Algérie: on sacrifie le peuple pour réduire l'abyssal déficit commercial

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Le 25/03/2017 à 16h20, mis à jour le 25/03/2017 à 16h23

La facture des importations est un véritable casse-tête pour le gouvernement algérien. Tous les moyens sont utilisés pour la comprimer afin de réduire le déficit commercial abyssal. Seulement, comment réduire la facture quand on ne produit pas grand-chose sans occasionner l’inflation?

Après les deux échecs visant à réduire en 2015 et 2016 la facture des importations de 15 milliards de dollars chaque année, le gouvernement algérien récidive en annonçant une réduction équivalente pour 2017. Alors que c’est le premier ministre Sellal qui se mouillait à chaque fois pour annoncer cet objectif, cette fois-ci, c’est le ministre par intérim du Commerce, Abdelmadjid Tebboune, qui fait l’annonce. Pourtant, quelques semaines auparavant, il était tout simplement question d’une réduction de 10 milliards de dollars.

Toutefois, le ministre lui même ne semble pas très convaincu en parlant de «tenter de baisser le niveau des importations de 15 milliards de dollars». Cet objectif est d’autant plus difficile à atteindre que le responsable a clairement signifié que la facture alimentaire ne sera pas affectée.

L’objectif reste de réduire la facture des importations et donc le déficit commercial qui a atteint 17 milliards de dollars en 2016. Et pour cela, c’est le retour au protectionnisme qui est prôné pour protéger l’économie algérienne afin que celle-ci ne serve pas de «poubelle» aux produits importés.

Pourtant, le gouvernement algérien tergiverse sur la méthode à adopter pour atteindre cet objectif. Ainsi, le ministre annonçait qu’en dehors des produits de première nécessité (céréales, sucre, légumes, thé, huile, etc.), tous les autres produits feront l’objet de licences d’importations. Le gouvernement serait finalement revenu sur cette décision, laquelle, il faut le signaler est contraire à certain engagements de l’Algérie vis-à-vis de ses partenaires commerciaux, notamment de l’Union européenne.

Finalement, le gouvernement algérien s’est résigné à ne soumettre aux licences d’importation que 5 produits: véhicules, bananes, fil à machine, rond à béton et ciment. Autrement dit, la liste de l’année dernière a été élargie à la banane et au fil à machine.

Reste à savoir si réellement le pays peut faire 15 milliards de dollars d’économie sur les importations en ne comptant que sur ces 5 produits dont le montant des importations a été réduit de manière drastique en 2016 notamment en matière d'importations de véhicules.

Ce que le ministre ne dit pas, c’est que si l’Algérie importe autant, c’est qu’elle ne produit pas grande-chose en quantité et en qualité. A titre d’exemple, elle établit le quota pour les importations de véhicules alors que la production locale ne dépasse pas 50.000 unités pour une demande dépassant largement les 200.000 unités. Une situation qui pousse les concessionnaires obligés de produire localement à la triche, comme c’est le cas avec la production de véhicules Hyundai par l’oligarque Mahieddine Tahkout.

En plus, les contingents et les obstacles à l’importation de certains produits ont occasionné une flambée exceptionnelle des prix. Les produits agroalimentaire et ceux des véhicules d’occasion enregistrent des hausses exceptionnelles, au grand malheur des consommateurs algériens qui voient leur pouvoir d’achat se détériorer de plus en plus au moment où le taux de chômage ne cesse de croître à cause de l’austérité et de l’abandon de nombreux projets (cas des tramways).

Partant, les économies sur les importations des biens de consommation étant difficilement réalisables, après les restrictions durant ces deux dernières années, il est certain que les économies se feront sur d’autres produits, notamment sur les importations de biens d’équipements dans le cadre de la politique d’austérité qui se traduit par la mise en veilleuse de nombreux chantiers. Or, si avec cette politique le gouvernement peut réduire la facture des importations, il hypothèque, par la même occasion, la croissance, la création de valeur et d’emplois.

Enfin, cette politique illustre aussi l'incapacité du gouvernement algérien à diversifier l'économie du pays et de sortir un peu de la forte dépendance vis-à-vis des hydrocarbures qui pèsent plus de 95% des recettes des exportations du pays. 

Par Karim Zeidane
Le 25/03/2017 à 16h20, mis à jour le 25/03/2017 à 16h23