Algérie. Automobile: Tebboune veut continuer à priver les Algériens de véhicules neufs importés

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Le 06/12/2021 à 14h57, mis à jour le 06/12/2021 à 14h59

Les Algériens privés de véhicules neufs devront encore patienter. Alors qu’on croyait imminente l’autorisation d'importations de véhicules par des concessionnaires ayant rempli les conditions exigées par le dernier cahier des charges, le président Tebboune vient d’ordonner la révision de celui-ci.

Privés de véhicules neufs depuis plusieurs années -quotas et interdictions d’importations de véhicules neufs depuis 2016 et arrêts des unités de montage de voitures localement depuis 2019-, les Algériens, qui espéraient pouvoir acquérir bientôt des véhicules neufs, déchantent.

En effet, alors qu’un cahier des charges a été adopté et des concessionnaires sélectionnés pour assurer l’approvisionnement du marché algérien en véhicules neufs, et qu’on s’attendait à la reprise imminente des importations de voitures neuves, voilà que le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé, dimanche 5 décembre 2021, lors du conseil des ministres, avoir ordonné au ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, en charge du dossier, la révision du cahier des charges relatif à l’activité de concessionnaire automobile.

Ainsi, même si le président a ordonné, par la même occasion, l’accélération de l’annonce des concessionnaires agréés, cette nouvelle décision se traduira inéluctablement par un nouveau retard dans l’autorisation des importations de véhicules neufs.

Cela est d’autant plus vrai que Abdelmadjid Tebboune a également insisté sur l’impératif de fournir, dans ce nouveau cahier des charges, au niveau régional et dans les grandes villes, un réseau de services après-vente comme condition pour accepter les dossiers des importateurs.

Les Algériens, privés de véhicules neufs depuis plusieurs années, devront donc encore patienter. Pourtant, le président Tebboune avait promu, lors d’une rencontre avec la presse algérienne en avril 2021, que le dossier des importations de véhicules neufs allait toucher à sa fin avant le début du second semestre. Depuis, ce sont les révisions des cahiers des charges qui se multiplient.

Et rien de surprenant dans ces décisions des autorités algériennes. Il faut souligner que derrière ces reports et changements de cahiers des charges se cache une politique des autorités visant tout simplement à ne pas autoriser les importations de véhicules neufs et/ou d’occasion afin de préserver les réserves en devises du pays. Ces réserves ont beaucoup fondu depuis leur pic de 2014 à 194 milliards de dollars pour se situer, dans le meilleur des cas au-dessus de la barre des 30 milliards de dollars actuellement. Selon leurs calculs, plus ils retardent l’échéance, plus ils réduisent les sorties de devises et donc en même temps la baisse des avoirs extérieurs en devises.

Il faut dire qu’à cause de l’incapacité du pays à mettre en place une industrie automobile viable, l'Algérie importait, pour sa demande intérieure, plus de 350.000 véhicules neufs par an pour une facture dépassant les 3 milliards de dollars, en faisant le second plus important marché de véhicules neufs du continent derrière l’Afrique du Sud.

C’est pour réduire cette facture que les autorités avaient décidé d’obliger les concessionnaires automobiles à s’allier avec des constructeurs étrangers pour monter localement les véhicules, tout en mettant en place des quotas d’importations de véhicules neufs avant de procéder à l’interdiction pure et simple de ces importations.

Seulement, cette politique mal pensée a été un véritable échec et a permis à certains oligarques proches de l’ancien régime de Bouteflika de recourir à des montages déguisés de véhicules en Algérie. Et cette politique de l’industrie de montage automobile n’a jamais joué son rôle. Sur la période 2014-2019, seulement environ 400.000 véhicules ont été montés dans le pays. De plus, dans certains cas, le montage au niveau local se limitait au seul placement des roues, les véhicules étant importés totalement montés. Ainsi, en 6 ans de montage, la production couvrait-elle à peine un peu plus que la demande d’une année en véhicules neufs.

Face à ce fiasco, les autorités algériennes avaient donc décidé en 2019 d’interdire l’importation de kits automobiles pour le montage de voitures au niveau local.

Résultat, depuis deux ans et demi, le pays est privé de véhicules neufs produits localement, mais aussi de pièces détachées.

Une situation qui n'est pas sans conséquence sur la vétusté du parc automobile qui ne s’est pas renouvelé depuis quelques années sachant que les quotas et les interdictions d'importations de véhicules neufs datent de 2016. Une situation qui impacte la sécurité des citoyens algériens.

Autre conséquence de cette politique, les citoyens algériens, privés de véhicules neufs, se rabattent sur les véhicules d’occasion dont les prix ont flambé. Ces derniers coûtent même beaucoup plus cher que les voitures neuves qui étaient importées. A titre d’illustration, une Kia Picanto d’occasion de 2019 a été vendue 3 millions de dinars algériens, alors qu'elle était proposée par le concessionnaire à seulement 1,56 million de dinars (TTC). En clair, au prix d’une voiture d’occasion, on pouvait se procurer presque deux véhicules neufs de la même marque.

Ces politiques d’interdiction d’importation de véhicules neufs impactent négativement le quotidien des Algériens.

Les autorités algériennes, quant à elles, souhaitent encore gagner du temps pour avoir une idée sur l’évolution des cours du baril de pétrole dont dépend le niveau des réserves en devises du pays avant d’autoriser les importations de véhicules.

Par Karim Zeidane
Le 06/12/2021 à 14h57, mis à jour le 06/12/2021 à 14h59