A défaut de pouvoir baliser la voie pour une sortie de crise politique à l’Algérie, les dirigeants actuels du pays, et à leur tête le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, poursuivent leur purge contre les oligarques proches du clan Bouteflika.
Ainsi, Ali Haddad et les frères Kouninef, en prison depuis quelques semaines, ont été rejoints par Mahieddine Tahkout et ses frères, Rachid et Hamid, mais aussi par son fils Bilal, ce qui a fait dire à son avocat qu'il est "atterré de voir toute une famille en prison".
En réalité, le régime algérien vient de sonner le glas pour l'ensemble des oligarques, qui étaient censés placer le pays sur la carte de l'industrie automobile mondiale.
Car avant Mahieddine Tahkout, c'est le milliardaire Mourad Eulmi, deuxième fortune du pays, qui a été sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Mourad Eulmi n'est autre que propriétaire de l'usine de montage Volkswagen.
Mahieddine Tahkout, quant à lui, considéré comme l’un des plus proches de Saïd Bouteflika, fait l’objet depuis plusieurs semaines d’enquêtes de la part de la brigade de recherche de la gendarmerie algérienne. En cause, les contrats pour le transport des étudiants avec l’Office national des œuvres universitaires (ONOU) et avec l’Entreprise de transport urbain et sururbain d’Alger (Etusa).
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L’homme est également appelé à répondre d'avantages qui lui auraient été octroyés par l’Agence nationale de développement et d’investissement (ANDI) lors du lancement de son unité de montage automobile. Une unité de montage de véhicules de la marque sud-coréenne Hyundai, qui avait été très décriée, du fait qu’elle importait des voitures déjà entièrement montées, auxquelles il ne manquait plus que les roues à placer.
Par conséquent, aucune valeur ajoutée locale, alors même que Mahiedine Tahkout bénéficiait d'avantages fiscaux et douaniers dans le cadre d'une politique visant à développer l'industrie automobile algérien.
L'arrestation de Mahieddine Tahkout risque, en outre, d’éclabousser de nombreuses pontes de l’ancien régime Bouteflika. Grâce à sa proximité avec Saïd Bouteflika, l'homme a pu bénéficier des largesses des chefs de gouvernement algériens qui se sont succédés tout au long de la longue ère au cours de laquelle Bouteflika a été le président de l'Algérie.
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Ainsi, le tribunal de Sidi M’Hamed, près de la cour d’Alger, a convoqué hier, dimanche 9 juin, de nombreuses personnalités de l’ancien régime dont les deux anciens Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, ainsi que l’ex-wali d’Alger et l'ancien ministre des Transports, Boudjemaa Talai.
A titre de rappel, ces personnalités sont déjà déférées devant la Cour suprême dans le cadre d'une autre affaire, qui concerne cette fois-ci un autre proche du clan Bouteflika, Ali Haddad, l'ex-patron des patrons algériens.
Ils sont accusés de «violation de la réglementation des marchés publics» et de «trafic d’influence».
Le dossier Tahkout vient donc mouiller encore plus les premiers responsables du régime Bouteflika, lesquels devront répondre de ces accusations auprès de cette cour.
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Parallèlement à ce nouveau scandale, le directeur général de l’Etusa et le directeur des transports de la wilaya d’Alger ont été, eux aussi, arrêtés. Ils doivent répondre à des accusations portant sur des soupçons d’octroi de marchés douteux à la famille Tahkout.
Il faut souligner qu’en réaction à l’arrestation de Mahieddine Tahkout, de ses frères et de son fils, les salariés de son entreprise de transport ont entamé une grève dans de nombreuses villes, notamment à Alger et en Kabylie à Tizi-Ouzou.
En conséquence, les bus de transport des étudiants sont actuellement à l’arrêt.
Mahieddine Tahkout, puissant homme d'affaires, est en effet présent dans le secteur du transport avec une flotte de 3.500 bus, mais aussi dans l'industrie du montage automobile, dans les médias, dans l’agriculture, etc. La preuve est aujourd'hui faite qu'il n'est plus intouchable.