Algérie: entre la justice suisse et algérienne, le général Khaled Nezzar dans de sales draps

Le général-major à la retraite Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense d'Algérie.

Le général-major à la retraite Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense d'Algérie. . DR

Le 13/08/2019 à 12h46, mis à jour le 13/08/2019 à 12h47

Sale temps pour l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar. Dépourvu du parapluie du régime Bouteflika, en fuite en Espagne, il est désormais placé entre le marteau d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui par le régime algérien et l’enclume de la justice suisse pour "crime de guerre".

Khaled Nezzar, l’ancien ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée algérienne se trouve dans de sales draps.

L’ancien puissant général doit faire face à deux affaires qui risquent de le mener à la cse prison, pour de nombreuses années et même à la peine capitale, si jamais il est extradé et jugé en Algérie.

D’abord, en Algérie où il a fait parler de lui la semaine dernière en appelant l’armée à évincer le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis à son encontre par la justice militaire algérienne.

Khaled Nezzar est accusé de «complot contre l’autorité de l’Etat» et poursuivi en vertu de l’article 77 du Code pénal.

Celui-ci stipule que «l’attentat, dont le but a été de détruire ou de changer le régime, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat ou s’armer les uns contre les autres, soit à porter atteinte à l’intégrité du territoire national, est puni de la peine de mort».

En clair, en cas d’extradition, Khaled Nezzar risque la peine de mort, s'il en vient à être jugé par le tribunal militaire de Blida.

Toutefois, pour nombre d’observateurs, l’extradition du général par l’Espagne ne sera pas facile du fait du risque qu’il encourt.

En effet, l’Espagne et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) interdisent l’extradition d’un étranger vers un pays où il risque la peine de mort.

De plus, le général n’étant pas poursuivi pour un délit ou un crime de droit commun, mais pour des rimes ou délits de nature politique, son extradition pose aussi des problèmes aux autorités espagnoles.

Bref, l’extradition (et donc le jugement) du général Nezzar a peu de chance d'aboutir, mais le condamne dorénavant à se terrer en Europe, en attendant un éventuel changement de régime.

Seulement voilà: si le général peut bénéficier de la protection de son nouveau pays d’asile, l’Espagne, contre le mandat d’arrêt international émis par l’armée algérienne, en quittant l’Algérie il perd un parapluie de protection contre la justice étrangère, comme ce fut le cas sous la présidence de Bouteflika. Ainsi, vivant dans l’espace européen, il ne pourra plus échapper à la justice suisse.

C’est certainement conscient de cette opportunité que la procureure fédérale helvétique Miriam Spittler a relancé la procédure contre Khaled Nezzar.

«Par la présente, nous vous informons que le ministère public de la Confédération entend procéder à des auditions les 6 et 9 septembre ainsi que les 15 et 16 octobre 2019», écrit la procureure fédérale.

A titre de rappel, cette affaire remonte à 2011, lorsque la police suisse avait interpellé et placé en garde à vue pendant 36 heures Khaled Nezzar, alors en visite en Suisse, suite à une plainte de l’ONG suisse Trial International, qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux, qui accuse l’ancien ministre de la Défense algérienne de «crimes de guerre».

Toutefois, à cette époque, Khaled Nezzar a été remis en liberté et autorisé de quitter la Suisse.

Si le ministère public suisse a classé l’affaire en 2017 en réfutant l’existence d’un conflit armé au ours de la période 1990-1994, en 2018, le Tribunal pénal fédéral (TPF) a annulé la décision du ministère, poussant la Cour suprême a ordonné la réouverture du dossier.

En réponse, les autorités algériennes avaient décidé de réduire au niveau le plus bas leurs relations avec la Confédération helvétique pour protester contre la réouverture du dossier de l’ancien homme fort de l’armée algérienne.

Désormais, ne bénéficiant plus de la protection des autorités algériennes, le général ne peut plus se dérober et devra répondre aux accusations de la justice suisse, qui se sont corsées avec la décision du Tribunal Pénal Fédéral de greffer à l’accusation de «crimes de guerre», celle de «crimes contre l’humanité».

Il est soupçonné, selon les chefs d'accusation portés contre lui, d’avoir «autorisé ou incité ses subordonnés à commettre des actes de torture, meurtres, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et autres actes constitutifs de crimes de guerre», durant la décennies noire de la guerre civile algérienne. 

Du coup, Khaled Nezzar sera entendu dès les 6 et 9 septembre prochains par la justice suisse. 

Par Karim Zeidane
Le 13/08/2019 à 12h46, mis à jour le 13/08/2019 à 12h47