Vidéo. Algérie: "Enquête exclusive" pointe un régime sécuritaire et corrompu et une jeunesse sans perspective

La chaîne M6 a diffusé son reportage ce 20 septembre 2020.

La chaîne M6 a diffusé son reportage ce 20 septembre 2020. . DR

Le 21/09/2020 à 14h53, mis à jour le 22/09/2020 à 16h09

VidéoLe documentaire "Algérie: le pays de toutes les révoltes", diffusé par la chaîne française M6 dimanche soir, dénonce l'hyper-sécurisation d'un régime paranoïaque qui va jusqu'à tenir en laisse de pauvres touristes retraités. Il lève aussi le voile sur les maux qui gangrènent le pays.

Dans un pays où même les touristes de plus de 70 ans sont suivis pas une horde de policiers, il n'a pas été facile pour la chaîne française de tourner ce documentaire d'une heure et quart diffusé hier, dimanche 20 septembre, dans la soirée. M6 a néanmoins réussi, en s'appuyant sur des studios locaux, à accompagner 25 retraités français en visite, mais également à recueillir les témoignages de jeunes en mal de perspectives dans le pays le plus fermé de la Méditerranée.

Dans "Algérie: le pays de toutes les révoltes", titre de ce reportage, tout commence avec quelques touristes et autant de policiers qui leur servent de chiens de garde, le temps de leur visite. Le décor sécuritaire est planté. Ce qui explique que peu de monde décide de se rendre dans cet Etat policier, situé à quelques heures seulement de certaines capitales européennes.

"Il devait y avoir des hordes de touristes européens, chinois, japonais, américains… C’est incroyable qu’on soit si peu nombreux à visiter ce site", affirme médusé un visiteur français qui fait partie des 25 chanceux ayant pu décrocher un visa, et rencontré sur le site de la cité romaine de Tipaza. "S’il y aussi peu de visiteurs, c’est parce que les autorités ont verrouillé les portes du pays", explique la voix off du reporter.

Pour venir en Algérie, alors qu’il y a vécu, Jacques à la tête du groupe de touriste a dû accepter une "règle très contraignante imposée par les autorités. Pendant tout leur séjour, lui et ses amis sont encadrés par des policiers". La Chine des années 1960 à 1980 n’aurait pas fait mieux.

"On a le droit d’avancer si le groupe avance et on stationne pour attendre chacun. Ils sont tout le temps là, devant, derrière, à côté", affirme dépitée une dame du troisième âge que dérange visiblement la présence des policiers en tenue ou en civil.

Les autorités fournissent une explication tarabiscotée à cet état de fait, en affirmant craindre des attentats contre les touristes. Alors, même pour se déplacer à l’intérieur d’Alger, les touristes sont obligés d’être groupés, de prendre un minibus ensemble et surtout d’être accompagnés par une escorte policière qui donne à leur échappée touristique "des allures de visite présidentielle".

Evidemment, cela exaspère les touristes, dont Charles, un ingénieur à la retraite qui regrette de n’avoir "aucune espèce de liberté".

Les autorités algériennes sont conscientes qu’il n’y a pas plus de risque terroriste à Alger que dans la plupart des autres capitales de la Méditerranée, mais "elles veulent tout contrôler", indique-t-il.

D’ailleurs, quand Charles veut partir seul, il est aussitôt rattrapé et ramené dans le groupe par un policier en civil comme l’aurait fait un molosse avec un agneau s’éloignant du troupeau. La scène est surréaliste pour des touristes qui ne parviennent pas à profiter une seconde d’un moment de liberté.

Au-delà de l’hyper-sécurisation du régime, le reportage met l’accent sur la chute d’Abdelaziz Bouteflika chassé du pouvoir par le soulèvement d’un peuple exaspéré par la corruption qui gangrène le pays.

"Le pays possède d’immenses réserves de pétrole et de gaz, mais seuls les proches du pouvoir en profitent", explique le documentaire.

Soixante pour cent de la population ont moins de 30 ans et le chômage de jeunes atteint 22%, l’un des plus élevés au monde, parce qu’on est dans un pays où "si tu n’as pas de piston ou une aide extérieure, tu sais que tu ne travailleras pas", dénonce pour sa part un jeune Algérien à qui le micro est tendu.

L’absence de perspective pour une jeunesse gangrenée par le chômage les pousse à prendre la mer au péril de leur vie, alors que leur pays aurait pu être l’Eldorado rêvé.

En plus de n’avoir pas d’avenir, les jeunes n’ont pas non plus de vie culturelle. A Alger, il n’y a que quatre boîtes de nuit, pour 3,8 millions d’habitants.

Du coup, comme cela a été constaté au début de l’état d'urgence sanitaire, les jeunes Algériens représentent la masse la plus importante des haragas prenant la mer en direction de l’Espagne.

Par Djamel Boutebour
Le 21/09/2020 à 14h53, mis à jour le 22/09/2020 à 16h09