Algérie: Le prestigieux Financial Times décrit une situation apocalyptique

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Le 20/11/2018 à 13h54, mis à jour le 20/11/2018 à 13h56

Revue de presseAlors les doutes persistent sur la capacité de Bouteflika à gouverner l'Algérie, les apparatchiks préfèrent maintenir le statu quo en appelant à un cinquième mandat pour éviter toute rupture de l'équilibre des forces au pouvoir. Et le peuple risque d'être sacrifié sur l'autel d'un cinquième mandat.

Il ne se passe plus une semaine sans qu'une institution internationale, un groupe de réflexion, un grand journal ne s'inquiète de la situation en Algérie et ne s'alarme contre l'embrasement social qui guette le pays.

Hier encore, lundi 19 novembre 2018, le think tank International Crisis Group (ICG) qui alertait, dans un document, les possibles dérives sociales que pourrait représenter une jeunesse algérienne sans perspectives d'avenir. Au même moment, l'influent, très sérieux et institutionnel quotidien économique britannique, The Financial Times, pointait les problèmes majeurs d'une Algérie que le clan Bouteflika entend continuer à gouverner. 

En effet, analysant la perspective d'un cinquième mandat du président algérien, The FT estime très pragmatiquement que "l'économie stagnante dominée par l'Etat fait face à plusieurs défis", à commencer par l'effondrement "des réserves extérieures en devises qui sont passées de 178 milliards de dollars en 2014 à 88,6 milliards de dollars à fin juin 2018". 

Le quotidien londonien liste aussi une série d'indicateurs qui montrent une situation économique on ne peut plus délicate. "Le chômage des jeunes est à 28% et la croissance économique n'a été que de 1,6% l'année dernière", note le quotidien. De plus, "les Algériens se plaignent de leur povoir d'achat qui s'est érodé, à cause de la chute du dinar". Enfin, le FT signale cette série de faits alarmants: cette année, des milliers de médecins, des dizaines de milliers d'enseignants ont observé une longue période de grève. Même les vétérans de l'armée ont failli créer une situation insurrectionnelle durant le mois de septembre, en réclamant une réévaluation de leurs pensions. 

Dans cet article très factuel, le quotifien fait intervenir plusieurs acteurs politiques ou médiatiques qui dressent, tous, un sombre tableau de la situation que traverse le pays.

Soufiane Djilali, opposant et leader du parti Mouwatana, raconte ainsi dans son témoignage, repris par cet article, la mésaventure de ses partisans quand ils ont voulu manifester contre le cinquième mandat voulu pour Bouteflika. C'était dans la ville de Constantine, en septembre dernier. "Les forces de polices ont quadrillé la ville et ont disposé des camions à ordures à plusieurs endroits pour empêcher tout rassemblement", relate-t-il. 

Soufiane Djilali raconte également au journaliste du FT qu'il a été interpellé à son hôtel, pour être conduit manu militari en dehors de la ville. 

Pour Lounès Guemache, directeur de publication du site Tout Sur l'Algérie, les Algériens scrutent avec beaucoup d'attention les cours du pétrole et remercient Dieu chaque fois "qu'ils dépassent 80-85 dollars le baril". "Mais la situation est mauvaise et les jeune sont sans perspectives", déclare-t-il... 

Dans un pays au système politique opaque, poursuit le Financial Times, "la longue maladie de Bouteflika est source de spéculations concernant celui qui dirige réellement le pays". Les observateurs évoquent l'appareil militaire qui joue un rôle important, mais aussi Said Bouteflika, frère de Abdelaziz Bouteflika. Les deux parties disposent d'importants réseaux au sein des partis politiques, mais aussi parmi des hommes d'affaires qui se sont enrichis durant les années où le cours du pétrole était encore élevé. 

Ricardo Fabiani, interrogé pour les besoins de cet article du FT, est un analyste des cours du pétrole, basé à Londres. Il déclare que "pour les clans au pouvoir, un cinquième mandat de Bouteflika est l'option la moins risquée". Ce spécialiste abonde ainsi dans le même sens que Soufiane Djilali, qui estime qu'en réalité "l'entourage de Bouteflika n'a pas réussi à trouver un consensus autour d'un successeur que l'opinion publique algérienne acceptera. Par conséquent, le cinquième mandat est l'option qui leur permet de conserver leurs privilèges". 

C'est dire qu'au risque de plonger l'Algérie dans une situation comparable à celle que le pays a connu au début des années 1990, les caciques du régime préfèrent garder le statu quo autour de la situation actuelle. L'avènement d'un nouveau chef de l'Etat algérien signifierait, soulgne le Financial Times, une rupture de l'équilibre des forces au pouvoir, avec, forcément, des gagnants et des perdants. Mais cette option, elle aussi, est dangereuse pour l'Algérie... 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 20/11/2018 à 13h54, mis à jour le 20/11/2018 à 13h56