Malheur aux vaincus. Le bras de fer entre le clan Bouteflika et celui de l’armée, dirigé par le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, tourne naturellement à l’avantage du second.
Les oligarques proches du régime Bouteflika sont donc les premiers à faire les frais de ce bras de fer.
La veille même de la démission du président Bouteflika, alors que le vent tournait décidément en sa faveur, Gaïd Salah a donné le ton en accusant certaines personnes de s’être illégalement enrichies en un temps record.
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Un communiqué émis par le ministère de la Défense est à cet égard très explicite: «quant aux vastes opérations de pillage et de dilapidation qu’a connues notre pays, ciblant ses potentiels et ressources économiques et financières, monsieur le général de corps d’armée s’est interrogé sur les moyens qui ont permis à cette poignée de personnes d’amasser des richesses immenses par des voies illégales et dans un court laps de temps, en toute impunité, profitant de leur accointance avec certains centres de décision douteux, et qui tentent ces derniers jours de faire fuir ces capitaux volés et s’enfuir vers l’étranger».
Ce même document précise qu'«il y a lieu d’indiquer dans ce contexte que les décisions de poursuites judiciaires contre ces derniers émanent de la justice par le biais du procureur général, mû par son adhésion aux revendications».
Dans la foulée, les autorités sécuritaires du régime avaient publié une liste de noms d'hommes d’affaires, interdits de sortie du territoire algérien.
Curieusement, cette liste ne comprenait qu’une douzaine de personnes, toutes jugées très proches de Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ex-président Bouteflika et dont certains ont tenté de quitter le pays durant les derniers jours du régime.
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C’est notamment le cas de Ali Haddad, ex-président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), le patronat algérien, arrêté à la frontière algéro-tunisienne, alors qu’il tentait de quitter le pays, du magnat Mahieddine Tahkout, débarqué de son jet privé, où il se trouvait avec son épouse, en partance pour un pays européen.
Ali Haddad a été placé en mandat de dépôt au lendemain de la démission de Bouteflika.
Et le désormais nouvel et unique homme fort du régime compte bien montrer sa puissance.
Avec ce qui s'apparente bien à une chasse aux sorcières, Ahmed Gaïd Salah s'attaque frontalement aux proches du désormais ancien régime du clan Bouteflika, accusés de corruption.
En plus des oligarques, les militaires s’attaquent aussi aux dossiers de détournements de deniers publics par les dirigeants des grosses entreprises étatiques.
A ce titre, plusieurs patrons d’entreprises publiques sont ciblés. C’est le cas, entre autres, de ceux de la Sonatrach, de la Sonelgaz, d'Air Algérie, d'Algérie Télécom.
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Des éléments de la Direction des services de sécurité (DSS), les services de renseignement algérien, et des représentants de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) ont été placés à la tête de commissions d’enquête mises en places par les sécuritaires, et dans lesquelles figurent aussi des experts civils et des cadres sélectionnés pour leur intégrité morale.
Objectif: passer au peigne fin la gestion des établissements publics gérés par les proches du clan Bouteflika.
Selon les sécuritaires algériens, les résultats des enquêtes en cours, contrôlés et validés par la DSS, seront transmis à la justice qui examinera les cas avérés de corruption.
Cette opération «mains propres», menée tambour battant, sous la poigne de Ahmed Gaïd Salah, n’est pas sans rappeler les enquêtes spectaculaires enclenchées en 2010 par la DRS –le Département du renseignement et de la sécurité, service de renseignement algérien dissous en 2015- sur des affaires de corruption impliquant le groupe pétro-gazier public Sonatrach.
Ces opérations avaient alors entraîné la décapitation du staff de la plus grande entreprise d’Algérie et du continent africain, et éclaboussé des proches de Bouteflika, dont l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khélil.
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Bref, en Algérie, avec la démission de Bouteflika, l’armée tente désormais aussi de calmer la rue en mettant à l'index les anciens proches du régime, accusés de gabegie, qui se sont enrichis grâce à leur proximité avec le clan Bouteflika.
C'est là d'ailleurs une manière pour les généraux de l'armée, qui se sont enrichis grâce à des commissions mirobolantes tirés des achats d’armes et se sont, par la suite arrogé des pans entier de l’économie algérienne, de se dédouaner auprès d'un peuple en colère. En accusant des oligarques connus pour leur accointance avec un régime désormais déchu.