Si le marché automobile algérien des véhicules neufs était, il y a quelques années encore, le deuxième du continent africain derrière l’Afrique du Sud, suscitant l’engouement des constructeurs mondiaux, l’absence d’un écosystème automobile, la politique industrielle changeante et l’environnement des affaires étouffant n’offrent pas de visibilité aux constructeurs. Aujourd'hui, le secteur du montage automobile en Algérie est un fiasco, se réduisant uniquement à l'importation de kits automobiles et de voitures déjà montées auxquelles il ne manquait que des roues à placer.
Et aujourd’hui, tout le secteur est presque à l’arrêt. Tournant en mode ralenti, l’avenir de Renault Production Algérie, l'usine de montage du constructeur français dans le pays, s’écrit en pointillés.
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Pour cause, depuis quelques années, au lieu de monter en puissance, la production du site implanté à Oran et où sont montés 4 modèles – Dacia Logan 2, Renault Symbol 2, Dacia Sandero 2 et Renault Clio 4 – décline. Après une production de 19.419 unités en 2015, lors de sa première année, la production est montée crescendo à 42.036 véhicules en 2016, 60.646 unités en 2017 et 72.615 unités en 2018, se rapprochant de l’objectif fixé de 75.000 voitures par an. Toutefois, cette hausse exponentielle a connu un arrêt brutal à partir de 2019 avec une production retombant à 60.012 unités, puis à 754 véhicules montés en 2020, avant de remonter à 5.208 unités en 2021.
Cette chute s'explique essentiellement par la politique industrielle adoptée, avec notamment le blocage des importations de kits SKD/CKD par les autorités. Une décision qui a entrainé l’arrêt de la production des unités de montage automobile en Algérie début 2020. Et même si le montage automobile a repris au niveau du site de Renault, la production tourne vraiment au ralenti. D’ailleurs, le cabinet Inovev a souligné avoir observé en 2021 un transfert de production de la Dacia Logan de l’usine d’Oran vers celle de Tanger au Maroc.
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Cette dernière est un modèle de réussite du groupe Renault et dispose d’une capacité de montage de 350.000 unités par an. D’ailleurs, en février 2020, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, dans une interview accordée au quotidien français Le Figaro, a fait part de son mécontentement en soulignant que «l’usine Renault qui est ici n’a rien à voir avec celle qui est installée au Maroc», avant d’ajouter: «Comment créer des emplois alors qu’il n’y a aucune intégration, aucune sous-traitance?».
En août 2020, après un arrêt de son activité pendant 6 mois et au bord du gouffre, Renault Algérie a annoncé un plan massif de départs volontaires touchant 800 de ses 1.200 salariés en raison d’un manque de visibilité sur la poursuite ou non de son activité de montage, causé par la suspension des importations des kits CKD/SKD destinés à l’assemblage des véhicules. A cette époque, de nombreux observateurs avaient fait part du risque d’arrêt de la production de l’unité de montage d’Oran.
Et l'avenir ne s'annonce pas plus radieux. Toujours selon le cabinet Inovev, «les prévisions sur la période 2022-2030 sont très incertaines et il n’est pas sûr que Renault conserve cette usine».
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Une des principales causes est que les autorités algériennes, jugeant le taux d’intégration locale faible, ont exigé un contenu local relativement élevé par rapport à l’écosystème automobile existant dans le pays. En décembre 2021, le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a clairement indiqué que tout candidat au montage automobile en Algérie doit mettre en place un écosystème solide avant de lancer ses activités avec l’obligation d’atteindre un taux d’intégration de 35% dans un délai de 3 ans au maximum.
Avec cette politique consistant à décréter, au lieu de construire un modèle viable comme l’a fait le Maroc voisin durant des décennies, les autorités algériennes n’arrivent pas à comprendre qu’il est impossible d’atteindre un taux d’intégration élevé dans le secteur automobile sans un écosystème développé avec des fournisseurs, des équipementiers et des sous-traitants. A titre d’illustration, Renault Tanger compte aujourd’hui plus de 300 sous-traitants, équipementiers et fournisseurs implantés autour du projet. Ce qui a permis à cette unité d’afficher un taux d’intégration dépassant actuellement 60%. Chose qui fait défaut à l’Algérie, où les unités de montage n’apportent aucune valeur ajoutée locale en ne faisant que monter des kits automobiles importés.
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Inovev a ainsi émis l’hypothèse que Renault pourrait vendre son usine algérienne, car cette dernière «ne répond pas du tout aux objectifs du constructeur puisqu’elle ne parvient plus à se rapprocher du niveau de production visé de 75.000 véhicules par an, sur la base d’une réponse à la demande locale qui avait subi à l’époque l’arrêt des importations automobiles».
Toutefois, le constructeur français a pour le moment écarté toute fermeture de son usine en Algérie. «La situation dure depuis un certain temps. Effectivement, les volumes assemblés sont toujours bas, mais en aucun cas nous n'avons annoncé que nous allions quitter l’Algérie, qui reste un marché important pour Renault», a expliqué le groupe, cité par le site Largus. Pour Renault, si le montage automobile n’est pas important en Algérie, le marché local du neuf, le second du continent jusqu’en 2016, reste très important.
Rappelons que l’usine Renault Production Algérie est le fruit d’un partenariat entre Renault (49%), la Société nationale des véhicules industriels -SNVI- (34%) et le Fonds national d’investissement (17%).