faisait savoir dans un hebdomadaire parisien. Mais il y a désormais jurisprudence, donc ses arguments tombent à l’eau.

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Au Tchad, c’est le service des douanes qui poursuivait l’américain, Exxon pour avoir versé 0,2% au lieu de 2% du chiffre d’affaires au titre des redevances, comme le stipule la loi tchadienne. L’américain tenait mordicus à sa ligne de défense. Sauf le tribunal de Grande instance de Ndjamena qui instruisait l’affaire ne l’a pas entendu de cette oreille. Il vient de condamner la filiale commune d’Exxon, Esso, Petronas et Chevron à payer la bagatelle de 44.700 milliards de FCFA, soit quelque 75,4 milliards de dollars.

C’est un chiffre qui donne le tournis; il représente quelque 27 fois le budget de l’Etat tchadien ou 6,8 fois son PIB annuel. Peut-être qu’Exxon pensait arriver par la négociation au même règlement qu’en 2014. Cette fois, c’est visiblement tombé à l’eau.

Au Nigéria, c’est une longue liste d’entreprises qui sont poursuivies pour une fraude à l’export de l’ordre de 13 milliards de dollars. En effet, et Le360 Afrique en avait fait part, l’américain Chevron, l’anglo-hollandais Shell, l’italien Agip, filiale d’ENI, le français Total, le brésilien Brasoil, filiale de Pétrobras sont poursuivis par le gouvernement fédéral à la tête duquel se trouve Muhammadu Buhari. A lui seul, Shell devrait quelque 406 millions de dollars du fait d’exportations et de sommes non déclarées.

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Il n’y a pas que dans le pétrole que des litiges existent. Au Mali, l’or ternit les relations entre la direction des impôts et le Britano-sud africain Randgold. Ce dernier devrait quelque 47 milliards de Fcfa au titre d’arriérés et d’amendes et majorations de retard. Le gouvernement malien était allé jusqu’à fermer l’ensemble des bureaux de Randgold à Bamako. Dans un élan de conciliation, la multinationale a procédé à un paiement de 15 milliards de Fcfa. Insuffisant, lui réplique le ministère des Finances.

Cette vague de conflit s’explique par les temps durs que traversent aussi bien les gouvernements que les multinationales elle-même. Et, il faut le dire, en d’autres périodes, il était plus facile de trouver un conciliabule avec les dirigeants, y compris en utilisant des moyen compromettants. Car, la plupart de ces conflits ne datent pas d’aujourd’hui, mais il était toujours possible de trouver quelque arrangement par ci ou par là. Sauf que quand on n’a pas payé ses fonctionnaires depuis quelques mois, comme c’est le cas du Tchad, ou quand on s’apprête à emprunt 1 milliard d’euros à l’international, comme le Nigéria, les fonctionnaires acceptent moins les compromissions.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 01/11/2016 à 17h34, mis à jour le 03/11/2016 à 10h10